SOCIETE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- RECUEIL DE NOUVELLES SLIMANE SAADOUN- « LA FEMME DE
PIERRE »
La femme de pierre. Recueil de
nouvelles de Slimane Saadoun. Editions Numidie .Alger ( ?) 2017
(première édition Enal, Alger 1989), 450 dinars,143 pages.
Neuf nouvelles,
certaines assez courtes, d‘autres relativement longues, mais toutes captivantes
et réveillant en nous des sensations et des émotions. Du déjà vu, du déjà
entendu.....à la campagne (ou en montagne, c’est selon votre enfance et vos
racines).....en ville (ou au village).Du déjà vu ou du déjà entendu, un jour,
on ne sait où, on ne sait quand.
D’abord des histoires de
« femme » :
L’histoire d’Akli et de Aïcha. Le jeune qui a étudié, dont la présence au village (en Kabylie....mais
cela peut concerner bien des endroits du pays....aujourd’hui encore) apporte
bien des connaissances même aux plus âgés de ses habitants, mais présence qui
détonne au milieu de l’océan invisible de l’ignorance sociétale .De plus, un
grand timide qui n’ose pas . Un soumis aux lois du village. Ni affronter les
comportements conservateurs .....ni oser demander la main de celle qu’il aime...et qui l’aime.
L’impasse ! Et , Aicha, mariée
contre son gré à quelqu’un d’autre, puis répudiée (oralement mais pas
juridiquement) pour refus de « consommer son mariage » paiera
l’addition. Lourdement.
L’histoire de la
belle Ouardia et de Salem, un
couple très heureux (donc très jalousé) qui se retrouvera, le « nif »
du mari aidant , les
barrières traditionnallesentre la femme et l’homme,
surtout en public, et la jalousie des autres belles-sœurs ainsi que de la belle-mère,séparé. Ouardia finira,
elle ausi, répudiée....et sujette à des crises de
démence
Une autre histoire
étrange. Un homme, (célibataire ou autre) ne doit jamais, mais jamais,
traverser un village....le samedi, jour de marché, durant lequel tous les
hommes sont absents.......Les femmes sont seules ......sous la garde des
vieillards, toujours en alerte.
L’histoire de Aicha, la
femme au foyer....que le mari trompe et qui rêve, rêve ...puis se
révolte.
Ensuite, des histoires
de « vie quotidienne » :
L’histoire d’un jeune
homme, diplômé, ayant effectué son service national, marié (heureusement encore
sans enfant), « hébergé » ,loin de la capitale, en montagne, par ses parents......et au chômage. Il
raconte sa journée au sein d’une administration centrale qui l’a
convoqué pour « recrutement ». Le calvaire de la bureaucratie et
le diktat de technocrates inconscients des souffrances subies et des
espoirs déçus! Faut-il pleurer ? Ou, faut-il en rire.....comme
le fait son épouse à qui il a raconté sa « mésaventure algéroise ».
L’histoire d’un jeune
homme instruit vivant dans son village, essayant de le sortir ,ainsi que ses habitants, de leur léthargie
, de leur « fatalisme , de leur étroitesse d’esprit et de leur
« pitoyable détachement » Son idole, le « Che ».
Pas facile de réussir pour « quelqu’un de pas banal ».....Jamais pris
au sérieux bien qu’assez écouté....mais jamais entendu. Finalement,
il ira se battre (et y mourra les armes à la main ) au Liban auprès des Palestiniens.
Il y a l’histoire d’un
homme et d’une bête. Une mule ordinaire..... qui n’en fait qu’à sa tête,
pouvant causer des catastrophes et tuer même celui qui la maltraite ou veut lui
faire faire (en la maltraitant) ce qu’elle ne veut pas (ou n’a pas
l’habitude de ) faire.A ce niveau , on ne
sait pas au juste qui est, de l’homme ou de la mule , le plus entêté.
Il y a l’histoire de celui
qui ne croyait pas au « mektoub ».....Un « fou » disait-on !Un ingénu ? Un candide ? Un homme hors du commun avec des
actes d’homme et un comportement d’enfant. En fait, quelqu’un qui
idéalisait tout et qui se « donnait » à fond....mais qui, hélas, se
retrouvait exploité par moins « fou » que lui. Des réalistes ?
Des sans-scrupules ?
Il y a , enfin, l’histoire des liens reliant
un père à son fils....Des sacrifices, des sacrifices et encore des
sacrifices...Le refus de l’exil.... Pour un mieux-vivre......ensemble.
L’Auteur : Né à Haizer (Kabylie) en 1951. Carrière dans l’Administration et
des entreprises, puis enseignant de français dans un lycée.Auteur
déjà de plusieurs ouvrages dont un roman en 2003.
Extraits : « La
religion a beau reconnaître à la femme le droit de vivre heureuse, de jouir de
la vie, elle en fait même presque l’égale de l’homme, la femme demeure toujours
dans nos contrées l’être dont on estime l’utilité, de qui il est exigé une
obéissance aveugle, une soumission totale. Ce statut est bien ancré dans les
mœurs que par la force de l’éducation, la femme elle-même est la dernière à
contester le rang dans lequel on la relègue » (pp 40-41), « La bougie
éclaire et la cire qui se consume et s’épuise est le sang de la flamme.Quand la dernière goutte de cire finit de fondre, la
flamme s’éteint avec elle. Ainsi étaient ces hommes : leur sang et leur
sueur abreuvaient la terre et la fécondaient , la
fertilisaient, et lorsque dans leurs veines dilatées et leurs muscles gonflés,
l’oignon et le pain d’orge ne suffisaient plus à faire couler assez de sang,
ils s’en allaient , s’éteignaient, sans déranger persone
« (p 120)
Avis :
Tout est léger, tout est logé ! Simplicité des sujets pour décrire la
société et ses composantes humaines.
Limpidité de l’écriture
Citations : « C’est
une étrange coutume : les femmes usent régulièrement de leur droit, que
les hommes ne leur contestent pas d’ailleurs, de rendre visite à leurs parents
et de passer quelques jours en leur compagnie.....Cela me fait penser (....) aux permissions qu’on
accorde aux militaires en reconnaissance de leur bonne conduite, ou aux
vacances que prennent les émigrés dans leur pays » (p 44) , « Quel
est le sens d’un droit de lire quand nous sommes privés de celui d’écrire, plus
à même de nous libérer, de nous soulager de nos interrogations et de nos
craintes ? » (p 56) , « Avant d’entrer
dans l‘administration, on peut faire mille métiers. Au moment d’en sortir, on
n’en sait faire aucun » (p 80), « Vous considérez les fleurs comme
inutiles, mais le sourire sur la bouche d’un enfant est aussi inutile. Et,
cependant, il vous réchauffe le cœur » (pp 102-103), « On sait que la
foule a souvent besoin d’un exutoire, d’un bouc-émissaire. La foule peut ne pas
avoir raison mais on ne dit jamais qu’elle a tort »
(p 132)