SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
AHLEM MOSTEGHANEMI- « LES FEMMES NE MEURENT PLUS D’AMOUR »
Les femmes ne meurent plus d’amour. Roman de Ahlem Mosteghanemi (traduit de l’arabe par Fadila
Farah Karlitch et diffusé en Algérie par El Izza oua El Karama
Lil Kiteb, Alger) . Edité par Hachette A. Antoine, Beyrouth 2018, 1350
dinars, 345 pages.
Un roman d’amour du début à la fin. Pour ne
pas changer. Il est vrai que le gros nœud de la problématique du développement
de la société arabe (et musulmane) reste encore très lié à la conditon féminine d’une part et des rapports homme-femme
d’autre part . Bien des écrivains (mais surtout bien
des chercheurs) ont tenté de les décrypter avec plus ou mooins
de bonheur......mais la lutte paraît incroyablement difficile.C’est
ce qui rend encore plus passionnants les œuvres de l’espris
(dont les romans et les films) qui traitent du thème, celui de la libération
sentimentale (on n’ose pas dire plus au risque de se retrouver sur les bancs
d’on ne sait quels accusés) de la femme.Ahlem Mostaeghanemi , elle, a osé , déjà depuis bien longtemps
avec ses premières œuvres poétiques et littéraires, rencontrant un large succès , tout particulièremet auprès des publics arabes......et depuis un
bon moment auprès des publics autres, en d’autres langues dont la française.
Cette fois-ci, l’histoire est simple et
compliquée à la fois. Elle décrit une histoire de relations amoureuses d’ une
jeune et belle Algérienne, Hala El Wafi et , attention,
c’est très important ,chaouia de surcroît
( là-bas , dans sa ville natale, « on ne badine pas avec
l’honneur » et « l’amour est frappé d’anathème ») , enseignante
de son état d’une ville de l’intérieur du pays , qui se retrouve, en raison
d’un exil forcé (le terrorisme islamiste qui a assassiné son père, un
« Sultan démuni » ), en
situation de chanteuse émigrée (au Moyen-orient, en
Syrie plus exactement, puisque sa mère est syrienne d’origine )........Pas
encore star mais une « créature lumineuse » . Au fil du temps , elle se retrouve
« courtisée » ...et conquise par un riche (et beau) libanais, Talal, « un homme qui ne pleure pas » , qui
a du temps, précieux et même prétentieux , se croyant « maître des
désirs », « dieu des banquets » et « sultan de
l’extase » ayant fait ses
preuves et sa fortune au Brésil, d’abord
dans la restauration (où résident cinq
millions de Brésiliens d’origine libanaise) . De plus, marié avec une (encore belle)
femme qu’il n’a pas l’intention de quitter et père de deux enfants .
Deux fortes personnalités, mais deux façons
de conjuguer l’amour, l’homme en position de « conquérant » se
servant de son argent pour éblouir et « dominer » ; la femme , « courageuse et obstinée », en position de
recherche ,d’abord et avant tout, de « considération » , de respect ,
de soutien et de protection (« Le sentiment de protection devant lequel
les femmes capitulent » ) . Deux
univers donc (un monde réel, dur,
pourri d’argent, égoïste, face à
un monde de rêves ) en fait s’attirant mais ,en même
temps, au fil des rencontres, s’opposant......Le même monde...cultivé, ouvert
sur le monde moderne , mais pas les
mêmes valeurs. Un choc des cœurs, (sans « choc des corps », il faut
le préciser, ceci pour dire que le roman est assez « prude » sur la
question) . La séparation est brutale car la dignité
et l’honneur avant tout.....Mais elle en sort « dévastée »
intérieurement...... Heureusement, il y a , quelque
part, un compatriote –fonctionnaire international- rencontré par hasard et admirateur de la
chanteuse -au cœur « gros comme ça » qui redonnera de l’espoir....
A noter que le roman pêche ( ?) , à mon avis, par des digressions qui en font, aussi, un
livre assez engagé politiquement. Plutôt des prises de position : sur le
terrorisme, sur la lutte anti-terroriste,
sur la « réconciliation nationale », et l’amnistie , sur la « harga »,
sur Bouteflika (p 208) , sur l’état psychologique ou mentaux des
Algériens (p
28 : on « a produit
plus de fous après l’Indépendance
que de martyrs pendant la Révolution »
).........et certaines sont même
assez gênantes (exemple sur le rôle des
« hommes de l’ Aurès » dans la Révolution armée, p 66)
L’Auteur : Née en avril 1953 à Tunis au sein d’une fammille algérienne originaire de Constantine (Chaouia
d’appartenance) ayant émigré après le 8
mai 45. Etudes à Tunis et à Alger (elle fut, alors lycéenne) animatrice de radio....Epouse de Georges Rassi, éditeur et journaliste, trois enfants. Docteure en Sciences sociales (Paris). Classée en 2006, par le magazine « Forbes », parmi les dix femmes
les plus influentes du monde arabe. Des poèmes et romans à succès ( « La
mémoire de la chair » (édité en arabe en 1985 et en français en 2002 en
France ….puis transformé en série télévisée), « Le chaos des sens »
(présenté in Mediatic , jeudi 11 octobre 2012) ,
« Le noir te va si bien » ....) ....d’abord à l’étranger (comme
« Dakhirat al djassad »).Il
est vrai qu’en Algérie, jusqu’aux années 2000 et maintenant encore,....., pour
une femme à forte personnalité, écrire audacieusement écrire sur les rapports
homme –femme n’est pas chose bien acceptée, .
Plusieurs prix « Malek Haddad », « Nadjib
Mahfoud ».) Nommée Femme arabe de l’année à Londres en 2015 et Artiste de l’Unesco pour la paix
en 2016....Des millions de « fans » sur Facebook.
Un « phénomène littéraire dans le monde arabe » !
Extraits : « Dans
le monde de l’argent, comme dans celui du pouvoir, il n’y a pas de sécurité
affective. Un homme fortuné doit faite faillite
pour tester le cœur de ceux qui l’entourent » (p 22), «C’est la
servitude, l’injustice et l’ avilissement qui
conduisent les gens à la folie. Quand l’Algérien perd sa dignité, il perd
la raison. Il n’est pas génétiquement programmé pour s’adapter à
l’humiliation »( p 28), « Dans cette ville
(Beyrouth) on dirait que chaque habitant était à la tête d’une agence
d’informations « (p 49), « Quand on pratique l’art culinaire avec
talent, on sait comment cuisiner les désirs et organiser à la perfection le
festin de la vie » (p 156) , « .....les peuples arabes : tout en
aspirant à la libetrté, ils éprouvent la nostalgie de
leur bourreau » (p 322), « La
femme arabe est trite qaund
elle doit être heureuse, puisqu’elle n’est pas habituée au bonheur » (p
234), « Pour nous délivrer
d’un tyran, nous faisons toujours appel à un envahisseiur,
et ce dernier à son tour fait appel aux bandits des grands chemins de
l’Histoire pour leur remettre les clés du pays « (p 336),
Avis : C’est vrai, « les femmes ne
meurent plus d’amour » mais elles se consument, parfois sans le vouloir et
sans le savoir et c’est là le drame. Car, « sur l’échelle des priorités,
l’amour venait en premier dans la vie d’une femme. Alors que dans le vie d’un
homme, il se tenait au deuxième rang » (p 142). Donc, pour les femmes, un
livre à lire absolument . A faire lire aux hommes , amoureux ou non . Peut-être connaîtront-t-ils
bien plus leurs femmes et se comporteront-t-ils bien mieux ? Dans le monde arabe et musulman, pas si
sûr !Mais, « quand on aime, on ne compte
pas ».
Citations : « La plus riche des femmes est celle qui pose sa tête sur un
oreiller garni de souvenirs » (p 13) ,
« L’amour ne s’annonce pas. C’est sa musique qui le dénonce « p 15),
« L amour nécessite une approche intelligente de la distance. Vous
vous approchez trop près, vous supprimez le désir : vous vous éloignez
trop longtemps ; vous disparaissez dans l’oubli » (p 47) ,
« L’indifférence, une arme toujours fatale pour la vanité d’une femme,
parce qu’elle fait rebondir sur elle les incertitudes du doute » (p 54) ,
« Seuls les nouveaux riches se vantent de leurs richesses, et seuls ceux
qui n’ont pas de relations se vantent d’avoir du succès auprès des
femmes » (p 188), « Un bon auditeur est préférable à un mauvais
chanteur » (p 191), « Le plus bel instant dans l’amour est celui qui
précède son aveu » (p 193), « La vraie richesse n’a pas besoin
d’exhiber son or. Elle ne cherche à éblouir personne.C’est
pourquoi seuls les gens riches savent d’un regard estimer la valeur des choses
qui n’ont pas d’éclat » (p 219), « Le bonheur n’est pas dans ce
qu’on possède, mais le malheur est dans ce qu’on ne possède pas. En règle
générale, ce que nous possédons ne peut pas faire notre bonheur, alors que ce
que nous manquons cause notre misère » (p 289), « La plus grande
tragédie de l’amour n’est pas de s’éteindre dans l’insignifiance mais de nous
laisser insignifiants après son départ « (p 318),