SOCIETE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ROMAN MOHAMED ABDALLAH- « LE NIL DES VIVANTS »
Le Nil des
Vivants. Roman de Mohamed Abdallah. Apic Editions, Alger
2023411 pages, 2000 dinars
L’histoire de
base ? Très simple ! Deux romanciers, deux cousins qui ne se
connaissent pas. L’un vit à l’étranger et l’autre vient de l’Egypte profonde.
Seul point commun, le souvenir d’un même univers avec sa beauté, ses grandeurs et ses mesquineries, ses réussites et ses
travers. Qui se rencontrent.....dans leur ville
natale......Le Caire. C’est par leur métier qu’ils
seront appelés à se rencontrer car ils sont tous deux nominés à un prix littéraire . Nour Hichem et Sherif Badraoui
racontent la même histoire, mais sans plagiat. A l'évidence, chacun a raconté
l'histoire de son père, en osmose avec son époque et avec tous les
bouleversements y afférents.
Avant cette rencontre ,
Hichem et Shérif ne se connaissaient pas. Alors que Yahya et Nermine sont leurs grands-parents respectifs avec leur père
Hichem et Mamdouh Badraoui.
Tout le roman est ficelé sur le passé des deux
frères Hichem et Mamdouh qui ont cru à cette nouvelle
époque pleine de bouleversements.
Le Caire ? Quelle ville ! Une ville « ayant su se créer une
arène entre la mâchoire du désert » Et,
avec son fleuve « surgit d’ailleurs ».
Mais Le Caire, c’est
aussi et surtout son peuple, avec des femmes et des hommes aux destinées
chargées de mystères millénaires.
Le Caire, c’est
Alexandrie, c’est Oum Keltoum, Chahine, Tewfiq El Hakim, Ahmed Chawki, Cheikh Imam, Fouad Nedjm....C’est Nasser,le
nassérisme, le Café Isfet, le quartier El Gamaliyya..........C’est l’Egypte. Car, ce roman parle de
l'Égypte. Non l'Égypte des brochures touristiques, non l’
Égypte figée dans le temps , non une Égypte faite de clichés. C'est ,au contraire, une Égypte en mouvement perpétuel,
ouverte à tous vents, une Égypte des années 60 puis 70, avec un détour vers les
années 2000, une Égypte qui a connu un tournant révolutionnaire puis post-révolutionnaire majeur avec l'arrivée du
néo-libéralisme et tous les effets que ce dernier a pu avoir sur la société
égyptienne dans son ensemble.
Tout y est et tous (dont une bonne partie du monde arabe : La Syrie, la
Palestine, l’Irak, le Liban, Beyrouth, Sabra et Chatila,
la révolution algérienne, la science politique , la
gestion d’entreprise, le Coran, le cinéma, l’écriture, le journalisme ..... ) s’y
croisent......au risque de nous y perdre.
.
L’Auteur : Mathématicien de
formation, né en 1997 à Tlemcen. Déjà auteur de quatre romans : « Aux
portes de Cirta » en 2019, « Souvenez-vous de nos sœurs de la
Soummam » en 2018 et « Entre l’Algérie et la France
, il n’y a qu’une seule page », en 2017...........Et,
surtout, « Le vent a dit son Nom » en 2021, roman qui a
remporté le Prix Assia Djebar 2022 et le Prix Ahmed Baba de la Rentrée
littéraire du Mali 2023. .Il a même publié , en
2020, à l’occasion du centenaire de la naissance de Mohammed Dib, un roman sur
l’auteur de « La grande maison », intitulé « Le petit
Tlemcénien »
Table : Un peu plus qu’un
regard/ Ce qui s’est passé/ Une œuvre immense. Un héros ordinaire, l’Homme/
Destinée/Le légendaire fleuve
Extraits : « Pour certains
littérateurs, surtout les dramaturges d’ailleurs, il a toujours été impératif
de se séparer des chanteurs, des danseuses, de toutes celles et ceux qui
seraient susceptibles de porter l’anathème sur les respectables
créateurs » (p24), « Le monde l’art est ainsi fait. Il surprend, il
choque, il met parfois mal à l’aise. Et celui qui ne peut pas encaisser cette réalité est plus à blâmer que le créateur de l’œuvre
en question » (p 309), « Nous étouffons un peu plus chaque jour sous le
poids d’interdits qui n’ont plus lieu d’être, de normes archaïques utilisées
pour nous museler , en somme de tout un arsenal qui nous rend notre propre air
irrespirable. Dans ce contexte, le seul rôle qui puisse revenir à l’art, c’est
de monter un début de chemin à suivre, de suggérer un sentier, ô combien
sinueux, vers la liberté » (p333)
Avis : Un véritable
« pavé » qui nous entraîne au Caire, ville incroyablement vivante....mais bien compliquée. Un mélange de temps , de gens et de
situations qui ne facilite pas la lecture. Et
un titre (renversé....pour un contenu renversant ) qui
est une référence au «Livre des morts», connu dans l'Égypte antique (un
recueil de poésie mortuaire destiné aux hauts dignitaires du pouvoir)
Citations : « La question de ce
qui nous pousse à écrire est si profondément ancrée dans la démarche d’un
écrivain que, lorsqu’un confrère la pose, on est tenté de garder la parole plus
que de raison » (p 22), « Le Caire, c’est un mouvement fait
ville » (p 36), « Le rôle et la valeur d’une génération ne sont pas
autonomes de ce qui l’a précédée et de ce qui lui succède : ils ne se
révèlent pleinement qu’au fur et à mesure de l’avancée du temps, de
l’histoire » (p53), « En Egypte , on enrobe les vérités les plus
dures dans l’humour le plus léger » (p75), « Souvent, le meilleur
moyen de changer le monde, c’est de travailler en lui et avec lui »
(p145), « Le savoir, c’est être au fait que la tomate est un fruit. La
sagesse, c’est de ne pas mettre la tomate dans sa salade de fruits » (p
152), « Aujourd’hui, il apparaît que même certaines de nos créations
littéraires, celles que nous prenons pour le paroxysme de la créativité
humaine.....sont en réalité des œuvres collectives » (p 275), « Être
libre, c’est ne pas te demander si la moindre de tes opinions peut te valoir un
séjour en prison, ou pire, des menaces sur tes proches .Et tant que l’art
moderne n’a pas éclairé un chemin vers une plus grande liberté, il est condamné
à n’être que futilité » (p334),
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