COMMUNICATION-
ETUDES ET ANALYSES- LIBERTE DE LA PRESSE/CLASSEMENT RSF 2023 MONDE (II/II)
Hausses et baisses
Les États-Unis (45e)
perdent trois places. Les répondants américains au questionnaire du Classement
apparaissent négatifs sur la situation des journalistes dans le pays (cadre
légal au niveau local, violence répandue), malgré la bonne volonté de
l’administration Biden. L’assassinat de deux journalistes (Jeff German du Las Vegas Review Journal en 2022, et Dylan Lyons de la chaîne Spectrum News 13 en 2023), ont
eu un impact négatif sur la place du pays. De son côté, le Brésil (92e)
remonte de 18 places, du fait du départ de Jair Bolsonaro, dont le mandat avait été
marqué par une forte hostilité contre les journalistes, et du retour au pouvoir
de Lula da Silva, porteur d’une promesse d’amélioration. En Asie, d’autres
alternances politiques ont aussi permis de desserrer l’étau sur la presse et
expliquent quelques belles progressions comme en Australie (27e
; +12), ou en Malaisie (73e ; +40).
La situation passe de “problématique” à
“très grave” dans trois nouveaux pays : le Tadjikistan (153e
; -1), l’Inde (161e
; -11) et la Turquie (165e ; -16). En Inde, la captation de la presse par des oligarques
proches du Premier ministre Modi met
le pluralisme en péril, tandis que le régime d’Erdogan a renforcé la répression des
journalistes à la veille des élections du 14 mai 2023. En Iran (177e),
la répression intense du mouvement social
provoqué par la mort de la jeune Mahsa Amini a fait chuter les scores des indicateurs “contexte
social” et “cadre légal” du Classement. Les baisses les plus importantes de l’édition 2023 se
trouvent notamment en Afrique. Modèle régional jusqu’à il y a peu, le Sénégal (104e)
perd 31 places, notamment du fait des poursuites dont ont fait l’objet les
journalistes Pape Alé Niang et Pape Ndiaye et de
la forte dégradation des conditions sécuritaires des journalistes. Au
Maghreb, la Tunisie (121e) du président Kaïs Saïed, de plus en plus autoritaire et intolérante aux critiques de la presse,
dévisse de 27 places. En Amérique latine, le Pérou (110e),
où les journalistes payent le prix fort de l’instabilité politique persistante
en étant à la fois réprimés, agressés et décrédibilisés pour être trop proches
des élites politiques, perd 33 places. En Haïti (99e
; -29), la baisse est aussi principalement liée à la dégradation continue des
conditions sécuritaires.
Le classement par régions : L’Europe est la région du
monde où les conditions d’exercice du journalisme sont les plus faciles,
notamment au sein de l’Union européenne. La situation sur le continent est
cependant mitigée. L’Allemagne (21e), qui enregistre un nombre
record de violences et d’interpellations de journalistes sur son territoire,
perd 5 places. La Pologne (57e), où l’année 2022 a été
relativement calme sur le plan de la liberté de la presse, progresse de 9
places et la France (24e) en gagne 2. La Grèce (107e),
où des journalistes ont été surveillés par les services secrets et par un
logiciel espion puissant, garde sa dernière place dans l’UE. Le score de la
région est aussi largement impacté par les mauvais résultats de l’Asie centrale.
Plusieurs pays de la zone, le Kirghizistan (122e
; -50), le Kazakhstan (134e ; -12), et l'Ouzbékistan (137e
; -4) chutent en raison du nombre croissant d’attaques contre les médias.
Enfin, le Turkménistan (176e), où la censure et la
surveillance ont encore été renforcées après l’élection du fils du président
sortant, Serdar Berdimoukhamedov, en mars 2022, fait
toujours partie des cinq derniers pays en matière de liberté de la presse. Les Amériques n’affichent
désormais plus aucun pays en vert. Le Costa
Rica (23e ; -15) qui était le dernier pays de la zone encore
avec une “bonne” situation, a changé de catégorie après avoir perdu 5 points du
fait d’une diminution très importante de son score politique (-15,68 points) et
se positionne désormais derrière le Canada (15e
; +4). Le Mexique (128e), perd encore une place
cette année et comptabilise le plus grand nombre de journalistes disparus au monde
(28 en 20 ans). Cuba (172e), où la censure a repris de
plus belle et où la presse est toujours un monopole d'État, reste comme en
2022, dernier de la zone. Même si l’Afrique enregistre quelques
hausses notables, comme celle du Botswana (65e) qui gagne 30 places,
l’exercice du journalisme est globalement devenu plus difficile sur le
continent où la situation est désormais qualifiée de “difficile” dans près de
40 % des pays (contre 33 % en 2022). C’est le cas notamment au Burkina
Faso (58e), où des chaînes internationales ont été suspendues
et des journalistes expulsés et plus généralement de la région du Sahel,
qui est en train de devenir une “zone de non-information”. Le continent a
été aussi endeuillé par plusieurs assassinats de journalistes, dont celui,
récemment, de Martinez Zongo au Cameroun (138e). En Érythrée (174e),
la presse reste soumise à l’arbitraire absolu du président Issaias Afeworki.
La région Asie-Pacifique abrite toujours parmi les pires
régimes du monde pour les journalistes. La Birmanie (173e),
deuxième prison du monde pour les journalistes depuis le coup d’État de la
junte militaire, et l’Afghanistan (152e), où les conditions de
travail des journalistes ne cessent de se détériorer et où les femmes
journalistes ont été littéralement effacées de la vie publique, restent en
queue de classement.
Dernière au classement régional, la
région Maghreb - Moyen-Orient reste la plus dangereuse pour
les journalistes : dans plus de la moitiée des pays
de la zone, la situation est considérée comme “très grave”. Le score
très bas de certains pays comme la Syrie (175e),
le Yémen (168e),
ou l’Irak (167e),
est dû en particulier au nombre important de journalistes disparus ou pris en
otage. Malgré une hausse de la Palestine (156e) qui gagne 14
places, l’indice sécuritaire de ce pays reste très dégradé, après la mort
de deux nouveaux journalistes en 2022. L’Arabie
saoudite (170e) s’ancre dans la queue du Classement. Au
Maghreb, l’Algérie (136e) qui a confirmé sa dérive
autoritaire en poursuivant notamment le patron de presse Ihsane
El Kadi, perd 2 places et reste dans la catégorie des pays où la situation de
la presse est considérée comme “difficile”.