SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
NASSIRA BELLOULA- « AIMER MARKIA »
Aimer Maria. Roman de Nassira Belloula. Chihab Editions, Alger
2018, 750 dinars, 154 pages
Maria est mariée à seize ans....elle qui , fille unique, ayant vécu aimé par des parents très amoureux l’un de
l’autre. Trente ans de vie commune......avec un véritable « fils à
maman » , un macho comme on n’en fait (presque)
plus. Quatre filles, deux garçons....et un bébé mort-né. Trente ans de silence,
transformée en véritable machine à enfanter sans qu’elle éprouve le moindre
plaisir. Au contraire même...l’acte d’amour conduit par l’époux étant
sacralisé. Religion oblige !
Trente ans de silence. Obéissant aveuglément
à tout ce qu’on (le mari, la belle-mère, les imams cathodiques....) lui
prescrivait (plutôt intimer) : ne pas sortir seule de la maison, ne pas
regarder par la fenêtre, sortir voilée, ne pas parler aux autres.....subir,
sans protester....ni parler, tout ce que
l’homme-époux veut à tout moment et comme il l’entend.....
Et, puis, un jour, le déclic ! Le sermon
d’un imam cathodique....affirmant que « l’épouse pieuse, dévouée et
croyante sera récompensée par Dieu.... qu‘elle entrera au paradis et.....y
retrouvera son mari.....pour l’éternité......et elle le ....partagera avec des
femmes et des houris, chacune à son tour, sans jalousie, ni
fâcherie..... ». Des mots qui font « tilt » dans le cerveau de
la dame « qui tient pour acquis les connaissances de ces
prédicateurs ».
Trente ans de peines et de
« solitude », femme avant l’heure, mère avant l’heure, grand-mère
avant l’heure.....basta ! Faudrait-il donc retrouver « là-haut »
pour une éternité qui ne finira jamais, le bourreau d’ « ici-bas »....qui,
en plus se trouvera
« récompensé ». Encore « baisée » au paradis par le
mari ? Jamais !
Elle décide alors de quitter le domicile
conjugal pour aller se réfugier auprès de sa mère, toujours aimante, au sein du
domicile familial encore empli de souvenirs heureux.......dont celui d’un lointain
amour de jeunesse. Des souvenirs qui la feront sombrer dans la douce folie dans un passé heureux mais
raté....les choix de vie n’ayant pas été faits de manière catégorique au moment
où il le fallait ; la société, la famille, les us et coutumes, les
habitudes, les vues religieuses
....dominant et déterminant les comportements, même les plus regrettables et
les plus dommageables.
Deux récits se croisent :
Celui des filles –désormais assez grandes-
qui s’échinent à décrypter les non-dits des relations entre leurs parents (pas
facile quand on sait que , souvent, le père est très
sévère avec la mère et très « cool » avec ses enfants ».....et
que , pudeur oblige, les confidences des mamans s’arrêtent toujours à la porte de
la chambre à coucher). Mais, ils comprendront.
Celui de la mère, rétrospectif, qui éclaire
la révolte subite décrétée contre sa soumission. Une révolte pour se
« recoller », se « récupérer ».,
car « brisée en morceaux ».
L’Auteure :
Journaliste, ayant travaillé dans plusieurs quotidiens d’information algériens,
actuellement installée au Canada. A son actif, plusieurs ouvrages :
romans, poésie, essais
Extraits : « Elle ne s’appartient plus, elle appartient à nos corps et au
corps du père ; elle est mère et épouse. Deux rôles qui l’excluent de
toute autre alternative. Elle ne peut plus être femme » ( 41),
« Depuis la nuit des temps, le système patriarcal a trouvé écho dans le
religion et a fait de Dieu un allié dans cette aliénation acharnée contre tout ce
qui est féminin. Ainsi se perpétue ce système qui tire sa puissance de sa verge
et non pas de son cerveau, opprimant et réduisant à néant chaque voix de femmes
qui voudrait sortir du chaos » (p 109)
Avis : Féministe ? non . Seulement défenseuse de la cause des femmes, d’abord
jeunes filles mariées contre leur gré,
épouses et mères ....qui ne
supportent plus la « suprématie » de l’homme....une suprématie
« fabriquée » par société traditionnelle algérienne et musulmane et des
époux machos. A lire d’abord et avant tout par les (futurs et actuels)
maris !Et, par les parents (surtout les pères)
des jeunes filles « à marier ».Attention, style douloureux.
Citations : « Quel
rôle peut avoir une mère sinon celui d’une mère ?Aucune fille n’osera
parler de la libido de sa mère, aucun fils n’osera imaginer que le corps d’une
mère puisse être ni qu’il puisse succomber au charme, au romantisme, au
plaisir, aux caresses autres que celles maternelles » (p 41), « Dans
notre monde, le sexe ne s’envisage que dans la tête et ne se livre pas »
(p 43), « Dans une belle famille, on passe de la fille dorlotée à la fille
déchue, de la fille capricieuse à la fille dépossédée, de la fille servie à la
fille servante » (p 52), « Attendre, c’est cesser d’être, c’est
s’abandonner sur le bord de la route » (p 87), « Le pire dans cette
déconstruction (de la femme épouse et mère ) , c‘est le cas pathologique du père qui ne l’appelle que par
des interjections ; hé ,ho, ha, parfois criant tu es où ? Où y
a m’ra –hé femme ! - .La honte de dire sa femme, éloigner l’innommable , lui substituer des palliatifs pour ne pas la
nommer. La nommer, c’est lui permettre d’exister » (p 111) .