COMMERCE-
DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES - AIDE A L’EXPORTATION- ETUDE EL WATAN/RABAH
OUATAH
L’aide aux exportations
hors hydrocarbures
Un système coûteux et inopérant
(c) El Watan/Rabah Ouatah, 24 décembre
2018
Par ce système, on vise
expressément les aides directes octroyées aux exportateurs, à savoir le FSPE, la
rétrocession d’un pourcentage des recettes en devises, ainsi que les facilités
en matière de rapatriement du produit de l’exportation.
1. Le fonds
de soutien à la promotion des exportations (FSPE)
C’est la
loi de finances pour 1996 (art 111-115) qui a institué le FSPE, ce fonds est
destiné à la promotion des exportations hors hydrocarbures. Cette disposition
législative a été traduite sur le plan réglementaire par le décret exécutif du
05/06/1996, qui a fixé les modalités de fonctionnement du compte d’affectation
spécial n° 302-084. Mais cette aide n’a été mise en application que depuis
2002, à la faveur de l’arrêté interministériel du 01/06/2002, qui a fixé la
nomenclature des recettes et des dépenses du FSPE. Pour les recettes, c’est
principalement une quotité de 10% de la taxe intérieure de consommation. En
dépenses, ce texte prévoit :
– le
soutien des exportateurs à la participation aux foires et expositions, à
l’information des exportateurs ;
– l’aide
aux frais de transit et de transport international, ainsi que les frais liés à
l’adaptation des produits aux marchés extérieurs.
Ce décret
a été modifié par un autre décret exécutif du 25/08/2014, qui a défini les
actions susceptibles de bénéficier de cette aide. Ces actions (mieux cernées et
précises) sont au nombre de 9. Il a fallu attendre 2016 pour qu’un arrêté
interministériel définisse le pourcentage de l’aide pour chacune des neufs
actions.
En
réalité, ces modifications n’ont fait que reconduire les actions définies
initialement, mais ce sont les taux qui ont été touchés pour certaines actions.
Aussi, il y a lieu de dire que ce fonds a été géré initialement par Promex (qui
est devenu Algex) et actuellement par le ministère du Commerce. Concrètement,
voici quelques indications sur le niveau de l’aide octroyée par le FSPE(1) :
2010 : 600 millions de dinars (pour 95 entreprises) / 2011 :350
millions de dinars (pour 124 entreprises)/ 2012 : 766 millions de dinars (pour 317
entreprises)/2013 : 921 millions de dinars (pour 251 dossiers) / 2014 :
526 millions de dinars. (Source ) :
Ministère du Commerce
Nous
savons que l’essentiel des produits exportés est constitué de matières
premières et de demi-produits, soit 80 à 90% (dérivés des hydrocarbures pour
l’essentiel), le reste, soit 10 à 20%, est constitué de produits agricoles et
agro-alimentaires (dattes, produits laitiers, boissons, etc.). Ces derniers
représentent une moyenne de 300 millions de dollars/an.
Pour les
matières premières et les demi-produits, les exportations se font de façon
aléatoire, car il n’existe pas de débouchés au niveau national, c’est le cas
des produits dérivés du pétrole exportés par Sonatrach, ou aussi de la mélasse
de sucre ou des huiles acides exportées par Cevital. C’est le cas aussi des
sociétés comme Fertial (fertilisants) ou Sorfert (ammoniac) qui exportent, car
le marché algérien n’absorbe pas toutes leur production. Ces produits seraient
exportés, qu’il y ait l’aide du FSPE ou non.
Par
conséquent, les matières premières et demi-produits ne doivent pas, selon le
bon sens, bénéficier de l’aide à l’exportation. Seuls les 10 à 20% restants
devraient bénéficier de l’aide du FSPE, car c’est cette partie qui est issue de
l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire qu’il est nécessaire de
promouvoir. Même dans ce dernier cas, l’aide ne doit être donnée que si les
quantités connaissent une progression dans le temps, c’est ce qui peut motiver
à faire plus. Sinon cela peut constituer une aide à la médiocrité.
2. La
rétrocession des devises aux exportateurs
Rappelons
que c’est l’instruction n°22-94 du 12/04/94 de la Banque d’Algérie qui a fixé
le pourcentage des recettes d’exportation hors hydrocarbures, ouvrant droit à
l’inscription aux comptes devises des personnes morales. Cette instruction a
unifié les différents taux existants auparavant à un taux unique de 50%.
A l’époque
(les années 80’ et 90’), cela constituait une incitation en raison du difficile
accès à la devise. Aujourd’hui, les données ont changé, le dinar est devenu
convertible commercialement. Donc, une entreprise voulant importer une matière
première, un outillage, une machine n’avait qu’à domicilier l’opération, à
alimenter son compte en dinars et le transfert peut s’effectuer. Donc, cette
pratique de rétrocession et d’inscription au compte devises n’est plus
justifiée.
De ces 50%
rétrocédés, seuls 10% (instruction n° 03-98 du 21/05/1998 de la Banque
d’Algérie) sont laissés à la libre disposition. Ce dernier taux est porté à 20%
depuis la tripartite de septembre 2011. Libre disposition signifie que ces
fonds sont laissés à l’exportateur pour couvrir, théoriquement, ses frais de
voyage, de publicité et de participation à des manifestations commerciales à
l’étranger, bien que le FSPE prévoit la possibilité d’une prise en charge
jusqu’à 80%, il peut donc y avoir un double emploi.
Pratiquement,
libre disposition signifie que l’opérateur n’est pas tenu par la réglementation
de justifier l’utilisation des 20% rétrocédés.
Pour le
restant de ces 50%, à savoir 30% (50 % – 20 % de libre disposition) leur
utilisation par l’exportateur doit être réservée pour importer une matière
première, un demi-produit ou un équipement, et ceci sous le contrôle de la
Banque d’Algérie par le biais d’une demande de l’opérateur.
Ce qui est
tout à fait normal, bien qu’il faille préciser que depuis que le dinar est
convertible commercialement, l’exportateur n’a pas besoin de recourir à ses
devises propres. En juin 2016, la Banque d’Algérie a édicté une facilitation(1) pour
l’utilisation du restant des 50% rétrocédés pour les opérateurs qui souhaitent
les utiliser pour importer une matière première dans le cadre du
perfectionnement actif.
Cette
facilitation consiste à ne plus demander d’autorisation à la Banque d’Algérie,
c’est-à-dire que l’utilisation des devises existantes dans ces comptes est
libre. En elle-même, la mesure est intéressante, mais il ne faut pas être naïf,
l’opérateur exportateur, qui souhaite importer, voudrait toujours payer en
dinars et obtenir le transfert au taux officiel, plutôt que d’utiliser ses
propres devises.
L’application
d’une telle disposition, si elle n’est pas encadrée, se traduirait
inéluctablement par le transfert du contenu de ces comptes à l’étranger
rapidement, surtout s’il est fait usage de la surfacturation dans ces
importations.
Le tableau
ci-dessous retrace l’évolution des montants des importations financés sur
compte propre de devises et l’estimation des rétrocessions des devises aux
exportateurs.
Sur la
base de ce tableau, nous voyons clairement que les exportateurs n’utilisent
leurs propres comptes devises que d’une façon insignifiante, passant de 220
millions de dollars en 2011 à 18 millions de dollars en 2015 pour tomber à 3
millions de dollars en 2016 et 14 millions de dollars en 2017. Marquant ainsi
leur préférence nette à utiliser les transferts de devises au niveau des banques
en contrepartie du paiement en dinars.
Ce tableau
montre également le montant important des rétrocessions de devises aux
exportateurs. Au fil des années, ces comptes peuvent héberger des montants
cumulés qui peuvent se chiffrer en dizaines, voire en centaines de millions de
dollars. Si la rétrocession des devises durant les années 80’ et 90’ était
justifiée, la situation économique de l’Algérie depuis les années 2000 ne
justifie plus cette rétrocession. C’est pourquoi il est normal d’aller dans le
sens d’une suppression de cette rétrocession.
3. Le délai
de rapatriement
C’est
l’article 11 du règlement n° 91/13 du 14/08/1991 de la Banque d’Algérie qui a
fixé à 120 jours le délai de rapatriement du produit d’une exportation. Ce
délai a été porté en 2007 à 180 jours maximum, après la date d’expédition de la
marchandise. Ce délai est plus que correct, sachant que la pratique du crédit
fournisseur se situe entre 30 jours et 120 jours généralement.
Donc, un
crédit de 180 jours est vraiment exceptionnel dans les pratiques commerciales
courantes. Aussi, il est à relever qu’avec la plupart des clients traditionnels
de l’Algérie, le paiement cash est le plus utilisé, c’est ce qui explique
principalement le non-recours aux services de la Cagex par la plupart des exportateurs
algériens.
A titre
d’illustration, une enquête, faite en 2007/2008 à Béjaïa, a révélé que les 12
exportateurs privés et quelques exportateurs publics de l’époque (ENEL pour le
liège, Alcovel pour le velours d’Akbou) ne faisaient pas appel à la Cagex
(organisme public chargé de l’assurance à l’exportation). Car ils ont estimé
qu’ils n’ont pas de problème de paiement ni de rapatriement.
Le
règlement de la Banque d’Algérie du 13/12/2016 a porté ce délai à 360 jours
après la date d’expédition de la marchandise. Ce prolongement est intervenu à
la demande des exportateurs algériens représentés par leur association qui est
Anexal. Ces derniers ont estimé que le délai en vigueur, avant la date du
13/12/2016, qui était de 180 jours, constituait un blocage pour promouvoir les
exportations hors hydrocarbures. La Banque d’Algérie a fini par accorder cette
demande.
Réclamer
un délai de 360 jours, soit une année au lieu des 180 jours, est, à mon sens,
fortement exagéré. Ce n’est pas le délai de rapatriement qui bloque les
exportations algériennes en hors hydrocarbures. Les blocages sont à rechercher
ailleurs.
4. Impact de
toutes ces aides sur le développement des exportations hors hydrocarbures
Il est à
noter que ces exportations sont constituées de 80 à 90% de matières premières
et de produits bruts (produits dérivés d’hydrocarbures et seulement 10 à 20% de
produits agricoles et agro-alimentaires. Ces derniers représentent en valeur
absolue une moyenne annuelle de 300 à 400 millions de dollars.
Par
conséquent, on est forcé de dire que ces aides, sous leurs différentes formes
(FSPE, rétrocession de devises, allongement du délai de rapatriement) n’ont pas
d’impact sur le niveau de ces exportations qui est stationnaire et parfois même
en régression depuis plusieurs années.
Ces aides
s’apparentent plus à du social qu’à des incitations économiques. C’est pourquoi
il est nécessaire que le ministère du Commerce repense tout le système d’aide
aux exportateurs. Toute concession faite par l’Etat doit se traduire par une contrepartie
directe ou indirecte à l’économie nationale dans le court ou moyen terme.