SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
AMIN ZAOUI- « L’ENFANT DE L’ŒUF »
L’enfant de l’œuf. Roman de Amin Zaoui. Editions Barzakh, Alger 2017 . 700 dinars, 232 pages
Un roman écrit à deux voix. Celle de Moul
(diminutif de Mouloud) , l’humain, ou tout du moins ce
qui en reste ; celle de Harys (qui auarait préféré être appelé Quitmir)
, le caniche de compagnie (ou d’infortune). Deux « orphelins »
de la société .
Moul vit seul, son épouse Farida l’ayant quitté, sa
belle-mère Sultana dont il était l’amant décédée sans
avertir, sa fille unique étant partie
vivre sa vie ailleurs, un homme à l’aise matériellement mais déjà plus jeune ,certes
pas encore vieux ,la cinquantaine
encore assez verte , malgré la sédentarité, la cigarette et le whisky à gogo
,et au vu de ses exploits amoureux avec
la réfugiée syrienne du dessous (sensuelle et bouleversée par la guerre , donc
fragile) ou la vétérinaire ....célibataire,
soignant son chien.
Moul vit seul donc, se contentant de lire (la
presse et les livres) , d’observer les autres (de son
appartement dominant les rues grouillantes de monde d’Alger), de chanter Cheikha Remiti ou Jacques Brel
.....et de parler à son chien.......un animal presque
humain
Un homme et son chien. Le premier incapable de s’attacher à un autre être
humain et le second vivant au rythme des besoins et des sentiments de son
maître .....et ayant , lui aussi, des penchants de
jouisseur.....aimant les chiennes de la véto’ , le chocolat noir.....et urinant
avec plaisir sur les Unes des journaux (surtout celles arborant des portraits
de politiciens) lui servant de litière.
Un duo ? Un trio ? Un quatuor ? En tout cas, un groupe
bancal, cacophonique, parsemé de passions et de déprimes, de joies tranquilles
et de tristesses dans un univers plein d’hypocrisie, d’intolérance, de voisins
voyeurs, de mensonges et de haines souvent sans raison.
Un univers qui ne tarde pas à s’écrouler lentement mais sûrement. Lara , la syrienne chrétienne (qui était obligée de cacher
sa croix en Algérie) , part au Canada ; Farida, l’épouse , toujours
amoureuse, meurt au loin d’un cancer des deux
seins et Tanila la fille unique décède dans un
accident....Quand à la vétérinaire, elle en a marre de ses animaux et cherche
un homme de compagnie. Harys , ne tarde pas à mourir......et Moul,
désormais réellement bien seul, se retrouve..........Où ????? Devinette ...à 700 dinars !
L’Auteur :Né en 1956, enseignant
de littérature puis directeur du Palais des Arts et de la Culture d’Oran et de
2003 à 2008, directeur général de la Bibliothèque nationale d’Algérie .
Ecrivain bilingue, auteur de plusieurs ouvrages (dix romans, un essai, un beau livre...) dont certains traduits dans une dizaine de
langues.
Extraits : « Dès qu’il commence à
pleuvoir, j’imagine Dieu dans ses cieux en train de pisser sur nous ou de
pleurer à cause des bêtises humaines commises sur cette terre :les guerres, les haines, les infidélités » (p 34),
« Les hommes sont des arriérés mentaux, il leur faut beaucoup d’années
pour atteindre la sagesse. Et, quand la sagesse humaine se présente
, elle arrive souvent accompagnée d’hypocrisie religieuse » (p 36) ,
« Les hommes fournissent beaucoup d’efforts afin de dissimuler les soupirs
dus à leurs souffrances. Ces mêmes hommes font du bruit en mangeant, la bouche
ouverte » (p 80),
Avis :Assez originale comme écriture.....au
style difficile à saisir au départ mais prenante par la suite. Toute l’histoire
de la solitude. Triste mais émouvant.Et, un auteur
toujours sévère (une critique faite de
« piques » que je trouve « objective » car franche et
lucide) à l’endroit de sa société
Citations : « Nous sommes dans un pays
où l’islam est religion d’Etat et le vendredi un jour sacré. Le jour du
couscous pour les grand-mères, de la grande prière pour les croyants et les politiciens
hypocrites » (p 11), « Le plaisir de chier n’a dégal que celui de l’orgasme » (p 40), « Je
déteste les guerres et je vénère la mort des braves. Il n’y a pas de bonne
guerre , toutes les guerres sont sales même si celles qui sont justes, même
celles dites saintes » (p 156), « Ce sont les inconnus qui
construisent l’Histoire pour les grands ou pour ceux qui deviennent grands
« (p 157), « La morale n’est pas dans les institutions, elle est dans
la culture, dans le niveau de la civilisation » (p 194), « C’est
facile de trouver un trou de souris pour y vivre, mais pour tomber sur un vrai
cœur chaleureux, il faut faire sept fois le tour du monde » (p 216),
« La vieillesse commence par la perte du miel du rêve » (p 224)