SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
MOHAMED DJÂAFAR- « LONG....EST LE CHEMIN »
Long.....est le chemin. Roman de Mohamed Djâafar. A
compte d’auteur, (lieu d’édition non indiqué ; imprimé chez Maugin ,
à Blida) 2018, 950 dinars,420 pages.
Une histoire longue, longue, qui n’en finit
pas. Mais une histoire qui , au bout de quelques
pages, tient en haleine le lecteur....algérien qui, par empathie, va
s’identifier au jeune Bouzid et à la
famille de Slimane....dans une ville (ou gros bourg), Webbane,
comme il en existait tant durant la
période coloniale.
Quelques pieds noirs, ni racistes ni
fraternels, faisant « suer le burnous » des travailleurs arabes
toujours plus qu’exploités, quelques
juifs au départ très proches (et protégés quand il le fallait) des musulmans,
des petits commerçants, quelques gitans se contentant de vivre en bon termes
avec tous.....des autorites
de police et un Administrateur de la commune travaillant surtout sur la base
des informations fournis par le Caïd du coin , Aissa
Ben Amar, un jouisseur exploitant en
douce la « maison de tolérance » et le Bachagha.....Il y a ,
aussi, la famille de Slimane. Slimane , un homme simple et honnête qui travaille dur, très
dur même pour nourrir sa famille et, surtout, pour assurer une bonne scolarité
à son garçon Bouzid, l’aîné. Slimane dont l’oncle, Lahlali, est parti
en France presque au moment où la seconde guerre mondiale allait éclater , le faisant revenir au pays natal.
Entre-temps , Bouzid a grandi et commence à être très respecté pour son
érudition (le C.e.p en poche , pensez-vous ! Il
sera obtenu avec grande distinction.....le plus grand événement de l’été à Webbane).......et surtout son engagement nationaliste ,
d’abord en participant aux activités clandestines du Ppa,
puis contre les pieds-noirs vichystes en cachant les juifs , les gitans et les
républicains espagnols recherchés par les milices fascistes pour être, soit
internés au Sud, soit déportés en Allemagne pour y être ......éliminés.Il sera vite arrêté sur dénonciation....d’un
parent jaloux et dépité et du Caïd en phase de
« réhabilitation » auprès des autorités d’après-guerre.
Le temps passe...les évènements se succèdent , pour la plupart tragiques pour
la communauté musulmane ainsi que pour la communauté juive et gitane, tout
particulièrement durant le « règne » des pétainistes , assez nombreux
dans la communauté pied-noir à quelques exceptions, se trouvant chez les
communistes : la seconde guerre mondiale et ses para-nazis, mai 45 et la répression féroce et aveugle faisant des
milliers de morts et de disparus Algériens, le retour des fascistes ,
l’exploitation sexuelle des femmes,
l’émigration forcée , en Europe
(une fuite ,un véritable exil,
pour échapper à la misère et à la tyrannie) , la chasse aux militants – clandestins- du
mouvement national (notre héros, Bouzid devenu
écrivain public recherché pour son efficacité , sa discrétion et son engagement
, se trouvera ainsi emprisonné ,assez
longtemps, dans un camp du
Sud....dénoncé, là aussi , par un correligionnaire.
Décidemment !), le déclenchement de la guerre de libération, la résistance
armée ou de soutien aux combattants en Algérie même et aussi , en France, des
centaines de milliers de morts en héros , les armes à la main, et de disparus, la victoire finale, le départ subit (une
véritable fuite quasi incompréhensible)
pour la France des pieds-noirs
et, enfin, l’Indépendance. Un
très long, très pénible et très
douloureux chemin qui marquera durant longtemps, très longtemps,
plusieurs générations d’Algériens et , aussi,
d’Européens d’Algérie. Mais un pays
enfin en fête . Car, l’essentiel n’est –il pas
dans la liberté enfin retrouvée.Et, la conviction que
« l’époque du pain noir était terminée..... ». Ce qui va suivre est
une toute autre histoire. Un autre livre, peut-être ?
L’Auteur : Né en 1955 à Bordj Bou Arréridj,
Mohamed Djâafar a effectué ses études primaires et
secondaires dans cette ville puis au lycée Kerouani
de Sétif. Après avoir fréquenté la faculté de droit d’Alger, il poursuit des
études de documentation à Bruxelles et s’oriente vers la carrière militaire . Retraité, il se consacre à l’écriture. Déjà
auteur d’un premier roman, en 2014, « Les oiseaux de la nuit »
(Casbah Editions), un roman écrit,
dit-il, en 1992,et
en pleine actualité tragique et réaménagé vingt ans après.Présenté
in Médiatic du jeudi 27 aût
2015. Commentaire
d’alors : « Un modeste roman qui , à
travers quelques histoires simples d’ « aventures humaines » en
apparence indépendantes les unes des autres, nous retrace, en fait, et de
quelle manière (directe, simple), la vie
politique mouvementé d’un pays ,
l’Algérie en l’occurrence, en pleine découverte de nouvelles libertés….mais
aussi de nouvelles misères ». Car, « un nouveau pouvoir
apparaît, sûr de lui, arrogant, retors , dominateur,
jouisseur et croyant son heure venir ….celui des affaires et de l’argent….et,
bien tapis, au-dessus (bien plutôt au dessous, dans les salles de prières et
des associations caritatives), attendant leur heure……, les « barbus ».Roman
« modeste » certes mais prémonitoire.
Extraits : « Plus
que de simples appariteurs, les Chaouchs étaient les oreilles et les yeux de
leur patrons » (p 145), « Les pieds-noirs étaient certes originaires
de tous les coins de France et de Navarre, parlaient un français truffé
d’expressions locales barbares et avaient des coutumes aussi extravagantes
qu’insupportables, mais de là à les considérer comme des
indigènes ! » (p 145), « Pour la population indigène,
l’inquiétude était manifeste car la guerre était synonyme d’impôt du sang, de
réquisitions de matériels et d’animaux, de pénuries et de privations de toutes
sortes. « Avis à la famine » auraient bien pu rétorquer au crieur
public les badauds qui le suivaient machinalement en procession » (p 165),
« Le talweg laissé dans leur sillage par le décret Crémieux et le code de
l’indigénat entre deux commnautés ancestrales si
différentes et pourtant si proches, s’était encore creusé depuis la
proclamation de l’Etat d’Israël et l’exode des Palestiniens chassés de leurs
terres, condamnés à une vie errante » (p 335), « La 4è République
(France) fait un pas en avant en public
, suivi de deux pas en arrière en catimini » (p 356)
Avis :Un chemin ? Non :un
fleuve pas tranquille du tout ! « Une ode à la liberté, à la tolérance
et à l’amour » a écrit un journaliste (Le Soir d’Algérie).Complètement
vrai ! Une écriture simple, claire et réaliste......Peut-être que le roman
est un peu trop long, contenant plusieurs histoires dans l’histoire et des
va-et-vient qui perturbe la lecture.Heureusement , il y a le suspens du début à la fin.....relancé à chaque
fois
Citations : « C’est
fou ce que les gens emportent avec eux dans leur exil, leur vie, en fait,
résumée, condensée, soigneusement emmaillotée dans de précieuses étoffes. La
plupart ne savaient pas encore que la barbarie organisée n’épargenera
pas même leurs souvenirs » (p 174), « Ces politiciens (ceux de
la 4è République/France ) n’ont pas compris que l’Histoire fonctionne comme un
malaxeur....Elle va finir par les noyer dans la marmelade » (p 313),
« Comme un oued déchaîné charriant tout sur son passage, elle (l’Histoire)
allait entraîner dans un tourbillon infernal tous ceux qui s’ingéniaient à
contrarier son cours » (p 365), « L’Histoire est faite d’incessants
allers-retours, elle tourne en rond sur elle-même comme l’univers depuis la
nuit des temps. Elle se fiche de nous, de notre suffisance et de notre
mégalomanie. Ceux qu’elle prend insidieusement dans ses filets, les tyrans et
les potentats, sont tournés en bourrique en moins de temps qu’il ne leur faut
pour s’en rendre compte ;ils finissent dans son
tourbillon dévastateur noyés dans le déshonneur » (p 414)
INISTRATIONAZDLJjJORADP, n° Aa52
du 29 août 2°