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Corruption Algérie/ Etude Ahcene Djaballah B.(IV/IV)

Date de création: 15-04-2023 12:00
Dernière mise à jour: 15-04-2023 12:00
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FINANCES- ETUDES ET ANALYSES- CORRUPTION ALGERIE/ETUDE AHCENE DJABALLAH B. (IV/IV)

Le report continuel, par les exécutifs, de la loi (promise juste après octobre 1988, par le Chef de l'Etat lui-même qui, faut-il le rappeler, s'en était pris en septembre - avec une formule lapidaire Min ayna laka hada - à l'enrichissement illicite de certains responsables de l'Etat et du Parti) sur le contrôle des fortunes des responsables politiques et administratifs exerçant à titre d'élus ou de fonctionnaires nommés...

... L'affaire des attributions illicites de terres agricoles des domaines socialistes (3831 cas), avec une publication commandée, dit-on, par le Chef du gouvernement et visiblement amputée de l'essentiel des noms des bénéficiaires, n'a fait, par un "effet boomerang" visible seulement en politique, que renforcer le scepticisme de l'opinion publique quant à la véracité de la volonté de changement démocratique des tenants du pouvoir: le système ne basculait pas comme promis ou comme attendu; il évoluait tout simplement au rythme des intérêts et des ambitions, avec même des retours en arrière.

Bien sûr, le 12 mars 1991, on apprenait que le Parquet d'Alger venait de requérir l'ouverture de deux informations judiciaires sur "l'affaire des 26 milliards" et sur "la Chambre nationale de commerce". Deux magistrats instructeurs étaient chargés le 16 février de l'investigation grâce à des commissions rogatoires…… qui n'auront pas la tâche facile d'autant que les dossiers qui ont abouti sur la table du procureur se trouvaient amputés des procès-verbaux des témoins (Horizons, 13 Janvier 1991) : la partie la plus importante si l'on sait que l'affaire des 26 milliards comprend une trentaine d'autres affaires. D'ailleurs, une année après, on apprenait de la bouche même du ministre de la Justice du gouvernement Ghozali, interviewé par El Massa, qu'"aucun dossier n'a été présenté à la justice..., faute de preuves solides"... les documents transmis n'ayant pas été complétés. Il faudra attendre avril 1992 pour, qu'enfin, les services techniques de la Cour d'Alger reçoivent tous les documents.

Bien sûr, la fameuse, "affaire de la Bea" (24 milliards de centimes, et non pas 17 comme il avait été dit, "volatilisés") a connu un premier grand procès du 23 février au 19 mars 1991 avec 22 inculpés et trois peines de mort (Mouhouche Rachid, le principal inculpé âgé de 22 ans, le Directeur de l'Agence Bea d'El Harrach et un fuyard : "des boucs émissaires selon Libre Algérie, d'avril 1991), mais n'était-il pas trop tard pour faire disparaître les doutes sur la complicité des appareils ou calmer la colère du peuple, colère qui s'est déjà faite sentir le 12 juin 1990, et colère qui allait être encore plus grande lors des élections législatives toutes proches.

Le Fis en a d'ailleurs bien profité et son journal El Mounquid a ressorti les affaires de gros sous à un mois des élections. Il ne rate pas le coche puisqu'il publie le procès-verbal de l'entretien réunissant la commission d'enquête de l'Apn et Messaoudi Zitouni, Conseiller auprès de la Présidence de la République, Président de la Cour des comptes créée en 1980 et dont les objectifs ont été rapidement dévoyés entre 1983 et 1984 (Bouteflika, Keramane, Ghozali et bien d'autres en ont fait les frais), ex-ministre des Industries légères... et grand pourfendeur de Houari Boumediène (Alger-Républicain, 7 Mai 1991)... et de Ben Bella. En fait, ce n'était là qu'une forme de désinformation pour consolider le doute déjà existant dans les esprits des citoyens et faire aboutir à la conclusion que tous ceux qui ont participé au pouvoir depuis 1962 sont des corrompus... Il faut, donc, les disqualifier. Et, le discours de la privatisation du secteur public développé par les gros "nouveaux riches occultes", comme tout ou partie essentielle de la solution à la crise, n'allait pas arranger les choses, les observateurs voyant, derrière la démarche, une foule de "parrains" et une volonté de blanchiment de l'argent détourné.

Par la suite, avec la radicalisation de la vie politique nationale, radicalisation qui a mis à nu (malgré les restrictions imposées à la liberté d'expression des partis politiques —on a vu, ainsi, l'interdiction faite au Rcd et au Ffs de tenir des meetings organisés à l'occasion du 1er juillet— et surtout des journalistes) toutes les tares de la société, avec l'incapacité des gouvernants successifs à maîtriser les crises et avec une libéralisation retardée de l'économie, renvoyant aux calendes grecques les éventuels plans des "parrains" pour "reconvertir" leur argent, on s'aperçoit assez vite que le mal était profond et quasi-inexpugnable.

La corruption s'était, au fil du temps, étroitement liée au très grand trabendo (import-export clandestin), au commerce parallèle (avec seulement la France, la masse d'argent qui circulait sous forme de "trafic de devises" était évaluée, en 1990, à 7 milliards de francs lourds, et un journal a même évoqué l'existence d'un gros "banquier" clandestin algérien, installé en France, par lequel toutes les grosses opérations de change devaient obligatoirement transiter)..et, semble-t-il, au processus de déstabilisation politique du pays.

Des "prélèvements" (qui sont à l'origine de quelques grosses fortunes d'aujourd'hui) opérés en 1962 sur les fonds du Fln au pouvoir de la corruption (bien maîtrisée, surtout qu'elle se déroulait à l'ombre des négociations des gros contrats !) du temps de Houari Boumediène et aux pouvoirs corrompus et corrupteurs du temps de Chadli, le pas est vite franchi : des groupes organisés en  "mafia (s)" existent bel et bien en Algérie, même si, après le décès  de Mohamed Boudiaf, curieusement, on ne parle plus que de "spéculateurs" ou de "groupes d'intérêts très solides qui ont des intérêts conjoncturels", et que le grand public voit ses rêves de grands procès partir en fumée.

La mafia utilise tous les moyens (dont l'assassinat) pour se maintenir. Certains crimes commis, surtout après janvier 1992, contre des civils ou contre des représentants des services de sécurité (double crime "démentiel" de Hydra commis le 9 mars, le gardien de la résidence d'une éminente personnalité politique et le fils d'un ex-ministre ayant été abattu, meurtre à Paris d'un témoin de l'affaire de la Bea, le 23 mai 1992, assassinat d'un commandant de groupement de Gendarmerie, frère d'un douanier "incorruptible", début septembre, meurtre d'un officier supérieur du contre-espionnage à Bachjarah...), certaines actions meurtrières (assassinat du Président Mohamed Boudiaf...), et certaines opérations (trop bien) médiatisées (affaires Hadj Bettou, information concernant la fausse arrestation de Hadj Akhamoukh, le Chef Touareg, affaire Act-Enapal, fuites du bac, découverte, fin mai 1992 à la Bna d'une utilisation détournée de 45 milliards de centimes, remous dans les douanes, détournements de 27 milliards de dollars (?) à la Cnc...) restent à élucider, bien qu'il a été facile, pour beaucoup, d'accuser "l'intégrisme" d'être derrière la plupart d'entre-elles.

Tout en n'excluant pas "les fantasmes des aînés", pris dans le vertige des règlements de comptes (exemple des accusations portées par Ahmed Ben Bella contre l'ex-Président Chadli) et des chiffres (puisqu'on en est arrivé à ne plus les maîtriser et à jongler sans discernement avec les milliards de dollars et de francs lourds), il s'est très vite avéré, pour beaucoup d'observateurs, que le grand banditisme et la "mafia politico-financière" y sont pour beaucoup, les intérêts en jeu dépassant de très loin la vente ou l'achat de biens de l'Etat ou même le "trabendo" traditionnel qui allait subir, le premier, les "foudres" de l'Etat : Si, en 1991, les services de Dgsn n'avaient saisi que pour 21 500 000 de dinars de marchandises importées frauduleusement, en 1992, le chiffre était multiplié par 30.

Fin décembre 1992, le ministre de la Justice du gouvernement Belaïd Abdesselam décidait de désigner dix magistrats instructeurs près la Cour d'Alger pour se consacrer uniquement à l'examen des grands dossiers économiques, c'est-à-dire principalement ceux de la corruption. Mais, plus personne ne se faisait d'illusions, et dans l'esprit des citoyens moyens, l'idée est toute faite. Définitivement ! Seuls, des "hommes de paille" seront, de temps en temps, livrés à la vindicte publique ou à la justice (Dg "hamrouchien" de l'Enapal, Dg de l'Enafroid, employés ou cadres moyens des douanes, etc...). Et, les "parrains" continueront à jouir de "leurs" gains, recyclés et blanchis. La grosse corruption, l'insaisissable, continuera: Ainsi, pour ce qui concerne "l'affaire des douanes", la répression s'est polarisé sur "le transit et le D.15" qui sera suspendu alors que l'immense trafic s'était déroulé avec "l'admission temporaire et le D.18". Et, on n'osait pas encore dénoncer farouchement le trafic des armes et surtout la drogue, au risque de laisser s'armer et se développer le banditisme et le terrorisme.

Après tout, l'Italie et la Sicile sont si proches  et  l'Algérien  n'est  pas un saint. Hocine Mezali, un "vieux" journaliste algérien, très au parfum, a d'ailleurs écrit un assez bon roman (publié, durant l'été 1992, en feuilleton, dans le Soir d'Algérie) qui en dit très long sur le sujet. Indirectement et sous la forme fictionnelle, cela va de  soi : C'est  l'histoire   d'un   richissime  intermédiaire algérien (un Monsieur 10%), un certain "Mustapha  Zebbar"  — ami  du  Président B…, précise-t-il -  qui, par le biais d'un ex-garde du corps de Al Capone, un Algérien, va essayer de se rapprocher de la Mafia américano-sicilienne. Il y réussira, mais on ne connaîtra pas la suite et la publication sous forme d'ouvrage, bien que promise, ne verra jamais le jour. Une histoire presque vraie, très "reality" ! Et puis, ne dit-on pas que le mot mafia est, en réalité, d'origine arabe.

 

*Chapitre extrait de l’ouvrage de Belkacem A-Djaballah , «  Chroniques d’une démocratie mal-traitée » (octobre 1988- Décembre 1992), édité aux « Editions Dar El Gharb » (Oran, 2005, 325 pages) .....tiré alors en petite quantité, très mal diffusé...puis mystérieusement « retiré » du catalogue de l’éditeur. Une mesure de rétorsion ? En tout cas, une forme de censure assez originale. Diffusé actuellement, en version numérique,  in Calaméo. Ouvrage ré-édité il ya quelques années aux Editions universitaires européennes et disponible seulement sur Plate-formes