SOCIETE- ETUDES ET ANALYSES- INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
2024/ETUDE MIT BOSTON I/II)
Les dix technologies de rupture qui vont
s’imposer en 2024
© René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
Les dix innovations marquantes pour
2024, sélectionnées par le prestigieux MIT de Boston, sans doute le meilleur
centre de recherche technologique du monde. Sur ces dix innovations, on remarquera
que la moitié concerne les technologies numériques, trois le secteur de
l’énergie et deux le domaine des biotechnologies.
S’agissant de la sphère numérique, le MIT a d’abord
retenu, on ne s’en étonnera pas, l’intelligence artificielle générative,
qui est en train de se diffuser partout de manière fulgurante. Des
centaines de millions de personnes interagissent à présent directement avec des
outils génératifs comme ChatGPT qui produisent du
texte, des images, des vidéos. Lorsqu’OpenAI a lancé
une application web gratuite appelée ChatGPT en
novembre 2022, personne ne savait ce qui allait arriver. Dès janvier 2023,
ChatGPT était devenue l’application Web à la
croissance la plus rapide de tous les temps, offrant à toute personne disposant
d’un navigateur l’accès à l’un des réseaux neuronaux les plus puissants jamais
construits. Face à ce déferlement, Microsoft et Google ont immédiatement
dévoilé des plans rivaux visant à combiner les chatbots
avec le Net et les outils numériques.
L’objectif de ces géants numériques est de rendre
incontournables leurs assistants basés sur des chatbots,
en les intégrant dans leurs logiciels de bureau. Ces nouveaux outils peuvent,
entre autres, résumer les mails, rédiger des synthèses pointues, faire
d’excellents comptes-rendus de réunions ou encore générer des diaporamas
complets en quelques secondes. Microsoft et Meta ont également publié des
modèles de création d’images qui permettent aux utilisateurs de générer des
images partageables en un clic.
De manière révélatrice, le dernier CES de Las Vegas,
qui vient de se terminer, il y a moins d’un mois, a également consacré ce
triomphe de l’IA. Le géant sud-coréen de l’électronique LG a par exemple
présenté un nouveau petit robot sur roulettes, capable d’interagir avec les membres
du foyer, de leur rendre de nombreux services et de leur délivrer une multitude
d’informations utiles : rendez-vous à venir, médicaments à prendre, météo,
horaires d’un magasin… Le constructeur automobile Volkswagen a présenté ses
premiers véhicules avec ChatGPT intégré à son
assistant vocal. Cet outil permettra au conducteur d’obtenir des réponses
précises à des réponses complexes.
Toujours dans le cadre de ce CES 2024, la start-up Zoe
Care, lancée en 2022, a présenté Zoe Fall, "l'assistant
invisible pour la bonne santé des séniors". Cet outil utilise le Wi-Fi
(et non la caméra, ce qui préserve l’intimité) pour reconnaître les mouvements,
détecter les chutes, ou prévenir les soignants en cas d'urgence. « Nous
sommes persuadés que notre technologie peut changer la vie de millions de
seniors en permettant leur maintien à domicile et en leur apportant la sérénité
dont ils ont besoin au quotidien », affirme Thomas Saphir, cofondateur
et CEO de la start-up.
La jeune société française Ontbo
a mis au point, après plusieurs années de recherche, une IA capable d'analyser
les données émotionnelles des personnes. Cet outil d’analyse émotionnelle
intéresse le secteur du commerce car il peut personnaliser et améliorer la
relation client dans de nombreux domaines, comme la grande distribution, la
banque ou le prêt à porter
La deuxième innovation retenue par le
MIT est l’Apple Vision Pro, qui ambitionne de révolutionner les
jeux et loisirs video. Il s’agit d’un casque de
réalité mixte qui marque une étape importante dans la technologie d’affichage.
Ce nouveau casque de réalité virtuelle est doté de deux écrans haute définition
en 4K ; il embarque de multiples capteurs et caméras pour situer
l’utilisateur dans l’environnement. Ce casque propose également, pour parfaire
l’immersion, un son Audio spatial à ses utilisateurs. L’Apple Vision Pro
s’appuie sur deux puissants microprocesseurs, le M2, déjà présent sous le
capot des iPad Pro et des MacBook Air, et le R1 pour le graphisme.
Cette électronique permettra notamment de passer des appels visio,
avec l’app FaceTime ou avec Zoom.
Troisième innovation, les chiplets. Alors que la miniaturisation des
transistors devient de plus en plus coûteuse et complexe et approche de ses
limites physiques, les chiplets apparaissent comme
une nouvelle solution. Ces petites puces spécialisées, qui sont gravées sur un
même processeur, ont révolutionné l’électronique depuis 5 ans et ont notamment
permis à AMD de passer devant Intel. Elles peuvent être reliées entre elles
pour remplir les fonctions d’une puce conventionnelle, mais avec une souplesse,
une efficacité et une vitesse bien supérieures, annonçant une nouvelle ère dans
l’informatique. Le marché des Chiplets a d’ailleurs
été multiplié par huit depuis cinq ans, pour atteindre 2,5 milliards d’euros
et, selon Omdia, ce marché pourrait atteindre 57
milliards de dollars à l’horizon 2035, principalement tiré par des puces
composites, qui combinent de multiples applications.
La quatrième innovation est l’ordinateur
exaflopique ou informatique exascale. Il s’agit de
nouvelles machines capables d’effectuer plus d’un milliard de milliards
d’opérations par seconde (un exaflop). Cette avancée
devrait révolutionner la recherche scientifique. En 2024, l'Union européenne
franchira une étape significative dans le domaine de la recherche scientifique
avec la mise en service de Jupiter, (Joint Undertaking
Pioneer for Innovative and Transformative Exascale Research), une machine annoncée comme le supercalculateur
le plus puissant du monde, surpassant tous ses concurrents, en Chine et aux
États-Unis.
Ce projet ambitieux est une collaboration entre
l'Union européenne et des entreprises privées. Jupiter sera installé sur le
campus du centre de recherche de Juliers en Allemagne, exploité par le centre
de supercalcul de Juliers. Cette initiative permettra
à des chercheurs et entreprises européens de réaliser des simulations
climatiques à haute résolution à l'échelle mondiale, ouvrant de nouvelles
perspectives dans le domaine de la modélisation climatique. Le supercalculateur
Jupiter, avec ses capacités exaflopiques, devrait
également contribuer de manière significative au développement de médicaments
et de matériaux innovants. Avec un tel outil, l'Europe s’affirme comme un
acteur majeur dans la course aux supercalculateurs. En 2025, la France prévoit
d'accueillir le deuxième supercalculateur européen exaflopique,
consolidant ainsi sa position en tant que leader technologique sur la scène
mondiale. Ce second supercalculateur a été baptisé Jules Verne. Ces
initiatives européennes arrivent dans un contexte concurrentiel fort dans le
domaine de l’exascale, dominé par les Etats-Unis qui
ont été les premiers à mettre en service en 2022, dans le Laboratoire National
d'Oak Ridge (Tennessee), une machine exaflopique, avec leur ordinateur Frontier, conçu par Cray, basé sur des processeurs AMD (qui équipent à présent
la moitié des dix ordinateurs les plus puissants du monde) et capable
d’atteindre la vitesse vertigineuse de 1,5 exaflops.
La cinquième innovation concerne les
plates-formes de médias sociaux décentralisées. Le paysage des médias
sociaux est en train d’être bouleversé avec l’essor des plates-formes
décentralisées. À la suite de l’acquisition de Twitter par Elon Musk, des
plates-formes comme Bluesky et Threads ne cessent
d’étendre le nombre de leurs utilisateurs. Contrairement aux médias sociaux les
plus utilisés tels que Facebook, Instagram ou encore LinkedIn, ces médias
sociaux décentralisés fonctionnent sur le schéma du peer-to-peer :
chaque machine connectée à Internet via la blockchain, ou chaque utilisateur,
représente un serveur à part entière. Cette architecture en nœuds confère une
fiabilité extrême à ces réseaux et permet également une excellente protection
des données personnelles et de la vie privée.
La sixième innovation concerne les
cellules solaires haute performance de nouvelle génération. Les panneaux solaires
traditionnels convertissent la lumière du soleil en électricité grâce à l’effet
photovoltaïque, mais présentent souvent des inconvénients tels que des coûts
élevés, une construction rigide et une intégration difficile dans les bâtiments
ou les appareils. Le nouveau type de cellule solaire ultra-mince et flexible du
MIT représente une étape-clé pour surmonter ces défis. La clé de la cellule
solaire à couche mince du MIT réside dans les structures cristallines à
l’échelle nanométrique, qui peuvent capter la lumière de manière plus efficace.
Le résultat est un film en polymère plastique de seulement un micron
d’épaisseur.
Cette nouvelle technologie de cellule solaire du MIT
permet d’atteindre à la fois un rendement élevé et une polyvalence sans
précédent en tirant parti de la puissance des nano-cristaux
photoniques. Ces cellules pourraient atteindre une efficacité comparable à celle
des panneaux rigides tout en ouvrant de nombreuses autres applications. Leur
légèreté et leur flexibilité permettent en effet une intégration directe sur de
multiples surfaces. Pour une installation solaire typique sur le toit d’environ
8 000 watts, ces cellules n’ajouteraient qu’environ 20 kg au toit d’une maison.
Mais le plus surprenant, c’est la durabilité de ces cellules qui conservent
encore plus de 90 % de leurs capacités initiales de production d’énergie après
500 pliages.
L’énergie solaire est une composante cruciale dans la
lutte contre le changement climatique et il est capital de concevoir des
panneaux solaires à la fois plus efficients, plus souples et moins onéreux.
L’ajout d’une couche de minuscules cristaux aux panneaux solaires est un développement
prometteur qui pourrait augmenter considérablement leur efficacité dans la
conversion de la lumière du soleil en électricité. Selon une récente étude
prospective de l’AIE, la production d’électricité solaire pourrait être
multipliée par quinze d’ici 2050, pour dépasser les 22 000 TWH, soit la
moitié de la production mondiale d’électricité prévue à cette échéance. Dans
une telle perspective, on comprend mieux l’immense intérêt de ces nouvelles
générations de cellules solaires minces, flexibles et bon marché qui pourraient
permettre d’accélérer sensiblement la décarbonation du mix énergétique mondial.