SOCIÉTÉ- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN
HEDIA BENSAHLI- « ORAGES »
Orages . Roman de
Hedia Bensahli. Editions Fantz Fanon , Tizi Ouzou 2018, 700 dinars, 258 pages
Elle s’appelle .....Au fait, celle qui
raconte n’a pas de prénom
, comme si elle voulait représenter tout la gent féminine
nationale.....surtout celle née dans les années 70. Vivant dans une société
encore (et pour longtemps) plongée dans les us et coutumes du passé. Tout en
étant soucieuse de vivre la modernité. Pas simple. Pas
facile.
« Elle », c’est
d’abord une petite fille, imperturbable et pleine d’aisance, face à la
tribu, qui se croit déjà grande et qui « se détache du bouillonnement
familial qui déborde devant elle et juge inutile de fournir la moindre
explication » à ses entêtements.
« Elle » est ensuite, l’étudiante
de 18 ans - déjà plus vierge car
« la virginité est un état, pas une vertu »- en Cité universitaire.
On y retrouve toutes les couleurs, toutes les odeurs et toutes les
humeurs : les hétérodoxes, les conformistes, les orthodoxes, les
révolutionnaires, les marginales, les grégaires...... Pas encore d’islamistes
car nous ne sommes encore que dans les années 80....et on commence à connaître
le plaisir des sorties estivales et du « camping sauvage ».La période
« Chadli » !
Il y a les libertaires (et non libertines
comme ont et ont eu tendance à le faire croire les conservateurs des décennies
qui suivirent). Plus féministes que féminines et surtout « intellos
libérées »
Il y a les « nonnes »...au rire
toujours explosifs et aux histoires souvent cocasses, parfois licencieuses, la
chambre devenant un « défouloir ».
Il y a, aussi, celles qui se réservent au mariage.....et
après avoir tout essayer pour convaincre leurs parents indécis de les laisser
étudier ....
Il y a le groupe des « tchichis » qui fréquentent les lieux branchés......,
il y a....
« Elle » a trente cinq ans. Déjà
considérée comme vieille.....et même les terroristes ne la prendraient au
maquis que pour la servitude de celle qui a vingt ans. Trop vieille !
« Elle » à Paris, en exil, fuyant,
réfugiée chez une tante, « d’une intransigeance à faire marcher au pas des
troupes entières ». Recherche de logement. Recherche de
travail......Recherche de mari.....pas pour l’instant. Mais, la société
originelle la poursuit de ses conseils (Ess’bar !)
....et elle se retrouve mariée, par amour ( ?!) ........à un
« pervers narcissique », « un mouroir à lui tout
seul ».......mais expérimenté en « exploitation de l’épouse par
l’époux ». Une vie en couple qui se
transforme assez vite (après les premiers mamours) en enfer. Peu à peu, il (le
mari) la « mange ». Un enfer encore bien plus chaud que celui
algérien.....car, là, les textes sont précis et appliqués...à la lettre.
« Elle » est prisonnière de milieu
originel mais aussi et surtout de sa condition de femme traditionnellement
soumise.....à l’homme. Elle tarde à réagir. Puis, un jour, grâce à un psy’ (en
dehors du cabinet car ce sera un conseil
d’homme dégagé de ses contraintes
déontologiques )......et grâce à
....Google, elle trouve la « faille » et la solution.... pour se
débarrasser (divorcer) de son
bourreau.....et à enfin, « grandir seule avec sa vérité »
à 52 ans. La solution ? Il faut
acheter et lire le livre.......en commençant par le début.
L’Auteure : Née à Ténès. Master en littérature (Université
d’Alger) et Dea en didactologie
des langues et des cultures (Sorbonne, Paris III).Enseignante.....écrivaine
(premier livre) .....et, accessoirement, photographe. Prix
(langue française) Yamina Mechakra
2019
Extraits : «Nous tentons quelques percées et remettrons le témoin aux générations
futures. Notre mièvre slogan favori : la virginité est un état, pas une
vertu ! Niaiserie me direz-vous....oui, mais
j’aimerais bien vous y voir... » (p 39), « Ce brin de chair
(l’hymen) préside au destin des femmes ;il sous-tend cette idée de beauté
pure que les jeunes filles doivent absolument préserver, réserver au mâle,
qui, lui, n’a aucun problème d’image à
défendre » (p 44) , « Pourquoi a-t-on placé ma vertu dans
mon sexe ? L’humain a inévitablement besoin d’attester, il lui faut un
sceau !Et, manque de bol, il l’a placé dans mon
vagin. Pas dans ma bouche, mes seins, mon cul.......encore moins dans mon
esprit.... » (p 46), « Maintenant ,
dans mon pays, les références au temps sont religieuses :On se retrouve
après le « ‘aasser » (prière de
l’après-midi) autrement dit avant le maghreb
(celle du coucher du soleil)...Mais quand on dit « après el’icha » (dernière prière de la
journée, elle peut se faire à n’importe quel moment ......avant l’aube),
c’est là que l’entreprise se complique vraiment. Par contre, les heures des
repas sont scrupuleusement respectées. » (p 161)
Avis : Les
états d’âme d’une jeune.......femme vivant dans le monde « moderne »,
mais restant (se retrouvant)
« coincée », par respect des us et coutumes et d’une société
d’hommes pervers et narcissiques........jusqu’au jour où..... La condition de la femme....une vie
compliquée........comme le livre lui-même.
Citations: « La
virginité ! La vertu qui légitimera ou non la descendance d’un
homme.....Une charge explosive déposée dans notre vagin ;mot
qui sonne désespérément creux, de tout temps incompatible avec le genre
humain » (p 45), « A Paris, le temps semble être une denrée
rare ;c’est fou ce qu’il passe vite ; alors pour le rattraper , il
faut courir... » (p 160), « L’argent est malheureusement devenu une forme
de rançon pour accéder à la « liberté ».Il a changé les temps, et les
dictons le devraient aussi pour être en adéquation avec les regards
sélectifs : l’habit fait maintenant le moine ! »(p 179), « Le vocabulaire désignant la femme mure a
évolué pour l’enfoncer davantage. Dès la quarantaine, elle passe au statut de khalti (tante) , puis yemma (mère), deux vocables qui évoquent malgré tout
l’affection. Mais, il y a aussi des mots assassins comme l’aadjouz
(la vieille), celle qui a fini de « donner ». Le pire de tous reste el
hadja. Consacré aux femmes de plus en plus jeunes, ce mot est sans
appel :si la vieille suppose un pied dans la
tombe, el hadja ,dont l’usage est plus récent et plus fréquent , va
sous-entendre une fin de vie totalement résignée, vouée au culte de Dieu »
(p 186)