SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
MAISSA BEY- « NULLE AUTRE VOIX »
Nulle autre voix. Roman de Maissa Bey . Editions Barzakh , Alger 2018, 800 dinars,202 pages
L’histoire d’une jeune femme mal –calinée (par
ses parents et surtout par une mère plus soucieuse du qu’en dira-t-on que de la
santé psychique de sa fille) , un peu mal-fagotée,
mal-mariée, mal-aimée, brutalisée......qui en arrive
à.................... assassiner son époux (préférant à l’empoisonnement –
car employée dans un laboratoire pharmaceutique - quelques coups de couteau
bien placés par surprise alors qu’il était scotché devant la télé) . Bref, elle en avait marre de toujours subir un mari plus
que macho et indifférent. Pour elle, « je l’ai tué. Normal ! ».
Et, aucune déclaration pour expliquer aux enquêteurs, puis aux jurés, le
pourquoi et le comment de la chose. Même pas à son avocat. Aucune circonstance atténuante. Quinze ans de
réclusion criminelle. Aucun appel. Elle voulait être reconnue coupable....pour
« payer jusqu’au bout le prix de ses lâchetés et de ses
renoncements »
La prison. Elle se sentait
« délivrée », car « c’était fini. Il n’était plus ». Des
années d’enfermement. La peine totalement purgée car refusant la liberté
conditionnelle. Puis, la libération, retrouvant , la
cinquantaine proche, les cheveux rares
et grisonnants, son appartement (grâce à un frère aimant...et à un petit
« héritage »). Le silence et encore le silence...la solitude totale
et aucune confidence. Ni aux journalistes, ni aux voisins, ni même au frère.
Puis, un jour, une jeune et élégante femme,
la trentaine épanouie, d’allure
sportive, se disant heureuse en famille, enseignante d’université (dit-elle) se
présente afin de recueillir des confidences....afin d’écrire, dit-elle, un roman
basé sur des faits réels.
De rencontre en rencontre, une certaine
« amitié »......et, autour d’une tasse de thé ou de café, la parole
se libère. Pas trop, juste de quoi relancer les retrouvailles. Un sujet :
Le séjour en prison mais, surtout, la mise à mort d’un homme. Un acte en
apparence énorme, insensé, monstrueux, invisible mais bien réel et froidement
exécuté.
Parallèlement, elle aussi se met à écrire, en
cachette, son « roman ».. Confession intime
peut-être plus vrai que celle faite à sa
nouvelle « amie ». L’écriture : une forme de libération.
Puis, un jour, l’histoire ayant pris fin,
l’amie disparaît et reste introuvable même à l’Université. Etrange ! Pour
obtenir une manière opérante ? Un dédoublement de personnalité car ne pouvant
plus se débarrasser de son « statut » de femme exploitée, de femme
–objet ......se voyant « obligée » de tuer pour se
libérer ? Je tue, donc j’existe ! Sans remords et sans haine !
L’Auteure : Née
à Ksar El Boukhari en 1950. Père instituteur. Etudes de Lettres françaises.
Enseignante du secondaire. Habile conteuse . Auteure d’une œuvre assez importante (éditée
en Algérie et à l’étranger), plusieurs
fois distinguée.
Extraits : « Dans les livres, les films, les documentaires tournés ailleurs
qu’ici, les prisonniers vivent dans des cellules. Parfois seuls, parfois à
deux, ou même à quatre. Cela existe chez nous. Dans certaines prisons et pour
certaines personnes . Tout est fonction de position
sociale et d’argent. Et, les deux vont toujours ensemble. En prison , l’argent
est maître » (p 50) , « Oui, il y avait un peu de ça : ce
plaisir inavouable que nous pouvons ressentir en côtoyant le monde du crime ,
de la nuit, le monde du sexe sans entraves , de la passion parfois mortifère,
un monde où il est facile de basculer , où les interdits sont foulés aux pieds
et où seuls comptent le plaisir , la jouissance immédiate. N’avez-vous jamais
ressenti cela ? » (p 89), « Entre les murs, hors-monde, tout est vécu dans l’excès. Les amitiés. Les
rejets. Les rivalités. Les colères. Et les sens sont exacerbés par le manque.
C’est là-bas que j’ai découvert que les
femmes ont besoin de sexe, avec ou sans amour. Vous le savez ? Vous savez
qu’une femme peut éprouver du désir avec la même irrésistible force, la même
impatience qu’un homme ? » (p 177).
Avis : Une
histoire vraie, racontée à l’auteure ? Qui sait ! Comment retrouver
le goût de vivre, après tant et tant d’années de brimades, de désillusions et
de solitude. Etre écouté(e).....certes pas facile. Ecrire.....c’est possible....bien que l’on
n’en sort pas indemne. La formule vous
est fournie par l’auteure.
Citations : « La violence, la violence première, est d’abord celle que l’on se
fait à soi-même » (p 33), « Je ne sais plus où j’ai lu que l’écriture
d’un roman se situe au carrefour de l’imaginaire, de l’intuition et du réel. Le
tout brassé, pressé, trituré par la puissance ou l’atonie délibérée du
style » (p 95), « C’est à croire que la dignité des femmes se situe
essentiellement dans leur vagin. Les autres qualités allant de soi. Fidélité.
Dévouement. Sacrifice. Exemple. Courage. Ah ! Ces mots fort respectables
qui se tiennent droit !Ils se pavanent, salués et célébrés pat tous. Une vie de femme
ne peut trouver de sens que dans le souci des autres et le sacrifice de soi
» (p 104) , « Le visible et le caché. Deux
socles sur lesquels repose la société. Ce qui ne se voit pas n’existe pas et ne
peut donc pas être répréhensible » (p 125) ,
« La première violence est de s’arroger le droit de disposer de l’autre.
Du corps de l’autre. Au nom d’une supériorité légitimée par la naissance, le
sexe, l’argent, la position sociale ou encore par des lois humaines ou
divines » (p 166), « Ecrire pour soi, écrire sur soi est une activité
dangereuse. Il est trop dangereux de trop se rapprocher de soi » (p 170),
« Un auteur de roman n’a pas de comptes à rendre à la réalité ou à la
vraisemblance » (p 195)