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Algérien dans sa ville - Enquête 2007 (2/2) - Institut Abbassa

Date de création: 21-09-2012 06:56
Dernière mise à jour: 24-09-2012 19:46
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HABITAT - ETUDES ET ANALYSES - ALGERIEN DANS SA VILLE -ENQUETE 2007 (2/2) - INSTITUT ABASSA

 

 Analyse de l’enquête remise,  par Belkacem AHCENE-DJABALLAH , le samedi 17 novembre 2007

 

C’est certainement la première fois qu’une enquête quasi-exhaustive

 sur l’Algérien dans sa ville est réalisée avec une approche scientifique, en tout cas méthodologiquement rigoureuse.

On y relève , aussi, une caractéristique dans la structuration de l’échantillon , représentatif de la population des villes , cela va de soi : Il a regroupé, à travers l’âge des sondés, leur activité professionnelle et leur niveau d’instruction,  et dans une très large majorité (près des deux tiers) , les habitants les PLUS ACTIFS, donc les PLUS CONCERNES par la vie de la Cité . C’est pour cela , d’ailleurs, que les réponses sont toujours, ou presque, claires et précises.

 

 Près de 50%  des sondés, et parfois plus dans les villes du « pays profond »,  se sentent « bien » dans leur ville , mais on notera, hélas, la forte tendance chez les plus jeunes à vouloir « s’expatrier, quitter le pays » , les plus âgés , les hommes comme les femmes , les femmes plus que les hommes , cherchant seulement à « changer de quartier » ou de ville.

Si ce désir de « mobilité »,  limitée à la ville ou au quartier,  est un phénomène naturel et acceptable , positif même ( car il charrie avec lui un certain dynamisme lié  , chez les plus âgés et chez les mieux formés des sondés, aux changements actuels prometteurs d’un  paysage économique et social se « libérant » de plus en plus rapidement des contraintes administratives et bureaucratiques) ,  il l’est beaucoup moins chez les autres , les jeunes et les moins formés, qui sont  à la recherche d’un « ailleurs » qu’ils mythifient . Le phénomène actuel harragas en est la dramatique dérive, et qui, s’il n’est pas rapidement enrayé ou détourné vers des activités citadines nationales  , peut avoir des effets d’entraînement et cumulatifs encore plus profonds et difficilement contrôlables ,en tout cas assez coûteux pour le pays et dommageables pour son image à l’extérieur.

 

Bien sûr ,les motifs de satisfaction ou d’insatisfaction sur la qualité de la vie dans la ville sont multiples et variés. On en a présenté aux sondés 41 ,de la sécurité dans la ville en général et les espaces verts, jusqu’aux musées et la mosquée dans le quartier en passant par la circulation automobile et la fourniture d’eau .

 

Les plus grands sujets d’insatisfaction touchent surtout à la sécurité dans la ville et dans le quartier, à l’absence d’hygiène à l’ environnement proche dégradé , aux difficultés des transports publics et de  la circulation automobile…. Bref, les pans essentiels de la vie dans la ville, ce qui n’est guère étonnant, connaissant le haut degré de contestation de la vie publique du citoyen des villes…..tout particulièrement dans les villes de la région Centre et dans les autres grandes métropoles du pays .

Paradoxalement, ce sont les aspects les plus médiatisés en termes de mécontentement (comme l’éclairage public, les fournitures en eau, gaz et électricité, les établissements scolaires et universitaires ,les commerces de proximité…) qui rassemblent le moins de mécontentement.

Les plus forts taux de mécontentement sont liés aux loisirs et aux distractions, à la culture et aux espaces de détente ,  aux parcs publics et aux espaces verts…surtout chez les jeunes et les adultes de 15 à 29 ans. Il n’est pas étonnant que l’absence d’espace d’expression ludique (en groupe, isolément ou en famille) entraîne une certaine déprime chez une bonne partie de la population la plus active, l’amenant , à partir d’un certain moment,  à rechercher des dérivatifs dommageables ou regrettables ou, alors, cas extrême, à penser « à quitter la ville » pour certains et «  à quitter le pays »pour les plus jeunes .

 

En définitive  on s’aperçoit que les Algériens n’ont pas pour seule préoccupation les seuls aspects strictement matériels de la vie dans la ville (logement, emploi…),mais pensent , aussi, à l’ambiance générale , au climat  de la vie dans la ville . Ceci est conforté  par les réponses des personnes « qui sont bien dans leur ville » : ils placent en premier lieu le cadre de vie, le calme, la  sécurité, les relations amicales,  les liens affectifs avec la ville natale….et le travail n’occupe la première place que chez ceux que l’on pourrait appeler les cadres . Ces réponses sont rejointes par celles fournies par ceux « qui vivent mal leur ville » : la plupart citent les mauvaises conditions de vie, le manque de sécurité et le manque d’hygiène et de propreté……..la population des moins de 49 ans y ajoutant le manque de loisirs.

 

 

Comme cité plus haut, les mauvaises conditions de vie sont évoquées au côté du cadre de vie .

Ces conditions  sont liés aux services publics, aux équipements des foyers et, bien sûr, à l’habitat.

 

Plus de la moitié des sondés vit dans des logements anciens ou insalubres ou précaires ou provisoires ce qui, à l’évidence, ne prédispose pas à percevoir sa vie dans la ville  dans la sérénité , d’autant que l’on sait les  difficultés rencontrées dans l’entretien ou la restauration des habitats  anciens, la plupart du temps datant de la période coloniale.

Cette contrainte ou ce manque est tempéré par un bon équipement des foyers ……ceux-ci ayant presque « fait le plein » en équipements comme la télévision (accompagnée , bien sûr, de la parabole), le téléphone portable, la radio et la chaîne audio ,le lecteur Cd, l’automobile…

C’est comme si l’Algérien de la ville avait trouvé un substitut à tous ses autres « manques» en se dotant , grâce aux facilités nouvelles du crédit entre autres et à la large disponibilité des dits-équipements sur le marché national,  souvent à des prix accessibles, de « substituts » qui lui donnent une certaine indépendance , qui lui permettent de s’ « évader » (ainsi les jeunes de 15 à 19 ans sont les plus portés sur l’ordinateur,  les jeux vidéo et Internet) tout en contribuant à multiplier les maux qu’il dénonce par ailleurs (ex :la circulation automobile). Il n’est pas étonnant ,de ce fait , de relever que l’équipement qui manque le plus ,car encore le plus coûteux ou le plus difficile à avoir,  est celui qui va donner non pas l’autonomie dans le travail (comme la machine à laver ou le four à micro-ondes) ,  mais ceux qui permettent une plus grande ou une plus large évasion : l’ordinateur…et Internet à domicile (qui nécessite une installation du téléphone fixe encore difficile à obtenir).

 

Une place à part doit être faite à l’opinion des Algériens de la ville sur les grands services publics qui participent , en fait,  au cadre de vie et aux conditions  de vie tant il est vrai que l’organisation socio-économique du pays et aussi , sinon plus, celle du citoyen, surtout celui de la ville, malgré des comportements fortement individualisés, reste encore très liée à une organisation politico-administrative encore largement étatisée .

Il est absolument évident, qu’en l’état actuel des choses, bien des mécontentements ou des insatisfactions citoyennes et citadines disparaîtraient si les grands services publics amélioraient leurs façons de considérer leurs rapports avec les citoyens, amélioraient  leur accueil, et ,au moins , tentaient de se mettre à la hauteur des attentes citoyennes.

Les plus forts taux de mécontents (plus de 50% des sondés, femmes et hommes presque à égalité) concernent, d’abord et avant tout, et cela était presque attendu, les services publics chargés d’accomplir des œuvres importantes pour les citoyens , ou parées de pouvoirs d’intervention ou de décision importants dans la vie du citoyen ou dans l’organisation du cadre de vie, en l’occurrence d’abord les APC ( là où l’on procède à la légalisation de documents, où l’on retire les actes d’état civil, là où il y a des aides sociales) largement en tête ,ensuite les Dairas  (lieu de passage obligé pour le passeport, la carte d’identité, la carte grise des véhicules automobiles,…), enfin les wilayas (lieu de tous les pouvoirs étatiques régionaux). 

Autre grand service public montré du doigt et se retrouvant avec un fort taux de mécontents (plus de 55% des sondés ) , les services hospitaliers .

Les autres grands services publics connaissent des taux assez moyens, pour ne pas dire normaux, de mécontents parmi les sondés (entre 20% et 35%) ..…..sauf pour les espaces de loisirs, de culture et de détente comme les Maisons de jeunes, les Centres culturels et le Mouvement associatif qui recueillent  ,chacun ,des taux de mécontents frisant les 40%.

 

Ceci conforte l’observation avancée plus haut qui pose comme solution à la problématique de la vie dans la ville l’existence  d’un climat et d’une ambiance basés sur de fortes et bonnes relations humaines, sur le respect des règles élémentaires de sécurité et d’hygiène et sur l’existence d’espaces d’expression ,de culture , de détente et de loisirs destinés aux jeunes et aux familles beaucoup plus que sur l’existence de moyens matériels, de cités anonymes et de bâtisses inhumaines .

En fait, même s’il veut continuer à vivre dans la ville tout en la critiquant, et à envier ce qui se fait ailleurs (un ailleurs toujours mythifié  en raison , entre autres ,des programmes de   télévision ,arabes et européennes, diffusés par satellite ainsi que de certains programmes de la télévision nationale), l’Algérien rêve d’une ville, (de préférence sa ville natale ou de résidence permanente  ou familiale )  à hauteur de ses désirs ou de ses phantasmes , mais une ville  à sa dimension  , une ville où l’être humain est au centre et non à la périphérie de la cité et de sa gouvernance.

 

 

 

Ceci nous amène à conclure que , malgré toutes les critiques émises par une grande majorité de sa population, dont les plus jeunes…et les plus âgés, les deux extrêmes (les uns comme les autres recherchant les avantages et les illusions de la modernité ainsi que la sécurité et le calme), il est largement possible de reconstruire la ville algérienne tant l’intérêt est grand pour son existence ; une existence évidemment parée des atours d’une ville moderne , mais toujours avec les avantages de la   convivialité .

Mais , cette double exigence rend encore plus ardue la tâche des gestionnaires de la ville, tant les élus que les administratifs. Une tâche qui exige ,désormais, de plus en plus de compétence mais aussi de l’imagination .

De ce fait, la conception , la réalisation et la gestion des villes algériennes imposent la participation active non seulement des architectes et des urbanistes et des ingénieurs , mais aussi celle des économistes, des sociologues et des psychologues.

 

 

 

NOTE : Tous les droits de reproduction sont subordonnés à une autorisation de l'Institut Abassa (Alger, Place Emir Abdelkader)