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Roman/Essai de Djamel Laceb- "Mystères "de la Main du Juif"

Date de création: 28-08-2023 19:31
Dernière mise à jour: 28-08-2023 19:31
Lu: 353 fois


SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ROMAN/ESSAI DE DJAMEL LACEB- « TALELAT. MYSTÈRES DE « LA MAIN DU JUIF »

Talelat.Mystères de « la Main du Juif ». Roman-Essai de Djamel Laceb. Editions Frantz Fanon, Boumerdès, 2023, 181 pages, 1 000 dinars

Ni roman, ni essai, mais les deux, ce qui est tout de même une performance pas toujours réussie ailleurs. En fait, l‘auteur n’a pas voulu raconter une histoire mais plutôt  raconter le quotidien d’une « population unique », de par sa culture, ses travers, ses peines et ses espoirs.... , de raconter un monde « sur la route de l’absence », avec des cimes qui s’évacuent chaque jour un peu plus « avec des partants qui emportent avec eux les dernières coutumes d’une culture ancestrale non pour les perpétuer, mais pour les corrompre dans des bourgs informes ».

Bien sûr , il y a , hélas, plusieurs « populations uniques »  en Algérie qui empruntent ce chemin, avec , peut-être des mentions particulières pour certaines d’entre-elles.

L’auteur, donc, raconte , en fait , le quotidien , triste mais vivable et bien (ce qui ne veut pas  dire obligatoirement bon) vivant d’un lieu et d’une population attachée à sa terre, à sa langue et à ses us et coutumes, bonnes et (ou) mauvaises. Une terre devenue ingrate car trop abandonnée (sauf le « Grand Parking national » et ses singes , très, trop bien gardés) , une langue riche mais complexe, des traditions parfois gênantes mais nécessaires.....poussant au départ vers des ailleurs pourtant incertains. On a donc, au final , un roman-essai  parsemé d’informations puisées dans des lectures et autres sources dont la tradition orale n’est pas des moindres. Sans oublier un  penchant pour l’histoire de l’Egypte antique ainsi que pour la Mythologie. 

Au départ du récit, il y a , au milieu  de l’immense et imposant  Djurdjura , « la Main du Juif » (Talelat) , un rocher à plusieurs pointes, sorte de « paluche géante »,baptisée ainsi par les Français, dont tout le monde , à Dawdar (1100 mètres d’altitude) , parle avec vénération....car, semble-t-il, liée à d’anciennes civilisations ayant enfoui on ne sait quels secrets. Il y a ,aussi, un Sphinx gigantesque que ne peuvent voir que les initiés......soumis au silence... Des  rochers « qui parlent d’eux--mêmes », et  paraît-il, il suffit de tendre l’oreille et de regarder dans la bonne direction.  Tout un mystère bien gardé (et transmis par bribes) par des personnages originaux : Dda Slimane, Moh Pompidou, Cheikh Mohand......

L’Auteur : à Souk Ahras, inspecteur d’administration dans l’Education nationale, conseiller au Haut Commissariat de l’Amazighité ,lauréat du grand prix Assia Djebbar pour son roman « Nna Ghni » et il a publié un recueil de chroniques (2019), « Escapades en terre amazighe »

Extraits : « Un sudiste comme son nom l’indique travaille au sud du pays. Il en existe deux catégories : les chanceux et les misérables.Les premiers sont dans les sociétés pétrolières algériennes et perçoivent des salaires mirobolants tandis que les seconds sont les esclaves des sous-traitants » (p 38), « Dans le monde des mânes et des i↋essasen, le pays du Djurdjura est l’équivalent de la Chine.Un pays surpeuplé d ’esprits et d’âmes » (p 48), « Le chiffre cinq est le chiffre de l’équilibre, du centre, il est associé à la vie et aux saisons car depuis la nuit des temps, les amazighs comptent cinq saisons » (p 63), « Personne ne sait pourquoi les singes s’appellent Messaoud et les chacals Mhand, mais une chose est sûre : ils se reconnaissent » (p 66), « Dans notre région,il y a deux façons de trouver quelque apaisement : le grand plongeon dans les cuves ou bien se faire tatouer sur le front et sur les chevilles les trois marques de l’obéissance et de la prosternation » (p 84), « C’est dans les magasins que sont commentées toutes les nouvelles colportées, tous les ragots ; mais le plus grand,c’est le« sénat » ».L’établissement tient sa réputation du fait qu’il est fréquenté par les phénomènes des environs....On parle quand on sait quelque chose, on parle aussi quand on ne sait rien . Au « sénat », il faut parler, parler ;au moindre silence, vous cessez d’exister et alors , le sujet de discussion,c’est vous »  (pp 87-88     ), « Un cassé est un homme qui, ayant tenté sa chance en ville, revient brisé par le chômage, la misère ou autre vicissitude de la vie.Un cassé n’avoue jamais son état ;il est facile de déceler l’amertume du vaincu.Les villageois les appellent aussi les « revenants » parce qu’ils ont la démarche et l’existence légères : comme s’ils avaient honte d’être présents parmi les vivants » (p111)

Avis Bien écrit. Style fluide. De l’humour plein les pages.De la critique et de l’auto-critique. On en arrive à oublier que de roman il n’y en presque point, mais beaucoup d’analyses psycho-sociologiques d’une région et de sa population.A lire ...avec compréhension car l‘auteur a l’air d’adorer sa région maternelle.Un critique a écrit que « c’est un roman étincelant qui ré-interroge avec une originalité déconcertante les lieux de la culture berbère et les mystères d’une langue qui a résisté aussi bien aux bourrasques du temps qu’aux accidents de l’Histoire. »

Citations : « Éduquer use toutes les facultés, au point de faire des maîtres au mieux des dadais, sinon des démons » (p 15), « La rêve commun des habitants d’un pays crée l’image du pays » (p 51), « Pour parler des gens, il faut les aimer et moi j’en suis à me demander s’il faut leur pardonner d’abord » (p93), « Au pays le plus dépensier du monde, les économistes ne pouvaient que chômer » (p113)