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8 mai 1945 (complément)

Date de création: 08-05-2020 10:44
Dernière mise à jour: 08-05-2020 10:44
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HISTOIRE- RESISTANCE- 8 MAI 1945 (COMPLEMENT)

Le 8 mai 1945, au moment où la France fête la victoire sur le nazisme,  en acclamant le général de Gaulle qui descend les Champs Elysées,  et où à Berlin, l'Allemagne signe la capitulation, es Algériens,  qui espéraient que des réformes payées par le prix du sang allaient être opérées, manifestent à Sétif, Guelma et à Kherrata. Retour chronologique documenté  sur une page sanglante et ses retombées politiques sur le cours   de l'histoire contemporaine de notre pays.

Le 8 mai 1945, au moment où la France fête la victoire sur le nazisme en acclamant le général de Gaulle qui descend les Champs Elysées, et où à Berlin l'Allemagne signe la capitulation, les Algériens, qui espèrent que des réformes payées par le prix du sang vont être opérées, manifestent à Sétif, Guelma et Kherrata. Retour chronologique documenté sur une page sanglante et ses retombées politiques sur le cours de l'histoire contemporaine de notre pays.
Le 8 mai 1945, sont organisées sur tout le territoire des manifestations pacifiques avec, entre autres slogans, «Vive l'Algérie indépendante», «Libérez Messali», «À bas le racisme et le colonialisme»... Il n'y a pas eu de mot d'ordre d'insurrection mais, pour la plupart, ces émeutes tournèrent vite à l'émeute, notamment à Sétif et à Guelma où il y eu intervention violente de la police. Dans certaines régions du pays, les militants ont eu comme directive de s'armer et de riposter en cas d'attaque de la police. Partout ailleurs, les défilés ont gardé un caractère pacifique. La direction du P.P.A. décida alors d'élargir l'insurrection à l'ensemble du territoire national.
Le 10 mai 1945, la répression est déclenchée sous la direction du général Duval. Elle fut sanglante et impitoyable, à la mesure de la peur et de la haine des colons. L'administration coloniale aura été féroce en ce qu'elle a renoué avec les procédés qui ont caractérisé la conquête du pays, mais admit tout de même qu'elle avait dû faire de nombreux morts. Elle rendra certes public un chiffre «officiel» (1.500 morts), mais sans jamais se résoudre à donner le chiffre exact de victimes algériennes tombées entre le 8 et le 13 mai 1945. Sans aucun doute y en eut-il quinze ou vingt fois plus ?
On saura néanmoins qu'outre les personnes tuées, la répression judiciaire confiée à des cours martiales aboutit à 1.476 condamnations pour 4.560 prévenus, dont 99 à mort, 66 aux travaux forcés à perpétuité et 329 aux travaux forcés à temps.
Toujours est-il que les émeutes du 8 mai 1945 feront 103 morts et 110 blessés parmi les Européens, 8.000 morts chez les Algériens selon les militaires,-45.000, chiffre avancé par le P.P.A. D'une manière générale et après de nombreux recoupements effectués ici et là par les historiens, les chiffres avancés seraient plutôt de 45.000 morts. Les Européens pensèrent généralement qu'un mouvement insurrectionnel plus ample venait d'être décapité. Leurs élus tentèrent d'en tirer argument pour obtenir le retrait de l'ordonnance du 7 mars 1944 et le rappel du gouverneur Chataigneau. Mais celui-ci fut maintenu à son poste et tenta «courageusement», après le désastre, de reconstruire une Algérie viable.

Les retombées politiques du 8 mai 1945

La réforme administrative fut mise en route, des centres municipaux furent créés. La réforme politique elle aussi fut étendue : une ordonnance du 17 août 1945 accordait aux musulmans du deuxième Collège d'envoyer au Parlement un nombre de représentants égal à celui des Français du premier Collège. Mais peine perdue pour l'ordre colonial qui aura à le vérifier à ses dépens, et pour cause :
- Le 11 mai 1945, des délégués du P.P.A, parmi lesquels Belouizdad, Cherchali, Amrani, Bouda, Mahfoudi, Filali, sont envoyés par la direction pour demander aux organisations régionales du parti d'élargir  l'insurrection. Quelques jours après, la direction revient sur sa décision. Asselah, Belouizdad, Abdoun et Mostefai prennent la responsabilité de donner un contre-ordre.   Des responsables du constantinois demandent à la direction du P.P.A d'appeler à l'insurrection générale pour aider les populations du nord-constantinois, qui supportent seules le poids de la répression. Le comité directeur accepte. L'insurrection doit avoir lieu dans la nuit du 23 au 24 mai 1945. - Le 14 mai 1945, le P.P.A et les Amis du Manifeste et de la Liberté (dissous depuis le 14mai 1945, en même temps que furent fermées les medersas et arrêtés Ferhat Abbas et Bachir El Ibrahimi, recommandèrent l'abstention aux élections à la première constituante d'octobre 1945. Celle-ci (l'abstention) fut observée surtout dans les villes, à raison de 54,48 % des inscrits musulmans. D'une manière générale, le projet d'intégration qui procédait de l'ordonnance du 17 août 1945 fut repoussé par les élus européens et les communistes algériens et ne fut pas discuté par
La Constituante qui se contenta de voter une loi d'amnistie le 16 mars 1946.  - Le16 mars 1946, Ferhat Abbas et Bachir El Ibrahimi sont libérés, mais les militants du PPA restent en prison. 
- En avril 1946, renonçant à l'expérience du Rassemblement, Ferhat Abbas constitua un parti qui lui fut propre : l'Union Démocratique du Manifeste Algérien (U.D.M.A.). La République algérienne qu'il préconisait, autonome, mais membre associé de l'Union française, n'eut aucun succès et les députés U.D.M.A.
(11 sièges sur 13 aux élections de 1946) furent mal accueillis à l'Assemblée.  Après le référendum constitutionnel d'octobre 1946, les Algériens votèrent à nouveau, mais cette fois, après l'échec politique des députés U.D.M.A, qui recommandèrent le boycott : il n'y eut que 37% de votants. Les candidats officiels eurent 8 élus, les communistes 2, les messalistes, organisés depuis la libération de leur chef en un nouveau parti, le M.T.LD. (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques), en eurent 5. En 1947, le Parlement français s'occupa enfin de définir le «Statut de l'Algérie». Parmi les sept projets proposés par les partis français ou algériens, aucun n'était assimilationniste, aucun non plus n'était favorable à l'indépendance (Le M.T.L.D. ne reconnaissant pas la souveraineté parlementaire s'était abstenu) . La principale conséquence de cet événement est l’adoption du «Statut du 20 septembre 1947» qui, du reste, ne donne satisfaction à personne. «Déshonorant» déclarent les Français, «provocateur» considèrent les musulmans.  Deux catégories d’individus, deux Collèges pour les élections : le premier pour le vote de ceux qui sont reconnus comme français à part entière, le second pour les autres.
Le principe de l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme «Les hommes naissent libres et égaux en droits», chaque homme disposant d’une voix, est ignoré en Algérie. L'effet produit par les massacres du 8-Mai 1945 sur les Algériens fut en tout cas celui d'une provocation, suivie d'un massacre qui ne fut pas pardonné.
Le traumatisme engendré par les tueries de Sétif, Guelma et Kerrata (V.encadré) a en effet été déterminant pour faire prendre conscience aux jeunes Algériens et à des Européens nés en Algérie de la nécessité d’engager la lutte pour l’indépendance. C’est en cela que le 8-Mai 1945 aura, par voie de conséquence directe, été le signe annonciateur d’une nouvelle situation politique, autrement dit le Prodrome du 1er-Novembre 1954, en ce que cette date est celle du déclenchement de la guerre d’indépendance de notre pays. D’ailleurs celle-ci, inexorablement, n'allait pas tarder à l’être, précisément un certain 1er novembre de l'année 1954.


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Complainte sur les massacres du 8 mai 1945

«Les yeux versent des larmes / Comment arrêter les larmes / Alors que la patrie a perdu ses enfants / À Guelma, mes frères, l’aviation / N’a épargné ni femmes, ni fillettes / Je suis en deuil pour les Sétifiens / Qui sont morts par amour de la liberté. »
(Chant très triste qui, au lendemain des massacres du 8 mai 1945, raconte les morts à Sétif, Guelma et, en fait, dans toute l’Algérie. Mais c’est l’Est algérien qui a été le plus touché et a payé le plus lourd tribut)