SOCIETE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN EL YAZID DIB- « L’ÎLOT.LE SECRET DES
MOUETTES »
L’Îlot.Le
secret des mouettes. Roman de El Yazid Dib.Sifar
Editions, Annaba 2023, 239 pages, 1 000 dinars
Un lieu de rendez-vous
fixe qui se prête aux rêveries et aux confessions ....Une
excroissance rocheuse en face d’une plage peuplée de mouettes gardiennes de
bien des secrets.Le tout pas très éloigné de la
Capitale....entouré de quartiers populaires et populeux.
Il y a Ziyad, le narrateur....journaliste-chroniqueur,
bien curieux, qui tente de déchiffrer le passé au fil de ses rencontres
et ce pour mieux comprendre un présent de plus en plus complexe. Il
y a Abdelkader , un vieil homme, ancien condamné à mort qui raconte son
enfance, son militantisme communiste en France et en Algérie, auprès de sa
première épouse Jacqueline(décédée), sa carrière d’enseignant, son
emprisonnement injuste ,juste après l’Indépendance du pays, ainsi que sa
seconde épouse, veuve de terroriste....Il y a Abdelkrim, alias Karim El Harga, « harrag » raté
, vendeur à la sauvette de cigarettes et de cacahuètes qui deviendra
député (Il est, en fait, bardé de diplômes mais....chômeur)....mais député
rebelle refusant les compromis et les compromissions...Il y a Dda Mouloud, abandonné par ses enfants dont il fut le
« papa chéri ». Il y a Si Ahmed un autre moudjahid sali, en fin
de vie, par le fils d’un
« harki » qui cherchait à venger l’exécution de son père.
Il y a des voyages en pays profond , du côté du pays
chaoui, avec ses accueils généreux mais aussi ses dérives.
En fait, la rencontre,
presque accidentelle, entre les parcours de deux
générations qui arrivent enfin à dialoguer, les principes de de vie de base
étant les mêmes....Décalage d’époque mais similitude des réactions.
Hélas, entre les
deux parcours, il y a d’autres pistes semées de déni, de
déshonneur, de lâchetés et de vilenies.
Kader le moudjahid,
décédé, les mouettes de l’îlot vont-elles revoir Karim reprendre sa « harga »
L’Auteur :Né le 25 juillet 1954 à Sétif. Etudes universitaires (Algérie et France).
Cadre à la
retraite.
Journaliste-chroniqueur au Quotidien d’Oran. Auteur de plusieurs ouvrages
Extraits : « Ni les
psychotropes, ni l’alcool, trop cher, ni le diluant moins enivrant.La notion du prix du baril de pétrole demeure pour
ces crânes (note : des haragas) une
variante inconnue.Le jerrican de mazout, si » (p
41), « Le défaut d’entretien est la signature d’une gabegie, l’indice d’un
revers mental.Il arrive, ainsi, pour une chose, qu’un
laisser-aller, une négligence, un abandon fasse révéler , par un simple coup
d’œil, la turpitude de tout responsable" (p 61), « Tout ce qui est
beau à Sétif a disparu.Les moissons comme les labours
ne se font plus de la même manière.Chacun a sa
charrue, chacun met ses bœufs là où il veut » (p119),
« « Qu’attends-tu d’un esprit rural, nouvellement les poches bien
pleines quand il investit la ville et ses atouts ? Il brûle les étapes et
brûle tout ce qui est beau, et tu as Alger et sa blancheur comme illustre et
triste exemple » (p 119), « Que de zéros se sont faits promouvoir en
nombre à valeur impériale, que de pièces en rendu de monnaie se sont converties
en billets de banque hautement côtés, que de néants sont devenus des adresses
seigneuriales par le dévoiement, l’imposture et le sans scrupules » (p128)
Avis :Roman ? Essai ?Grand reportage ?De tout
un peu , un peu de tout .....De la fiction mais aussi de l’actualité....brûlante.Un véritable tour sociologique (et politique)
du pays profond. A lire en adhérant au style -un mélange journalistico- académique, heureux - de l’auteur.
Citations : « Être fou, ce
n’est encore pas perdre sa raison mais aider à évacuer autour de soi les
réalités jugées amères » (p18), « Le rêve ne fait pas uniquement
voir la vie en rose. Il peut, à l’usure la frustrer » (p35) , « Pour croire accéder à une chose
impossible, il faut l’imaginer » (p38), « Devenir riche ou influent
est , semble-t-il, une prouesse.Être pauvre et
en bas des rangs est un sort, une destinée, une décision divine »
(p134), « Attendre une chose, c’est s’appuyer
sur la longueur du temps, attendre une personne, c’est se rapprocher de sa
présence » (p216)