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Essai Maleyka Fredj- "La Décoloniale"

Date de création: 26-03-2024 18:03
Dernière mise à jour: 26-03-2024 18:03
Lu: 181 fois


SOCIETE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ESSAI MALEYKA FREDJ- « LA DÉCOLONIALE »

 

La décolonialeMémoires-Essai de Maleyka Fredj. Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2023, 152 pages, 800 dinars

 

Pour l’auteur, aucun enfant de la communauté émigrée ne peut sérieusement dire qu’il n’a pas été affecté par sa condition d’appartenance à une minorité et cela, à tel point « que nous avons fini par fabriquer, plus ou moins consciemment, trois sortes d’individualités issues de ce qu’on pourrait appeler le triple syndrome du « décolonial ».

On a donc trois camps : celui des « ébranlés » (vivant dans la dénégation totale de l’identité parentale, avec une volonté farouche d’imiter le « modèle »  français. Très souvent agressifs et virulents.

Il y a les « affectés »....des funambules qui cherchent un équilibre entre l’affection et le rejet, luttant contre les influences agressives des deux bords.

Il  y a les « accablés », le groupe le plus fragilisé par l’environnement. En butte au racisme et à l’intégrisme, leur souffrance est telle qu’ils ont perdu tout sens de la mesure, que ni l’école ni la famille n’ont su leur inculquer .

Notre auteure se situe parmi les « affectés »....et c’est cet état d’esprit qui  l’ a poussé à remonter le temps et surtout à explorer le territoire de ses parents et de sa famille....en Algérie. Elle s’y installe tout un moment (par la suite elle s’y installera définitivement) , et y commence même des études supérieures...Mais tout cela ne lui suffit pas puisqu’elle se lance dans une sorte d’auto-psychanalyse lui permettant, enfin, de se situer aussi exactement que possible  au sein des deux sociétés -française et algérienne- composant sa personnalité et sa vie. Une confession presqu’intime qui nous la rend si proche.....et qui nous permet de mieux comprendre -leur vie mais aussi leurs souffrances visibles ou tues- nos frères et sœurs émigré (e)s, bi-nationaux ou non....tout particulièrement celles  et ceux issus de la deuxième et troisième génération. Et, les  nouveaux « harragas » exclus !

 

 

L’Auteure :Née à Reims (France) en 1961 de parents algériens. Diplômée en Droit. Plusieurs fois cheffe  d’entreprise en France .....et en Algérie ; ici surtout pour mener une quête sur elle-même et sa famille.

 

Table des matières :Préface (de Raphaël Confiant)/Les désenfantés /Ma définition/ Legs et filiation/ Les égarés/ Terre en vue.... !

Extraits : «  Le plus terrible pour un être dans l’enfance est ce que l’on nomme aujourd’hui les « micro-agressions » . Elles ne s’accompagnent ni de cris ni d’insultes ni de coups mais minent au jour le jour les personnes qui les subissent. D’où venez -vous ? (Préface, p 7) , « J’avais la pureté de l’enfance innocente jusqu’au jour où je suis rentrée à l’école. La différence, c’est l’école française qui me l’a enseignée. La discrimination je l’ai découverte....Tu viens d’où ?(note : question de « Mme Jacob, une maîtresse au triste tablier gris »)  » (p 16), « Dans une société où chaque chose doit être définie, on me forçait à prendre position en me déclarant française d’origine algérienne, algérienne de nationalité française, française musulmane de deuxième génération, immigrée, arabe, kabyle, berbère, pied-noir, juive, musulmane, indigène. J’en avais invariablement la tête embrouillée » (p 41), « J’imagine le calvaire des trois cents jours que dura la bataille de Verdun. Sans aucune formation militaire, ces jeunes hommes (note : Les Nord- africains musulmans), naïfs et pourtant hardis, comprirent trop tard qu’ils allaient servir de bouclier »  (pp 65-66), « Pour la France, est bon musulman celui qui ne l’est plus. Est bon africain celui qui méprise l’Afrique. Et enfin, est bon Français celui qui prénomme ses enfants selon son calendrier ou sans référence à ses origines. Nous devons nous effacer, gommer notre différence qui est notre originalité » (p 133), « La colonisation n’est pas terminée. Elle vit sous d’autres formes selon l’évolution des consciences. Plus sournoise, elle est autant dangereuse car elle utilise non plus la violence physique mais la manipulation des consciences. Elle va jusqu’à utiliser ses dominés comme ses meilleurs défenseurs » (p 146), « J’ai la chance de savoir d’où je viens. J’ai la chance de pouvoir vivre en Algérie. De renouer avec ma chair en foulant cette terre, la terre de ma mère, la terre de mon père et de mes aïeux » (p 147

Avis :Enfin, un (petit) livre qui relève beaucoup plus du recueil de souvenirs que de l’essai. N’empêche, on y retrouve des faits, mais aussi beaucoup de réflexions.....critiques qui vont droit au but et sans détours....Sur ce qu’elle est, ce qu’elle pense , sur sa famille, et son père, sur l’Algérie....un pays qui l’habite. En fait, un petit « grand » livre.....qui mérite amplement d’être traduit en arabe et en tamazigh.

Citations : «  Sa portée (note : L’Histoire) est si capitale que les Etats s’en servent comme arme de guerre » (p 45), « La qualité , comme la version de l’Histoire, dépendent de celui qui la racontait » (p 45), « Je comprends une langue (note : l’arabe) que je ne parle pas et je parle une langue (note : le français) que mes parents ne comprennent pas » (p111), « S’il est une valeur suprême dans toute société organisée, soit-elle réduite et isolée, c’est sans aucun doute celle de la transmission » (p 113), « L’inhumation est une des premières institutions humaines et, à travers la mise en terre, se joue l’histoire d’une personnes et la révérence d’une vie » (p 126), « Pour rester libre, il faut tuer la peur » (p 138), « Je savais que cette histoire avec l’Algérie, nous ne pouvions l’écrire en commun car nos mémoires sont différentes .C’est à la France de laver son Histoire » (p 139), « La plus grand risque dans la vie est de ne pas en prendre « (p141)

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