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Jeunesse - Musique - Horizons/Samira Sidhoum

Date de création: 05-01-2014 15:47
Dernière mise à jour: 05-01-2014 15:47
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CULTURE - ENQUETES ET REPORTAGES – JEUNESSE - MUSIQUE- HORIZONS/SAMIRA SIDHOUM

Quelle musique aiment nos jeunes ?

Le raï surclasse les autres styles

(c) Par Samira Sidhoum /Horizons; dimanche  28 décembre 2013

La musique occupe chez les jeunes une grande place. Elle est incontournable dans leur vie quotidienne. Nul ne peut ignorer ou sous-estimer cette réalité qui traverse les âges et les générations. La musique a un caractère indissociable dans l’existence de l’écrasante majorité des jeunes. On ne peut comprendre la « culture jeune » sans prendre en considération ce paramètre.

La musique restera la forme artistique la plus privilégiée chez les jeunes pour se démarquer, pour se constituer un repère, un style et une identité. La musique fait partie des langages universels, et les codes qui découlent de ce langage permettent une très large interprétation et une réception très profonde. Dans la musique, c’est l’émotion qui prime. Ce n’est pas un hasard si le thème principal de la chanson populaire est l’amour. « La musique est indissociable de l’affectif, de la relation à l’autre. La musique est un art très communicatif, très social. Elle procure un plaisir qui est d’ailleurs ambivalent et qui consiste à être en soi et en même temps hors de soi, donc en dehors de la réalité quotidienne », affirme Mme Rabea Yahi, psychologue à Ouled Fayet. Selon le gérant de « Manou musique », une boutique située à la rue Larbi-Ben-M’hidi, il existe deux catégories de jeunes « consommateurs ». Ceux qui aiment la musique actuelle celle des Samir Farés, Babylone, Caméléon, Djmaoui Africa, Amel Zen, El Dey, The mess &co, Freeklan. Une autre catégorie raffole de la musique raï. « Les « raïmans » sont les vraies idoles de notre époque », assure Mehdi Bennacer, directeur des éditions « Badidou ». Des chanteurs comme Bilal Sghir, Cheb Houssem, Hasni Sghir, Houari Manar, Cheba Dalila, Cheba Sara, Cheba Djenat, Cheb Kader, Cheb Amine, Cheb Adjal, Cheb Redouane, Cheb Reda, Cheb Hicham, Houari Dauphin Etc. font montre de leurs capacités créatives, « grâce à l’esprit de recherche permanente dans les rythmes et non dans le texte », regrettent Ahmed et Nawel, deux étudiants qui n’ont pas hésité à critiquer ces chanteurs. Malgré tout, ils ont acquis le dernier album de Bilal Sghir « Safi Binak W bini », sorti aux éditions « AVM ». 

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  Ces chanteurs sont surtout de véritables héros populaires : par leur origine sociale souvent modeste et surtout par leur passage dans des boîtes de nuit connus à l’ouest du pays comme « Merdjadjou plus », « La vieille marmite », « Torky », « Sun House », « Djawraha » « Mezghena », « Manara », « Palace », « Djazira », « Casino », « Sol azur » et autres. Ces chanteurs sont devenus des stars médiatiques grâce à un talent et à une présence scénique spectaculaire. Certains artistes se comportent sur scène comme des « volcans sonores », avec un jeu scénique démesuré et une virtuosité hors du commun. Notons que les grandes stars sont très souvent des chanteurs et récemment des claviéristes comme le regretté Taj Eddine Aïnouss et Hbib Himoun. Ils constituent des modèles pour les ados et même les adultes. Cheb Hasni, malgré sa mort tragique en pleine gloire, garde toujours son immense popularité. Sa légende continue de se transmettre. À travers cette musique s’expriment la rage et le désarroi. « À l’adolescence, où le développement de l’identité est davantage influencé par l’environnement et l’importance d’avoir l’air différent, la provocation amène souvent les fans à calquer les comportements de leurs idoles », explique Dr Hamici, sociologue à Cheraga.    Les raisons de l’influence du raï
Pour comprendre l’effet du raï sur beaucoup de jeunes, il faut considérer son développement et sa popularisation. Depuis les années 1920, les maîtres et maîtresses du melhoun traditionnel de l’ouest algérien tels Cheikh Khaldi, Cheikh Hamada ou Cheikha Remitti, représentent la culture guerrière traditionnelle. Leur répertoire se décline sur un double registre. Le premier célèbre la religion, l’amour et les valeurs morales lors des fêtes des saints des tribus, les mariages ou les circoncisions. Danseuses et musiciens ambulants y parlent en même temps de l’alcool et des plaisirs de la vie. Ces deux formes sont à l’origine du raï moderne. Le registre irrévérencieux est aujourd’hui remis au goût du jour à travers notamment l’héritage des medahates dont Cheb Abdou a été le précurseur, dans les années 1990. Houari Sghir a pris le relais plus récemment. Dans les années 1930, on chantait le wahrani, adaptation du melhoun accompagné au luth , à l’accordéon, au banjo ou au piano. Cette musique se mélange aux autres influences musicales arabes, mais aussi espagnoles, françaises et latino-américaines. Vers les années 1950, avec Cheikha Remitti ; cette musique qui, à l’origine, ne rassemblait que quelques chanteurs, finit par s’étendre, après l’indépendance, et davantage dans les années 80, à l’ensemble de l’Algérie. Les instruments traditionnels du raï (nay, derbouka, zoukra et bendir) s’accommodent de la guitare électrique et sa pédale « wah wah » comme chez Mohamed Zargui ou de la trompette et du saxophone comme chez Bellemou Messaoud. Dans les années 1960 apparaissent deux orchestres qui font bouger la ville d’Oran : l’orchestre « Les Adam’s », et l’orchestre « Les Student’s ». Néanmoins, cet historique ne correspond qu’à une partie du raï « traditionnel ». A cela il faut ajouter les influences des populations judéo-algériennes, européennes d’Algérie, et d’artistes berbères sur cette musique. Celle-ci incorporera aussi du chaâbi. Entre les années 1960 et la fin des années 1980, le raï traditionnel subira encore de nombreuses transformations avant d’arriver à sa première forme connue en France. Elle permettra, avec Mami , Khaled et le couple Sahraoui Fadila, le début de son internationalisation. Les chansons du raï mettent en valeur des sujets qui sont importants pour les jeunes . Des thèmes majeurs qui incluent l’auto-présentation et la scène, la fête et le divertissement, les relations amoureuses, les fléaux, la critique sociopolitique. Les paroles décrivent souvent la misère sociale, le conflit entre la culture et la tradition, la morale et la religion. Lorsque le raï parle de tels sujets, il sert de forme d’identification. Selon le sociologue, M. Hamici, « le raï est un système d’identification pour les jeunes et, pour beaucoup d’eux, le raï définit leur culture et leur identité. Mieux encore, il contribue à un code du langage des jeunes qui est vraiment unique et complexe. » Si beaucoup de nos jeunes peuvent se reconnaître et apprécier d’autres genres dont regorgent l’Algérie y trouvant, comme dans le gnaoui, la « protest song » kabyle ou les mélodies orientales des sources de plaisir et de contestation, le raï domine la scène. C’est vraiment un genre de musique qui, malgré sa nature controversée, continue d’exercer un impact fort sur la majorité d’entre eux. 

S. S.