SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECUEIL DE NOUVELLES FERHANI AMEZIANE- « LES COUFFINS DE L’EQUINOXE »
Les couffins de l’équinoxe. Recueil
de nouvelles de Ferhani Ameziane.
Chihab
Editions, Alger 2018, 1000 dinars, 227
pages
Là aussi, treize nouvelles. Un chiffre
magique pour nos nouvellistes ? Ou, alors, une norme imposée par
l’éditeur ?
Treize nouvelles qui nous transportent dans
bien des régions du pays....et ailleurs dans le monde ; l’Inde, Gao,
Paris, Toulouse, Beyrouth....
C’est , entre autres, la vie quotidienne d’un village, Tadja , dans le Dahra, village qui « figure dans les livres
savants des tremblements de terre mais
jamais dans les vers de nos poètes » et les prédictions ô combien étranges de Cheikh Larbi Boukanssi ;
prédictions annonçant octobre 88 , l’état d’urgence , la douleur, la peur , les
moustiques, le feu, le sang et la mort
....Il est vrai que le pain (imposé !) avait remplacé la galette (les
femmes voulant plus de temps pour elles
et la télévision étant l’ennemi juré de la galette....disait-on ) .La
fin d’une époque .
On se rend, aussi, à Gao, avec la nouvelle
(suite à un reportage en Inde) peut-être
la plus émouvante. Le séjour –quel hasard !- dans une chambre d’hôtel qui
avait accueilli un concitoyen décédé d’une crise cardiaque lors de ses
vacances....En fait, un homme au parcours incroyable, première victime de
l’enfer colonial car héritier de la
ferme « Ameziane » de Constantine
(réquisitionnée par l’armée française) et résistant sauvagement torturé.
Il y a, un long voyage dans le
temps....Baltimore en 1631..... avec les longs voyages
des corsaires algériens. Mourad Rais (d’origine hollandaise et connaissant bien
les mers du Nord) qui a, d’abord,
attaqué l’Islande et l’Irlande, avant de se rendre, quatre années plus
tard, à la colonie anglaise de Baltimore......petite mais riche. Un long voyage
dans le temps et l’espace mais surtout le refus d’une auteure, historienne de
son état, qui refuse d’accepter les conditions a-historiques de son éditeur
anglais, peu porté sur l’encensement des personnages liés à l’Islam.
Autre nouvelle assez réaliste ,
celle de « la crue ». Nous sommes plein Sud.....une journée parfaite,
un ciel bleu, une voie libre, un vent frais et vivifiant.....comme seul le
Sahara peut offrir comme sorte de printemps.....Sur le vaste plateau
, une file interminable de
voitures et de camions.. A perte de vue. Tout est bloqué. En fait, un
vieillard, assis sur la chaussée, à même le goudron, faisant face aux
chauffeurs, tout particulièrement les « citadins » ........ne veut
laisser personne passer.......pour ne pas avoir, dit-il, « l’infamie de
votre mort sur ma conscience ».
Tout d’un coup, le tonnerre, les éclairs.......et la crue qui arrive,
rien ne l’arrêtant.
Et d’autres, et d’autres : La fuite
(clandestine) de Gabo (Gabriel Garcia Marquez). « L’odeur du voyage »
(ne pas partir pour s’en souvenir). « Ramz de
Numidie » (une histoire d’étalon(s) ...arabe et d’une jeune fille issue
d’une famille coloniale). Le message beyrouthien de
« Sanâa.... ». « Personne dans la
rame » (de métro parisien .....où ne sont
rencontrés que des étrangers) ...... Un véritable tour du monde où journalisme
(reportage) et fiction se mêlent avec un talent maîtrisé de
l’écriture.....enfantant de très bonnes nouvelles
L’Auteure : Né en 1954 à Alger. Etudes en sociologie urbaine.
Journaliste spécialisé dans le culturel et la communication (« Algérie
Actualités », « Parcours Maghrébins », « El Watan »). Déjà auteur de plusieurs ouvrages dont
« Traverses d’Alger » en 2012
Extraits : « Nombreux étaient les enfants du village qui travaillaient dans
la vallée et les grandes villes du pays. A force de gagner leur pain ailleurs,
ils avaient oublié les galettes de leurs mères et épouses » (p 13),
« L’odeur du voyage. Pas de mais du. L’odeur du voyage, oui. Identique quelle que soit la
destination, la raison, la durée, le mode de transport ou le temps qu’il
faisait. Qu’était-elle au juste cette odeur ?D’où
venait-elle ?Peut-être remontait-elle aux premiers voyages, y compris
celui de notre débarquement sur terre » (p 53)
Avis : Après les « Traverses d’Alger », nous voilà donc
sur les routes du pays, avec même quelques échappées à travers le monde....ce qui nuit (un peu) à l’unité de
l’œuvre. Très bien écrite, il faut le noter.
Citations : « Dans ce monde, il y a les forts, les
aigles, les puissants et puis il y a nous autres :les moustiques » (p
86), « Nous sommes aussi inconstants que les oueds de notre pays,
invisibles d’ordinaire et imprévisibles en leurs surgissements, capables de
longues absences dociles avant de débouler en fureurs irrésistibles » (p
131), « C’est la vie !Avez-vous remarqué que cette expression n’a
jamais autant de succès que lorsque la vie s’éloigne. Quel drôle de
paradoxe ! » (p 151), « N’importe quel humain peut être un
personnage de roman, pour peu que l’écrivain en ait le savoir-faire » (p
164), « L’histoire est décidément une forêt aux ombres épaisses où
l’ignorance est le plus féroce des prédateurs » (p 184)