SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
ASSIA DJEBAR- « LA SOIF »
La soif. Roman de Assia
Djebar. Editions Barzakh,
Alger 2017 (première publication en 1957 aux Editions Julliard à Paris) .700
dinars, 202 pages
publication en 1957 aux Editions Julliard à Paris) .700 dinars,
202 pages
Le premier serait-il donc le meilleur ? Le
premier roman pardi (c’est assez différent pour l’essai ou le livre
universitaire et documentaire qui peuvent être produits au « kilo »)
! Certainement parce qu’il est celui dans lequel s’investit le plus un
auteur..... en herbe , pensant qu’il n’y en aura pas, peut-être, d’autres. Certainement celui où les règles
élémentaires d’un récit fictionnel
réussi sont respectées à la lettre. Certainement ,aussi,
parce qu’il y a encore de la fraîcheur et de la sincérité.
C’est, peut-être, ce qui a valu à Assia Djebar une reconnaissance
immédiate (qui gagnera en ampleur par la suite).Il est vrai que le moment....en
Europe, s’y prêtait. Le début des années
50, au sortir de la seconde guerre mondiale et l’arrivée sur scène d’une
jeunesse hédoniste, mélancolique, cherchant la voie du bonheur, le confondant
bien souvent avec le plaisir...Entre « Bonjour tristesse » et
« Aimez- vous Brahms ? » de F.Sagan . Les guerres
d’indépendance et les luttes anti-coloniales avaient
certes commencé mais beaucoup n’avaient pas encore saisi, totalement, leur force . C’est
pour cela que certains de nos intellectuels (Lacheraf
et Haddad) ,
déjà bien engagés dans la lutte nationale, l’ont trouvé « décalé ».
L’auteure, plus tard , désavouera (quelque peu) son
œuvre....tout en précisant qu’il s ’agissait d’un « exercice de
style » et tout en avouant que
« La Soif » est « un roman que j’aime encore et assume. Je ne
lui vois pas une ride » et d ’ajouter :
« Vous ne pouvez m’empêcher d’avoir préféré lors de mes débuts d’écrivain
un air de flûte à tous vos tambours » . Et pan !
C’est donc l’histoire d’une jeune fille
( ?) , issue d’une famille aisée , vivant dans un milieu aisé, assez sûre
de son charme, qui s’ennuie ferme....partagé sentimentalement entre l’époux de
son amie (une jeune femme pas du tout sûre- plus du tout car ne pouvant
enfanter - de son charme), un journaliste et son ami (son amoureux), un avocat
......Elle se livre à un jeu compliqué –
presque enfantin - pour satisfaire son amour propre et son désœuvrement . Il
est vrai que l’amie en question
« ferme les yeux » , allant même jusqu’à
encourager le jeu. Un jeu qui finira mal .....sauf pour notre héroïne.....qui , le « jeu » terminé, retrouvera son
amoureux...... mais plongera aussi dans le remords. Bonjour
déprime ....petite bourgeoise!
L’Auteure : Première femme musulmane à avoir
intégré l’Ecole normale supérieure de Sèvres (France)...d’où elle est exclue,
en mai 1956, pour avoir suivi l’ordre de grève lancé par l’Ugema.
Premier roman écrit à l’âge de 21 ans. Seize romans au total, deux longs
métrages documentaires, auteure de deux drames musicaux, des prix littéraires
en grand nombre, docteur Honoris causa de trois universités étrangères,
traduite en vingt-trois langues.....et , en fin de
parcours, élue (au fauteuil de Georges Vedel) à l’Académie française le 16 juin
2005. Décédée le 6 février 2015 à Paris et enterrée à Cherchell, sa ville
natale.
Extraits : « Un homme veut une femme
parce qu’il a froid ;pour cette seule raison ils
cherchent tous à se frotter si souvent au plaisir. Pauvres petits vers qui,
tous, un beau jour, finissent par se prendre pour des dieux !Moi, je n’aime pas les dieux » (p 70)
Avis :Premier roman (écrit en un mois et en
cachette du père puisque publié sous pseudonyme ) .....d’une
jeune femme qui commence à découvrir la vraie vie.....Un texte court mais d’une
rare beauté. Art déjà consommé de la création et des nuances, très bel exercice
de style indissociable de la maîtrise corporelle.Et,
un grand bravo pour sa réédition...car le livre était devenu introuvable sinon
oublié.
Citations : « On m’avait appris à
classer les femmes en trois catégories : les femmes de tête, les femmes de
cœur, et les femelles...au sexe avide » (p 72), « Les routes
sont les mêmes, ce sont les êtres qui changent » (p 73)