CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI M’HAMED DJELLID-« L’ACTIVITE
THÉÂTRALE EN ALGERIE, 1945-1980 »
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El Moudjahid, dimanche, dimanche 14 mai 2023
Le
Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) consacre un grand livre de 708 pages
à l’activité théâtrale en Algérie entre 1945 et 1980. Une étude signée M’hamed Djellid dans les années
1980 et qui propose un essai d’approche sociologique des tonalités groupales,
expressives et superstructurelles d’une période peu
étudiée, et, pourtant, initiatrice de la pratique du quatrième art en
Algérie.
« L’auteur a mené une investigation approfondie, minutieuse et
originale, parce qu’initiée à partir des formes théâtrales embryonnaires
(chants, danses folkloriques, déclamations poétiques, représentations festives
des foyers et médersas, ensembles scolaires...) que l’on retrouve dans toutes
les pratiques sociales et genres culturels de la société algérienne, sur
environ quatre décennies. Il a eu le mérite de les intégrer dans le concept d’«activités théâtrales», qu’il définit ainsi : «Sur le plan
de l’activité théâtrale, plus que toute autre activité artistique et
culturelle, elle est une activité très ‘’socialisée’’, profondément articulée
aux substrats économiques et sociaux de la formation sociale», peut-on lire à
la page 37. Cette étude est remarquable de par l’étendue et l’importance du
corpus, qu’elle se donne à explorer. Les statistiques suivantes suffisent à
nous éclairer sur le gigantisme de l’entreprise et de la matière traitée : «Ils portent essentiellement sur près de 700 conglomérats
théâtraux... sur près de 2.000 conglomérats recensés ou inventoriés sur la
période 1949-1980»... «Quant aux représentations
théâtrales recensées, 1.500 pièces, thèmes ou canevas théâtraux», écrit-t-il à
la page 53. Sur huit ans d'enquêtes, cet ouvrage est une riche contribution à
la mémoire historique, patrimoniale, rare, peut-être unique dans ce domaine de
recherche. La valeur documentaire de l’étude résulte de son approche globale,
en ce sens qu’elle recouvre toutes les expressions culturelles de cette
société, dans un temps donné comme historique, et dans leurs manifestations
sociales les plus élémentaires de la quotidienneté, jusqu’à leur aboutissement
dans les formes esthétiques achevées de l’art dramatique. L’expression
théâtrale n’est que la forme apparente de l’évolution profonde de toute
société, paradoxe occulté parce que souvent limité à l’appréciation esthétique
comme finalité. Le souci permanent du chercheur d’initier sa réflexion à partir
de l’observation in vivo tout au long de cet ouvrage confirme, par sa
consistance, l’apport méthodologique et scientifique de cette recherche. Sa
nature singulière, de la praxis du terrain d’investigation, atteste de la
spécificité de sa transcription en un outil académique. Les étapes de ce
processus sont marquées par des observations sur les difficultés inhérentes à la
collecte de données ainsi que les inhibitions des témoins à partager leur vécu
avec le chercheur. Ces arrêts sur étapes finissent par développer un
métadiscours sur la méthodologie mise en chantier dans cette quête assidue de
l’information. M’hamed djellid
est né en 1943 à El Asnam (Chlef aujourd’hui). dans
une courte vie d’un parcours d’abnégation dédié à trois causes :
professionnellement, à l’enseignement à l’université d’Oran ; syndicalement,
militant infatigable de la vie ouvrière à travers un engagement actif et
intellectuellement, consacré à une insatiable praxis de recherche sur
l’activité théâtrale. Il disparaît prématurément en 1990. Cet ouvrage est un
vibrant hommage du Crasc à l’auteur qui a consacré sa
vie à l’étude d’un art d’exception afin d’asseoir aux futures générations les
bases historiques et identitaires du théâtre algérien.