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8 mai 1945

Date de création: 08-05-2019 12:44
Dernière mise à jour: 08-05-2019 12:44
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HISTOIRE- RESISTANCE- 8 MAI 1945

(c) F. Zoghbi/El Moudjahid, mardi 7 mai 2019 .Extraits

Mardi 8 Mai 1945, un jour de marché hebdomadaire qui bascula dans un bain de sang. Ce matin-là, le ciel vire au gris bleu annonciateur du drame de la liberté. Un mardi d’affluence de toutes les contrées de cette région pour aller, comme de tradition, à la rencontre et aux nouvelles, le temps de quelques achats.

Ce jour-là, l’information tourne très vite et des milliers de citoyens se rassemblent à proximité de la mosquée Abou Dher el Ghafari édifiée à partir de fonds collectés auprès du peuple.

Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, la foule prend des proportions importantes et ne passe pas inaperçue aux yeux des policiers français qui en informent aussitôt leurs responsables et agissent déjà en se plantant aux endroits et coins sensibles, et certainement les plus appropriés pour mettre en œuvre leur plan macabre face à cette marée humaine qui s’apprête à longer le parcours de la liberté dans une dimension pacifique puisque les encadreurs de cette marche à caractère politique désarmeront même de leurs cannes les milliers de participants.

«Nous voulions montrer à l’occupant une grande force, sans l’utiliser», me confiait un jour le regretté Abdelkader Yala, responsable scout, à l’œuvre dans l’encadrement de cette marche.

 

Interrogatoires et intimidations

 

Quelques instants plus tard, des responsables algériens déjà marqués politiquement, à l’instar de Mahmoud Guenifi, Belkired Hassene, président du groupe scout El Hayet, Haffad Hocine, Abdelkader Yala et d’autres personnalités influentes sont convoquées par le sous-préfet. A l’origine de cette interpellation on retrouvera le commissaire central et un de ses adjoints dont l’œuvre sanglante est encore tristement célèbre.

«Si c’est pour fêter l’armistice, pourquoi ne vous joignez-vous pas à nous et la fête n’en sera que plus grande», dira le sous-préfet qui, dans cette forte dose d’intimidation, reprochera aux responsables algériens d’exposer des enfants scouts à un danger certain avant de s’interroger de nouveau sur le caractère patriotique ou politique de cette marche. Les mêmes responsables présents dans son bureau évoquent à leur tour ce jour de grande affluence qu’il fallait mettre à profit et n’obtiennent l’accord pour une marche pacifique que vers 9 heures.

La foule compacte, évoluant en rangs ordonnés, s’ébranle alors, précédée par les Scouts musulmans, pour traverser une partie de l’actuelle rue Ben-Mhidi avant de déboucher sur la grande avenue George-Clémenceau (actuelle avenue du 8-Mai 1945), brandissant les emblèmes des pays alliés et le drapeau algérien en tête. Sur les nombreuses banderoles on pouvait lire «Algérie Libre», «Libérez Messali El Hadj», «Vive la charte de San Fransisco», «Libérez les détenus politiques» et bien d’autres slogans à forte portée politique.

 

Saal Bouzid s’écroule

 

Les chants patriotiques des Scouts musulmans «Hayou Chamel», «Min Djibalina», salués par des youyous stridents de femmes en Mlaya sonnèrent le ralliement de plusieurs autres milliers de Sétifiens enthousiastes. L’emblème national est porté par le jeune Saal Bouzid qui allait devenir quelques minutes plus tard le premier martyr de ces massacres aveugles.

Arrivé à hauteur de l’ancien café de France, les manifestants sont pris à partie par des policiers français en civil. Le commissaire Olivieri, offusqué à la vue du drapeau algérien, se dirige vers la tête du cortège et ordonne que l’on abaisse les couleurs et les banderoles nationalistes. Des murmures s’ensuivent puis le silence du refus est déchiré par de vibrants youyous.

 C’est alors que le commissaire sort son révolver et tire, atteignant mortellement le jeune Saal Bouzid, 22 ans, qui s’écroule au pied du pilier sur lequel est dressé aujourd’hui son buste. 

Dans un scénario préalablement établi, des dizaines de policiers surgirent de toutes parts, des voitures stationnées aux alentours et des bars voisins, provoquant la panique et la confusion. Cet assassinat sonna la charge d’une répression barbare qui ne tarda pas à s’étendre à toute la région, où la chasse à l’Arabe constituait dès lors le mot d’ordre des troupes françaises dont les responsables décrètent le lendemain vers 13 heures l’état de siège.

 

 Une morgue à ciel ouvert

 

Alors que les prisons et les casernes sont pleines de citoyens algériens, le général Duval se déplace à Constantine accompagné de ses troupes pour transformer Sétif et les localités environnantes en morgue à ciel ouvert. Partout des morts : à El Ouricia, Ain Abessa, Beni Azziz, Ain el Kebira, Amouchas, Babor et Kherrata ou dans l’oued Agrioune ; le capitaine de gendarmerie Petit-gars, le commissaire de la police judiciaire de Setif Olivieri et le commissaire Tort, chef de la police d’état, sont unanimes pour passer «tous les coupables» et «responsables de ce mouvement par les armes». Des milices se forment sous la direction des deux officiers de la protection civile Demongean et Rossi qui tuent et brûlent sans répit. Les morts sont jetés dans des fosses communes… Bilan : plus de 45 000 morts, des miliiers de disparus et des centaines de persoonnes envoyées au bagne.