Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Lakhdar Bouregaâ

Date de création: 07-11-2020 17:43
Dernière mise à jour: 07-11-2020 17:43
Lu: 692 fois


HISTOIRE- PERTSONNALITES – LAKHDAR BOUREGAÂ

 

Portrait : Lakhdar Bouregaâ, symbole de résistance pour la liberté

 ©Par MADJID MAKEDHI/El Watan, 07 NOVEMBRE 2020

 

Toujours humble et affable ! C’est sa véritable nature. Sa vie, son parcours militant font de lui un symbole de l’engagement, de la résistance et, surtout, de la lutte pour un idéal défendu par tous ses semblables : libérer le pays et instaurer une véritable démocratie en Algérie.

Pour lui, il est impératif de remettre «le fleuve détourné» de la Révolution, au lendemain de l’indépendance, dans son lit naturel et permettre ainsi à ses concitoyens de vivre libres, comme l’ont souhaité ces martyrs et ces moudjahidine authentiques qui ont affronté, des années durant, une puissance coloniale redoutable. Il faisait partie de cette catégorie d’enfants de cette terre sainte appelée Algérie, qui ont cultivé, jusqu’à leur dernier souffle, l’espoir d’un avenir meilleur pour les leurs.

Il s’agit du baroudeur de la Wilaya IV historique, moudjahid et opposant politique, Lakhdar Bouregaâ, décédé mercredi soir, après plusieurs jours de lutte contre ce virus satanique, la Covid-19. Son âge, 87 ans, ses nombreuses maladies et les souffrances qu’il a endurées pendant son parcours l’ont tellement affaibli qu’il a fini par céder.

Mais il continuera à vivre dans les cœurs et les esprits de ces milliers de personnes qui lui ont organisé des funérailles populaires, auxquelles seuls des symboles du militantisme contre l’oppression, quelle que soit son origine, ont droit. L’ostracisme est sans effets pour les hommes de sa trempe.

Né le 15 mars 1933 à El Omaria, dans la wilaya de Médéa, Lakhdar Bouregaa a vécu en héros toute sa vie. Enrôlé dans l’armée française, dans la cadre de son service militaire obligatoire pour les indigènes à l’époque, l’homme est passé d’abord par Mostaganem avant de rejoindre les chasseurs alpins à Briançon, en France. Envoyé ensuite à Safi au Maroc, c’est là où il s’évade pour rejoindre, en mars 1956, les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN) avec un groupe d’appelés.

Commandant de la Wilaya IV

Lakhdar Bouregaâ a choisi ainsi de rejoindre ses frères sur le front de la lutte pour la libération nationale à l’intérieur du pays. «Il n’a pas usurpé l’identité de son frère», comme l’a honteusement affirmé, en 2019, un journaliste de la télévision nationale. La campagne de dénigrement dont il a fait l’objet pour avoir pris position avec le peuple algérien sorti, un certain 22 février 2019, réclamer la liberté et la démocratie, n’a pas remis en cause son riche parcours.

Un parcours qu’il a commencé en tant que commandant de la Wilaya IV historique, aux côtés de valeureux moudjahidine. Comme les balles de l’armée coloniale qui l’ont blessé à plusieurs reprises, cette vile attaque n’a rien entamé de sa détermination à défendre sans relâche ses idéaux. C’est pour les mêmes idéaux qu’il s’est dressé d’ailleurs, tel un rempart, devant le régime qui a confisqué l’indépendance du peuple algérien, arrachée après des années de sacrifices.

Il aurait pu choisir le confort, comme l’ont fait plusieurs de ses compagnons de lutte. Il ne succombe pas à l’attrait de l’argent. Il a choisi, au contraire, les chemins difficiles de la lutte pour la liberté. Il figure ainsi parmi les fondateurs du Front des forces socialistes (FFS), créé en 1963 par feu Hocine Aït Ahmed, le colonel Amar Ouamrane, Si El Hafid et d’autres maquisards de la Wilaya III historique.

Torturé par… «ses frères»

Durant cet épisode, il avait notamment joué un rôle de médiation entre Krim Belkacem et Hocine Aït Ahmed. N’ayant pas été arrêté par l’armée coloniale, Lakhdar Bouregaa a subi, selon son témoignage, les pires tortures durant les premières années de l’indépendance. Cette fois-ci, c’est pour un «crime de lèse-majesté», en raison de son opposition au régime de Houari Boumediène.

Arrêté en juillet 1967, l’homme a été traîné d’une prison à une autre, entre Alger et Oran, où des éléments de la sécurité militaire lui ont réservé un traitement inhumain. «Je fus détenu dans cette cellule pendant un mois, où j’ai subi toutes sortes de tortures, physiques et psychologiques. J’ai été frappé par des tortionnaires qui utilisaient des bâtons ou me piétinaient pendant que j’étais maintenu allongé.

J’ai subi la gégène, appliquée sur les parties les plus sensibles. Il n’était pas rare que je sois aspergé d’eau sale, dont on me balançait tout un seau sur le corps. La torture variait, selon le tortionnaire», raconte-t-il dans un long texte relatant les affres de sa longue détention, qui a débouché sur un simulacre de procès où la «Cour révolutionnaire» l’a condamné à 30 ans de prison, en 1969.

«J’étais condamné à 20 années de prison pour avoir participé à la rébellion de Tahar Z’biri du 11 décembre 1967, et à dix années de détention pour avoir fait partie de l’organisation de Krim Belkacem. La peine prononcée était plus lourde que ce que le procureur avait requis !» rappelle-t-il. Il n’a été libéré qu’en 1975. Malgré ces souffrances, il n’a jamais renoncé à ses idées.

Porté au pinacle par tout un peuple

Il répond toujours présent pour se mettre du côté du peuple. C’est ainsi, qu’avec l’avènement du hirak du 22 février 2019, Lakhdar Bouregaâ n’a pas hésité à prendre position en faveur de cette nouvelle révolution des Algériens.

Une attitude qui n’a pas plu aux tenants du pouvoir. Son intervention lors de la première réunion des forces du Pacte de l’alternative démocratique (PAD) a été un prétexte pour sa nouvelle arrestation. Il revient une nouvelle fois en prison, pour toujours le même «crime de lèse-majesté». C’était le 30 juin 2019. Pour justifier son emprisonnement, ceux qui l’ont décidé ont entrepris une campagne de dénigrement à son encontre.

Comme ses tortionnaires en 1967, on a tenté, cette fois-ci encore, de remettre en cause son passé de moudjahid. Mais en vain. L’homme s’est confirmé comme un symbole pour tout un peuple qui l’a porté au pinacle. Ses portraits ont été brandis, durant des mois, par des manifestants qui ont dénoncé ainsi l’incarcération de celui qui s’est sacrifié pour la libération du pays. Ils étaient, d’ailleurs, des milliers à l’accompagner, jeudi dernier (5 novembre 2020) , à sa dernière demeure. Tous ont souhaité dire «adieu au héros national»…