CULTURE-
PERSONNALITÉS- AHLAM MOSTEGHANEMI (ÉCRIVAINE)
C’est en
1953, à Tunis,
que naît la petite Mosteghanemi, fille d’un
combattant algérien du Front de libération nationale (FLN) pour l’indépendance.
Baptisée
Ahlam (rêves, en arabe), elle a 17 ans à peine quand, de retour en Algérie,
elle commence à conquérir le cœur de ses concitoyens en récitant des poèmes à
la radio nationale.
Dans
l’émission « Hamassat » (chuchotements)
qu’elle anime (radio publique, Rta) , elle échappe à la difficile réalité quotidienne post-indépendance en partageant les textes qu’elle écrit
en arabe littéraire .
C’est
l’hospitalisation de celui-ci (devenu membre des deux premiers gouvernements
Elle se
lance alors à cœur perdu dans l’écriture et publie son premier recueil en
1973, « Au havre des jours », devenant ainsi la première femme
du monde arabe à publier un ouvrage de poésie en langue arabe.
Mais les
controverses arrivent vite : la société algérienne condamne l’apprentie
écrivaine, qui écrit librement sur l’amour, le désir, les relations
hommes-femmes, et adopte des positions résolument féministes.
Ahlam est
très vite confrontée à cette nouvelle réalité : l’université d’Alger
refuse de la laisser poursuivre un doctorat, sous prétexte qu’elle serait trop
anticonformiste et qu’elle aurait une mauvaise influence sur les étudiants, et
la renvoie de l’Union des écrivains algériens.Refusant
cette injustice, elle se rend à Paris, où elle s’installe pour effectuer sa
thèse sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : l’image de la
femme dans la littérature algérienne.
Après son
passage par l’université de La Sorbonne, elle et Georges El Rassi,
son mari d’origine libanaise, décident de s’installer à Beyrouth, avec leurs trois fils. C’est là
qu’elle compte publier son premier roman.
Interrogée
sur ce passage de la poésie à la prose, elle dira : « Quand on perd un
amour on écrit un poème, quand on perd une patrie on écrit un roman. »
Publié en
1993 par la célèbre maison d’édition beyrouthine Dar Al Adab, « Les
Mémoires de la chair » fait l’effet d’une bombe et assure à Ahlam Mosteghanemi la célébrité.
Le
président algérien Ahmed Ben Bella dira d’elle : « Ahlem est un
soleil algérien qui illumine le monde arabe. »
Si « Les
Mémoires de la chair » a eu un tel impact dans le monde arabe, c’est
tout d’abord pour l’histoire sulfureuse que le roman raconte : celle de
l’amour impossible entre un peintre manchot exilé à Paris et la fille de son
ancien commandant lors de la guerre d’indépendance.
Au-delà
de la différence d’âge conséquente qui sépare les deux protagonistes (il a 25
ans de plus), ce sont les sentiments de désir intense et d’amour fou, décrits
pour la première fois aussi ouvertement par une femme, qui choquent et
passionnent les foules arabes.
Constantine, ses ponts et ses montagnes, dont les deux amoureux
sont originaires, apparaît comme un mirage en toile de fond de la vie parisienne
mondaine, où tout apparaît fade, tant que le pays natal demeure hors de portée.
Ahlam Mosteghanemi met toute sa nostalgie pour sa ville d’origine
dans ce roman, et s’efforce de décrire des sentiments amoureux complexes, ce
qui lui vaudra de recevoir le Prix Naguib Mahfouz en 1998, récompense ultime
pour un écrivain au Moyen-Orient.
Ahlam Mosteghanemi reste méconnue en Occident mais elle est une
star incontestée dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, où ses
écrits s’affichent par dizaines dans les librairies du Caire, de Beyrouth ou de
Damas.
Après « Les
Mémoires de la chair », elle publie d’autres romans à la renommée
régionale certaine, comme « Le Noir te va si bien », qui dépeint
les péripéties d’une jeune chanteuse pendant la décennie noire (guerre civile dans les années 1990), et « L’Art
d’oublier », qui conseille les femmes sur la marche à suivre pour se
remettre d’une rupture.
En
réussissant à briser les tabous imposés par la société algérienne
post-coloniale et à redonner ses lettres de noblesse à la littérature
algérienne arabophone, ambition longtemps rendue impossible par la
colonisation, cette écrivaine de génie reste incontestablement une des femmes
les plus influentes de la région.
Ses
romans et ses poésies, comme des odes à la liberté, ont trouvé un écho immense
dans le monde arabe.