EDUCATION-
ETUDES ET ANALYSES- ECOLE, LIVRE, LECTURE/ CONTRIBUTION PRESSE AHMED TESSA
(EXTRAIT)
© Ahmed
Tessa, pédagogue et écrivain, « Contribution : Ecole et
Société : Au cimetière du livre ...et de la lecture », Le Soir
d’Algérie, lundi 8 mai 2023
L’Algérie est très bien pourvue en
infrastructures dédiées à la lecture et à la culture en général. En effet,
chaque chef-lieu de commune est doté d’une bibliothèque municipale et d’un centre culturel. Sans oublier
chaque chef-lieu de wilaya avec son imposante maison de la culture et sa
rutilante bibliothèque centrale. Malheureusement, dans ces infrastructures
communales, point de lecture ou de prêt de livres. Elles sont déviées de leur
vocation originelle. On y trouve partout des cours de soutien payants ( SVP !) pour candidats aux examens scolaires. Parfois, ce
sont les sports de combat — toujours payants — qui remplacent les activités
culturelles. Faut-il s’en étonner ? Zoom sur l’état de santé de la lecture
et... du livre.
Ce
23 avril (note : 2023) le monde a fêté la Journée
internationale du livre. De quoi nous replonger dans cette étude réalisée par
l’ONU au début de 2005 et dont un volet est consacré à l’ensemble des pays
arabes. Elle date de quelques années. Y a-t-il des améliorations en 2023 ? Ces
statistiques, établies par les services spécialisés de l’ONU, ont de quoi
donner la chair de poule. Ainsi, on apprend que la production cumulée de tous
les pays arabes peine à atteindre 1% de la production mondiale en livres,
revues et journaux. Soit beaucoup moins que celle d’un seul pays, l’Espagne. En
tête des ouvrages édités dans les pays arabes trône le livre parareligieux suivi des ouvrages à usage parascolaire,
et des livres de parapsychologie, sur l’interprétation des rêves, par exemple.
Dans le domaine de la traduction, ce pays européen traduit chaque année
l’équivalent de ce que les Arabes ont traduit depuis l’ère abasside,
soit l’équivalent de 10 000 livres.
Alors
que les pays développés dépensent 6 000 dollars par habitant par an pour la
consommation culturelle (les livres en particulier), le citoyen arabe n’en
dépense que 350 dollars par an. Parmi les causes de cette faillite culturelle
qui frappe de plein fouet les pays arabes, le document de l’ONU cite : la
cherté des livres, la précarité sociale, l’absence de liberté de création
générée par la
censure et l’autocensure qui va avec. A
l’évidence, le tableau noir de la pauvreté culturelle arabe tel que dépeint par
l’étude onusienne s’applique aussi pour notre pays.
Tout
est dit dans cette sentence : «La lecture se porte
très mal en Algérie.» Elle fait l’unanimité tant au sein du public féru de la
chose que parmi les professionnels du livre et les décideurs en charge du
secteur. Pour cerner la problématique en débat, il y a lieu de distinguer ses
deux versants. En aval, avec le rôle de l’État et des intervenants dans la
chaîne éditoriale ; l’amont du problème engage la famille et l’école. Les
différentes prises de position du syndicat des éditeurs et de l’association des
libraires s’accordent à dire que les métiers du livre connaissent des
difficultés.
Lors
d’une émission radiophonique sur les ondes de la Chaîne 3, un libraire et une
éditrice concernés de très près par la lecture pour enfant ont dressé un tableau peu
reluisant. La production nationale est médiocre et atteint
des prix de revient exorbitants.
En
plus de sa cherté, le livre pour enfant «made in
Algeria» souffre de la concurrence du livre importé. Dans les deux cas, les
bourses moyennes sont exclues du circuit. Les enfants issus de classes sociales
défavorisées ne connaissent pratiquement rien du livre magique et merveilleux ;
excepté les manuels scolaires trop didactiques et peu attirants pour leur
procurer le plaisir de lire et répondre à leurs centres d’intérêt. Ce cercle
vicieux des coûts de production pénalise les petits lecteurs et interpelle les
pouvoirs publics. L’intervention de l’État est urgente pour contribuer à
réconcilier l’Algérien avec la lecture. Le livre s’apparente au médicament. Il
nourrit l’esprit, guérit du mal-être existentiel et révèle, parfois, des
vocations cachées.
Depuis
le retrait de l’État du soutien au prix du livre, les étals des librairies —
celles qui n’ont pas changé de destination commerciale — se sont enflammés. Une
telle situation ne peut durer sans déstabiliser le potentiel intellectuel du
pays, déjà chahuté par d’autres dérives. Il y a de cela une dizaine d’années,
la presse nationale annonçait en grande pompe la signature de deux conventions
entre le ministère de la Culture et ceux des Collectivités locales et de l’Education nationale. L’opinion publique
espérait voir redynamisées les bibliothèques municipales brinquebalantes et
celles, squelettiques, des établissements scolaires.
A
l’évidence, en théorie, il s’agissait là d’une opération salutaire pour la
promotion de la lecture dans notre pays. Mais ces signataires ont-ils appliqué
leurs engagements ? Il ne suffit pas
d’alimenter les bibliothèques en livres. Quels livres et pour quel usage ? (..............................)