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El Hadi Cherifa (Chorégraphe)

Date de création: 15-11-2020 17:30
Dernière mise à jour: 15-11-2020 17:30
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CULTURE- PERSONNALITES – EL HADI CHERIFA (CHOREGRAPHE)

El Hadi Cheriffa, un être extraordinaire, d’une grande modestie, il parle peu, aime plutôt travailler. Son terrain, c’est la danse. L’un des plus grands, sinon le plus grand danseur et chorégraphe au Maghreb. Il a touché à tous les styles, lui qui a été formé par la professeure Edwige Audouy au Conservatoire d’Alger durant les premières années de l’indépendance, de 1962 à 1967.

Il y avait un grand enthousiasme, les débats sur la culture marquaient le quotidien, il apprenait la danse classique au conservatoire, mais se nourrissait également de ces discussions qui peuplaient la cité. Alger bouillonnait, Harbi, Boudia, Kateb, Haddad, Mammeri, Bourboune et bien d’autres apportaient à la capitale une certaine lumière. On aimait les arts et la danse. Il avait eu cette chance unique, jeune, de côtoyer ces grandes femmes et ces hommes qui faisaient la culture de l’ordinaire. Alors qu’il apprenait à esquisser ses premiers pas de danse classique au conservatoire, il entamait le métier de danseur et de répétiteur dans le premier ballet de l’Algérie indépendante, « El Manar » du TNA (Théâtre National Algérien). Remarqué par la direction du théâtre, comme certains autres, notamment les deux étoiles, Faroudja Lalam Cherif Zahar et Fatima Senouci Namous, deux brillantes danseuses qui faisaient autorité, ils allaient bénéficier d’une bourse d’études à Moscou. Mais où ? Pas n’importe où ! La plus grande école de danse du monde, le Bolchoï Théâtre de Moscou. Voir danser ces trois étoiles, un véritable régal, un infini plaisir.

De retour en Algérie, après sa formation complétée au GITIS (Institut théâtral d’Etat), ce qui nous fait penser à Meyerhold et sa biomécanique, il apprendra ainsi à faire la synthèse du corps comme espace mécanique et de l’esprit comme lieu d’agencement du corps comme entité spirituelle, le corps se muant en une machine cybernétique. Ce n’est pas pour rien qu’à Moscou, à la fin de sa formation, on osait le comparer à l’incomparable Noureev, tellement il avait une manière singulière de gérer son corps et son rapport avec l’espace. Très discipliné, curieux, ce grand liseur devant l’Eternel, sait que chaque jour qui vient apporte son lot de connaissances.

C’était notre enseignant enseignant à l’institut national d’art dramatique et chorégraphique (INADC), à Bordj el Kiffan, il était extrêmement travailleur, rigoureux, pointilleux, aucun retard, il insistait souvent sur la nécessité de bien gérer l’espace et de mettre en rapport les différents pas avec les exigences de l’expression intellectuelle et dramatique. Il considérait le corps comme une mécanique et la danse comme un lieu d’expression dégageant l’intelligence de ce corps en mouvement.

El Hadi parle très rarement de lui, même à son ancien étudiant que je suis, moi qui avais fait théâtre et cinéma à l’époque, il préfère nous entretenir de théâtre, de danse et de ses différentes lectures, lui qui a formé des dizaines de danseurs, Nouara, Meriem, Kaddour, Bouriche, Kouar, Naimi, Azzoug et de nombreux autres. Il faut le voir diriger certains ballets comme El Lahib, L’arbre aux émeraudes ou Le soleil emmuré, j’ai eu cette chance rare de le suivre durant ses répétitions de « El Lahib ». C’était extraordinaire. Il a, lui qui a réalisé de beaux spectacles ici, en Algérie et à l’étranger, cette faculté de briser les frontières en permettant la mise en symbiose de nombreux codes et langages, donnant à lire la dimension métisse et plurielle de l’art. Il s’explique ainsi sur sa manière de faire : « Il faut qu’on comprenne que le corps est une structure universelle, le chorégraphe sérieux sait qu’à partir du travail sur le corps, nous entreprenons la mise en œuvre d’un discours pluriel, synthétisant les différents langages et les codes, brisant les frontières. La danse détruit la géographie. C’est une réalité transculturelle ».

El Hadi Cheriffa qui a bourlingué un peu partout dans le monde, la France, le Maroc, la Tunisie, l’Italie, la Suisse, la Belgique, l’ex URSS, l’ex RDA, la Bulgarie, la Tchéquie, la Guinée et les USA, pour donner à voir sa conception de la danse, sait qu’il reste encore beaucoup à faire pour faire comprendre cette idée dans un monde divisé, traversé par les tristes jeux d’un « choc des cultures », clamé par de maudits énergumènes célébrant, par tous les moyens, l’affrontement. La danse, pour El Hadi Cheriffa, est plutôt le lieu d’une rencontre, d’une identité en mouvement.

Il sourit tout seul, puis s’arrête, il veut évoquer quelqu’un qui l’a accompagné comme musicien dans certains de ses ballets, Omari Ouahid, cet extraordinaire artiste qui a choisi Alger comme lieu de résidence. Puis il se met à me parler de ses nombreux ballets, une dizaine, en Algérie, et autant en France, lui souvent invité à mettre en scène des spectacles, notamment sur les scènes françaises. Il associé dans ses travaux danse et théâtre. D’ailleurs, il a travaillé avec de nombreux metteurs en scène de théâtre (Fatma, Baya, Hafila Tassir, Le journal d’une femme insomniaque, El Besma el mesjouna…).

Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’il associe des éléments de la danse avec les techniques du théâtre construit un spectacle-synthèse, cette manière de faire ne peut être comprise que si on tient compte de sa formation : Bolchoï (danse) et GITIS (théâtre), des lieux-cultes à Moscou et dans le monde. Il en parle avec une grande passion : « Nous sommes dans une ère où toutes nos recherches s’inscrivent dans une entreprise pluridisciplinaire, il faudrait faire de telle sorte d’employer des éléments tirés de nombreux arts sans, bien entendu, oublier la dimension sociale. L’art émerge de la société, il est l’expression des manifestations sociales. Danser, c’est exprimer une réalité, une demande, un désir. Je fais cohabiter dans mon travail des ingrédients du théâtre, des éléments classiques et des traits des danses populaires. C’est fondamental. La danse est plurielle, elle est transartistique et transculturelle ». C’est vrai qu’il a été pendant une dizaine d’années (1995-2005) le danseur et le chorégraphe attitré de la compagnie « Transdanse ». Ce n’est pas du tout un hasard ou une simple coïncidence. C’était un choix. Il a été l’invité spécial du prestigieux l’Américan Dance Festival en 87, lui qui a formé des centaines de danseurs dans des écoles de danse en Algérie, en France, en Italie et en Belgique.

Il aime énormément parler avec une grande fierté de ces grands personnages qui ont contribué à sa formation, Bachetarzi, Kateb, Alloula, Taha el Amiri, Habib Reda et bien d’autres artistes qui ont animé la scène artistique algérienne. Il s’arrête un moment, esquisse un rire discret : « Sans ces hommes, je ne pouvais être ce que je suis. J’ai aussi travaillé avec d’autres qui m’ont permis de faire de belles choses, Ziani, Benguettaf, Sonia, Yahiaoui, des musiciens comme Ouahid, Malek ou Safy Boutella ou en France, avec quelqu’un de talentueux comme Mohamed Benayat. J’ai appris ainsi que la danse est un art collectif, multidisciplinaire et pluriel. J’ai toujours cherché à travers l’expression chorégraphique, faire connaitre les différentes voix du folklore national, les musiques universelle, contemporaine, traditionnelle, des percussions, des chants ainsi que des musiques revisitées. La rythmique est fondamentale, comme d’ailleurs l’appropriation mentale du thème, de la mélodie et de la phrase. »

El Hadi Cheriffa va de l’avant, enseigne et met en scène de belles chorégraphies, il marche, le sourire discret, les bras ballants…

COMPLEMENT : El Hadi Cherifa, qui a, à son actif, plus de 40 ans de carrière dans la danse, est parvenu à se forger une solide réputation de danseur puis en qualité de chorégraphe. Après une solide formation classique acquise à l’Académie Chorégraphique du Théâtre Bolchoï de Moscou et à l’Ecole Supérieure de chorégraphie de Paris qui sera sanctionnée par un diplôme, il parviendra à se frayer un parcours artistique prestigieux. Il participe par deux fois à la Biennale de la Danse de Lyon (1996 et 1998). Il sera chorégraphe de la Jawla Danse Compagnie de 1996 à 1999. On lui doit également le spectacle professionnel «Plus vite que le vent» composé pour la 8ème Biennale de la danse de Lyon. En juin 2000, il est directeur artistique, metteur en scène et chorégraphe pour le spectacle du millénaire «Espace d’un temps», une création pour 150 danseurs, musiciens et acteurs. Aujourd’hui, il se consacre à l’écriture et l’art chorégraphique mais collabore aussi avec le théâtre ou le cinéma. Encadrant des séminaires sur les Danses Traditionnelles du Maghreb, il anime régulièrement des ateliers de danse au sein d’associations et d’écoles européennes de danse tout en continuant à poursuivre des recherches sur les danses, musiques et chants traditionnels. Il s’intéressera à la culture touareg et aura l’occasion d’organiser des stages itinérants dans le désert du Tassili N’Ajjer. Puisant son inspiration dans les danses maghrébines et orientales, toute la démarche artistique de Elhadi Cherifa consiste à irriguer la danse contemporaine à partir d’un patrimoine traditionnel.