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Ramadan en Algérie/consommation/ Entretien Houria Ahcene Djaballah (Psychologue)

Date de création: 07-03-2025 16:03
Dernière mise à jour: 07-03-2025 16:03
Lu: 16 fois


SOCIETE- ETUDES ET ANALYSES- RAMADAN EN ALGERIE/ CONSOMMATION/ ENTRETIEN HOURIA AHCENE DJABALLAH (PSYCHOLOGUE)

 

©El Watan/Par Sofia Ouahib, jeudi 6 mars 2025

 

Selon vous, pourquoi les consommateurs adoptent ce comportement durant le Ramadhan ?: Tout d’abord, il faut rappeler qu’à côté des pratiques cultuelles, il y a des pratiques culturelles. La culture gastronomique pendant le mois de Ramadhan a pour fondement la réponse à des besoins physiologiques pour préserver la santé du consommateur tout en apportant les nutriments nécessaires à la résistance au jeûne. 

Ensuite, nous devons rappeler que le système digestif est régulé par le système nerveux qui envoie les signaux de sensation de faim aux moments où l’organisme reçoit habituellement de la nourriture. 

C’est cette sensation de faim, couplée aux sollicitations sensorielles, visuelles et olfactives, qui va générer l’envie à l’origine des achats, même inutiles ou inconsidérés. Le temps que le système nerveux s’adapte aux nouveaux horaires d’alimentation, les mauvais comportements se sont déjà installés chez de nombreux consommateurs sous l’emprise du principe de plaisir.
 

Y a-t-il un moyen de les raisonner ?: La raison n’intervient pas dans ce processus, où le principe de plaisir prend le dessus sur le principe de réalité. Les fonctions supérieures du système nerveux sont écartées et les envies dominent les consommateurs qui, par ailleurs, peuvent être très bien informés et même conscients des conséquences de leur comportement, aussi bien sur leurs finances que sur l’environnement du fait du gaspillage et de l’augmentation des déchets. C’est l’éducation qui joue un rôle essentiel dans l’apprentissage de la résistance aux impulsions et leur contrôle ainsi que de la tolérance à la frustration. De nombreux maux sont liés à la capacité de contrôle de soi et à celle de la tolérance à la frustration. Ces deux compétences s’acquièrent progressivement depuis la première enfance jusqu’à l’âge adulte, celui où s’opèrent les choix structurels de l’individu.
 

D’un point de vue psychiatrique, est-il juste de parler d’addiction à la surconsommation ?: L’addition suppose la fréquence et la durée, ce qui écarte de facto la surconsommation, qui limitée à la période du Ramadhan. Toutefois, nous vivons une époque où l’incitation à la surconsommation est continuelle, et cela via la publicité aussi bien dans les médias traditionnels que dans les réseaux sociaux. De plus, concernant le Ramadhan, au-delà de l’envie, il y a le besoin d’appartenance à une catégorie sociale, y compris par le mode d’alimentation, mais pas seulement, puisque cela s’étend au renouvellement des ustensiles, des équipements de la maison et autres produits du commerce.
 

Les achats compulsifs sont souvent associés à des émotions négatives, telles que la tristesse, la colère et la peur. Dans quelle catégorie rentrent les consommateurs algériens ?: Les consommateurs algériens ne font pas exception. Les achats compulsifs peuvent être structurels chez les personnes souffrant de TOC, comme ils peuvent être réactionnels à des émotions négatives. Les douceurs mettent du baume au cœur et ravivent l’élan vital chez une personne triste ou déprimée. La promesse d’un bon repas calme la colère, et des adversaires se réconcilient autour d’une table bien garnie. Quant à la peur, elle est masquée par l’action portant l’assurance qu’il n’y aura pas de risque de manquer.
 

L’achat compulsif pendant le mois sacré viendrait d’un déséquilibre entre le rationnel et l’émotionnel. Pouvez-vous expliquer cela ?:Je parlerai plutôt d’un «emprisonnement» dans l’émotionnel, le temps du jeûne, chez l’acheteur compulsif. Les accès au rationnel sont bloqués, physiologiquement parlant, pendant toute la période du jeûne. Chaque fois que les émotions sont fortement sollicitées, le système nerveux verrouille, par mesure de sécurité, tous les accès aux fonctions supérieures. C’est ce que nous retrouvons dans toutes les situations génératrices d’émotions fortes, à l’exemple de celle des candidats à un examen, même brillants, qui calent pendant l’épreuve et qui, une fois sortis de la salle, retrouvent toutes les réponses.