SOCIÉTÉ- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
NOUVELLES ASSIA DJEBAR- « ORAN, LANGUE MORTE »
Oran, langue morte. Recueil de nouvelles de Assia Djebar. Format
poche. Editions Barzakh, Alger 2015 (Editions Actes
Sud, France 1997. Prix Marguerite Yourcenar) , 381
pages, 850 dinars
Huit en un : 5 nouvelles, 1 conte, 1 récit...et une postface, sorte de
conclusion. Le tout formant un véritable roman avec un fil conducteur assez
clair, le conte y compris.
Le désarroi et les interrogations de femmes Algériennes jusqu’au bout des ongles, mais
« étrangères » quelque part dans un pays (natal ou d’adoption) en
proie à des événements ,parfois heureux mais
globalement et souvent dramatiques , pour ne pas dire tragiques .
Hier, la colonisation. Après, un système politique autoritariste permettant
une certaine anarchie, celle qui l’arrange.
Enfin, une décennie rouge en raison d’un guerre
civile ne disant pas son nom et dont les « acteurs » principaux
étaient l’intolérance et la chasse meurtrière et éradicatrice menée par les
intégristes.
Première nouvelle ! Une jeune Algérienne qui revient à Oran ....en
1962, suite à la mort de sa mère
Une autre : là , c’est une Normande bon teint et bonne catholique,
Félicie, mariée à un ancien sous-officier « indigène » de l’Armée
française (et ayant participé ) la guerre mondiale , mère de ......huit enfants
aux prénoms mixtes. Elle est enterrée (elle l’a voulu) ,
après son décès en France suite à une « longue maladie », en grande
pompe, au cimetière musulman du village de son époux (décédé depuis bien
longtemps) . Une relation France-Algérie qui n’est pas en voie de se
terminer !
Encore une autre ? Une institutrice qui est « exécutée » et
égorgée (par les terroristes islamistes) devant ses élèves alors qu’elle leur
racontait l’histoire de « la femme découpée en morceaux » (à Bagdad,
il y a plusieurs siècles de cela). Elle va subir le même sort.
Récits de femmes dans la « nuit » algérienne. Sacrifices et
souffrances de femmes résistant farouchement , tentant
de survivre dans un quotidien bien souvent ensanglanté, en tout cas toujours
difficile.
Le lieu est emblématique. Tout tourne autour d’Oran, la ville la plus
ouverte du pays, mais devenue la plus cruelle,
devenue une « ville opaque,
une « mémoire gelée » et une « langue morte »
L’Auteure : Née Fatma-Zohra Imalayène.
Elle n’est plus à présenter. Dix romans, deux recueils de nouvelles (dont un
prix Marguerite Yourcenar ), deux récits, un essai,
deux films longs métrages, deux pièces de théâtre.... Membre de l’Académie
française, prenant le siège vacant de
Georges Vedel décédé....et devenant (le 22 juin 2006) une des huit femmes membres , décédée le vendredi 6 février 2015...et inhumée à
Cherchell , sa ville natale. Traduite dans vingt-trois langues. Qui dit
mieux ?
Extraits : « Au moment de mourir, ne pas
être lavée selon la règle coranique, être inhumeée
seule, sans les prières ni l’amour des siens : qu’y aurait-il de plus
terrible sur terre ? » (p 93), « Dans la tourmente
et la dérive acutuelles , les femmes cherchent une langue : où déposer,
cacher, faire nidifier leur puissance de rébellion et de vie dans ces alentours
qui vacillent » (p 377)
Avis : Une œuvre tragique ,
amère, mêlant , sans complaisance, esthétique et réalité, amour du pays natal
et révolte intérieure face aux ratages socio-politiques
Citation : « Le pire des moulins à
vent : le temps qui fait grandir si vite, trop vite, l’enfant loin des
yeux de l’autre parent dépossédé .....Deux pays, la France et l’Algérie,
que l’histoire a liés si longtemps dans un affrontement –dans un
accouplement ?- déchiré de passion, de désir, de violence » (p 220)