Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

HIrak- Révolution février 2019

Date de création: 14-02-2020 17:46
Dernière mise à jour: 14-02-2020 17:46
Lu: 839 fois


VIE POLITIQUE- ENQUETES ET REPORTAGES- HIRAK- REVOLUTION FEVRIER 2019

IL Y A UNE ANNÉE, LE MEETING DE SOUTIEN AU 5E MANDAT POUR BOUTEFLIKA À LA COUPOLE……Le show qui a fait basculer l’Algérie

Show organisé à le coupole du 5-Juillet pour “plébisciter” un 5e mandat pour Bouteflika. © Louiza Ammi/Liberté

© Liberté/ Karim Kebir,dimanche 9 février 2020

Perçue comme une humiliation suprême par un peuple longtemps relégué au rang d’assisté, la réponse ne tardera pas à venir à ce qui était considéré comme un “affront” de trop. 

L’événement est passé depuis dans la postérité. Il y a une année, jour pour jour, le Front de libération nationale (FLN), parti majoritaire à l’Assemblée nationale, au pouvoir depuis l’indépendance, décidait, après plusieurs semaines de tergiversations, d’exhorter l’ex-président Abdelaziz Bouteflika à briguer un cinquième mandat. “En votre nom, et par devoir de gratitude, je suis honoré d’annoncer que le FLN présente comme candidat à la prochaine élection présidentielle le moudjahid Abdelaziz Bouteflika”, déclarait, dans un show haut en couleur à la coupole Mohamed-Boudiaf, l’éphémère président de l’APN, Mouad Bouchareb, aujourd’hui disparu des radars. 
Devant plusieurs centaines de personnes, dont beaucoup étaient acheminées des villes de l’intérieur et dont certaines ignoraient même les raisons de leur déplacement, en présence de cadres du parti et d’Abdelmalek Sellal, qui devait un moment prendre la direction de la campagne, Mouad Bouchareb justifiait le choix du parti par les “réalisations” et le “passé révolutionnaire du grand moudjahid”. Clou du “show”, dont l’image passera aussi à la postérité et relayée en boucle depuis plusieurs mois par les internautes : Abdelmalek Sellal, Bouchareb et Hebba El-Okbi, faute de la présence du “candidat”, reclus à Zéralda depuis son AVC en 2013 et n’apparaissant que rarement sur les écrans de télévision, se sont affichés avec un “cadre” du Président. Cette séquence venait de confirmer le soutien exprimé une semaine plus tôt par les partis de l’alliance présidentielle (FLN, RND, TAJ et MPA) au siège du FLN, mais également par d’autres organisations, à l’image du FCE, de l’UGTA, des zaouïas et autres structures satellites.

Aussi, pour les connaisseurs des mécanismes du fonctionnement du sérail, elle venait de clore dans une large mesure les supputations, nées quelques mois plus tôt, sur l’éventualité ou non d’un cinquième mandat. Sauf que ce moment solennel qui pouvait traduire un “consensus fragile” au sommet du pouvoir et une absence d’autre alternative pour le régime va provoquer une onde de choc au sein de l’opinion. 
L’Algérie, riche par sa jeunesse, n’avait-elle d’autre choix que subir les caprices d’un homme grabataire, âgé alors de 81 ans, dont les rapports au pouvoir sont pathologiques et qui ne s’était pas exprimé à son peuple depuis 2012, s’interrogeait-on ? Perçue comme une humiliation suprême par un peuple longtemps relégué au rang d’assisté, soumis au chantage à la peur et dont on n’a sans doute pas alors mesuré l’ampleur de la colère qui couvait en lui, qu’on a décrété à tort résigné, la réponse ne tardera pas à venir à ce qui était considéré comme un “affront” de trop. Une semaine plus tard et contre toute attente, plusieurs milliers de personnes, drapeau algérien et emblèmes noirs en guise de deuil à la main, descendent dans les rues de Kherrata, ville symbole au sud-est de Béjaïa, théâtre des événements du “8 Mai 1945”, pour dire “non” à un cinquième mandat.

Cette manifestation qui avait surpris par sa spontanéité sera relayée par les médias et les réseaux sociaux, et fera le tour du monde. Trois jours plus tard, Khenchela prend le relais : des citoyens décident de décrocher un portrait géant du président déchu accroché à la façade d’une mairie. Un geste qui fait aussi grand bruit. Un tabou venait de sauter. Même s’ils pouvaient apparaître alors, pour certains, comme isolés, ces événements se déclinaient pourtant comme les signes avant-coureurs de la “révolution” qui allait advenir un certain… 22 février. En réponse à des appels sur les réseaux sociaux, mais aussi probablement à des “encouragements” d’un segment du pouvoir, des millions de personnes, fait inédit dans l’histoire de l’indépendance du pays, investissent la rue pour clamer le refus du cinquième mandat et réclamer un changement radical du système.

Et la suite, tout le monde la connaît. Malgré quelques tentatives de forcing de ses soutiens et une ultime manœuvre de son clan, notamment à travers la lettre du 11 mars annonçant un certain train de mesures dont l’élaboration d’une nouvelle Constitution et le renoncement à briguer un autre mandat, Bouteflika finira par être poussé vers la sortie par la pression populaire qui n’a pas cessé, depuis, de revendiquer le changement et par l’armée, le 2 avril. Un nouveau chapitre dans l’histoire mouvementée du pays venait de s’ouvrir. 
Aujourd’hui, la plupart des responsables de ceux qui ont soutenu sa candidature, frappés alors de cécité, et qui ont porté le mépris à son paroxysme et n’ayant sans doute pas pris la mesure de la mutation de la société, croupissent en prison. Le “show” qui devait préparer la “fête du 18 avril”, date initialement fixée pour le scrutin, s’est transformé en cauchemar pour eux. Et Bouteflika qui rêvait d’un destin à la “De Gaulle”, dont certains réclament le jugement, est jeté aux oubliettes. 
Quant au peuple, lui, ayant brisé le mur de la peur, il continue à écrire l’Histoire du pays chaque vendredi. De la plus belle des manières : pacifiquement et avec le sourire.