SOCIETE- ENQUETES ET REPORTAGES-
CRIMINALITE- CORRUPTION
DES CADRES DE L’ÉTAT TOMBENT DANS LE SILLAGE DE KAMEL
“EL-BOUCHI”
Institutions : une gangrène appelée corruptioN
© Ali Boukhlef/Liberté, jeudi 28 juin 2018
En quelques jours, l’affaire des 701
kg de cocaïne saisis au port d’Oran a révélé d’autres affaires connexes, toutes
scabreuses. À la suite des médias qui s’emparent de l’affaire, l’opinion
publique découvre, stupéfaite, que, dans le sillage d’un baron qui viole la
loi, grouille une pléiade de cadres de l’État, de fonctionnaires et de
magistrats attirés par les pots-de-vin et autres cadeaux pour services rendus.
Étant vrai que le respect de la présomption d’innocence est un principe
cardinal de la justice, il n’en demeure pas moins que le nombre de personnes
mises en cause dans les quatre affaires Chikhi, dit
“El-Bouchi”, et les institutions du pays qui les
emploient montrent le degré de déliquescence desdites institutions. Justice,
urbanisme, habitat, collectivités locales, police, institution militaire et
autres fonctionnaires sont censés appliquer le droit.
Or, il se trouve, dans les affaires en cours d’instruction, que des
fonctionnaires de ces institutions se sont mis au service d’affairistes
douteux. L’affaire ou les affaires Kamel Chikhi, pour
être plus précis, renseignent sur le degré de la corruption qui gangrène les
rouages des institutions et administrations. Beaucoup d’Algérois peuvent
témoigner des misères que l’homme leur a fait subir sans trouver qui leur
assure réparation.
Dans certains quartiers, la société immobilière de ce magnat a érigé, au mépris
des lois et de l’environnement, des immeubles qui ont mis en péril la vie des
riverains et menacé leur quiétude. Un des chantiers a même provoqué
l’éboulement d’un terrain, entraînant la mort d’un enfant de 10 ans. La
pétition qui a suivi les écrits de la presse, les suppliques des parents de la
victime, tout cela n’a pas inquiété, outre mesure, Kamel Chikhi.
Le chantier a continué et les “enquêtes” promises par les autorités sont
restées lettre morte. Le rouleau compresseur Chikhi
n’avait aucun obstacle. Même lorsque les habitants du quartier les Sources ont
organisé des sit-in pour protester contre la construction d’une promotion
immobilière dans un espace vert, ils n’ont essuyé que du mépris.
L’affaire Chikhi n’est pas la première du genre.
L’Algérie en a connu d’autres qui ont tout autant ébranlé les
institutions de l’État.
L’affaire Khalifa est toujours dans les mémoires. Des ministres, des walis, des
dirigeants de grandes entreprises ont offert les deniers publics à un homme. Et
lors des procès “retentissants”, seuls des seconds couteaux ont payé. Les gros
poissons, dont certains ont avoué leurs crimes devant des salles d’audience
pleines comme des œufs, s’en sont sortis à bon compte.
Les promesses des autorités de n’épargner personne n’ont pas résisté à la
réalité. Certains de ceux qui ont ordonné la mise des fonds publics dans la
Khalifa Bank sont toujours aux affaires. Les deniers publics n’ont jamais été
récupérés. Il en est de même pour le dossier de l’autoroute Est-Ouest dans
lequel seules quelques personnes ont été condamnées. Pis encore, le nom du
ministre des Travaux publics de l’époque, Amar Ghoul,
a été évoqué par presque toutes les personnes citées dans le procès. Mais
l’homme n’a jamais été inquiété. Il en est de même pour des militaires et
autres cadres supérieurs qui n’ont été convoqués qu’à titre de témoins. On peut
en dire autant des affaires Sonatrach qui sont
quasiment étouffées.
En dehors de Mohamed Meziane, l’ancien P-DG de la compagnie, et ses fils qui
ont été condamnés, le procès a tourné au vinaigre. Mais celui de Sonatrach est le scandale qui démontre le mieux que lorsque
le pouvoir politique veut instrumentaliser la justice, il suffit d’appuyer sur
le bouton limogeage ou mutation pour tout régler. Preuve en est que la majorité
des magistrats impliqués dans l’affaires de l’autoroute Est-Ouest et de Sonatrach ont été, soit mutés, soit carrément envoyés en
retraite.
Ces affaires ne sont en fait que des parties émergentes de l’iceberg. La
chronique populaire rapporte souvent des cas de mains longues qui ne
reconnaissent ni la justice ni la force de la loi. Et il suffit parfois
d’entendre un juge ou un haut fonctionnaire vous dire “mais vous savez comment
fonctionne ce pays !”, pour vous rendre compte que tout ce que disent les
autorités n’est que de la communication. Pire, de la propagande !