VIE POLITIQUE- ENQUETES
ET REPORTAGES- KABYLIE 20 AVRIL 1980/MOULOUD MAMMERI
43 Ans après le 20
avril 1980. Ce qui s’est
passé ce jour-là...
© Aomar Mohellebi/L’Expression, jeudi 20 avril 2023
L’interdiction d’une conférence que
devait animer l’écrivain Mouloud Mammeri à l’université de Tizi Ouzou sur son
tout dernier livre Poèmes kabyles a été la goutte d’eau qui a fait déborder le
vase.
Tout a commencé par l'interdiction d'une conférence
que devait animer l'écrivain Mouloud Mammeri à l'université de Tizi Ouzou sur
son tout dernier livre Poèmes kabyles anciens. Cette interdiction a été la
goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Nous sommes lundi 10 mars 1980.
Une jeune étudiante, à savoir Malika Ahmed Zaïd, est
au volant de la voiture où était assis Mouloud Mammeri et se dirigeait vers
l'université. Mais arrivée à Draâ Ben Khedda, la voiture est stoppée par les services de sécurité
qui apprennent à l'écrivain qu'ils ont reçu l'ordre d'interdire son colloque.
La conférence est, de ce fait annulée. Mouloud Mammeri
est conduit au siège de la wilaya où il est reçu par le chef de cabinet du
wali. Ce dernier lui explique que la défense de sa conférence avait pour souci
d'éviter qu'elle devienne une source de départ d'un mouvement de protestation.
À la place de ladite conférence et à peine 24 heures plus tard, une marche est
organisée à Tizi Ouzou par les étudiants qui revendiquent la reconnaissance de
l'identité amazighe et dénoncent l'interdiction de ladite conférence. Par la
suite, toutes les journées qui suivront seront marquées par des manifestations
d'étudiants auxquels se joindront les travailleurs, des différents complexes
industriels comme la Cotitex de Draâ
Ben Khedda, l'Eniem de Oued Aïssi, l'hôpital de Tizi
Ouzou, les lycéens, etc.
Le mouvement de protestation devient populaire et touche le plus grand nombre
de couches sociales. C'est la première fois, depuis l'indépendance du pays,
qu'un mouvement de protestation populaire est enregistré.
Le coeur palpitant de ce mouvement n'est autre que
l'université de Tizi Ouzou inaugurée, à peine trois années auparavant, en 1977.
Les débats et les échanges intellectuels qui s'y tenaient étaient d'une extrême
intelligence.
Les actions de rue se poursuiveront jusqu'au 7 avril
1980 où une grève est décidée à l'université de Tizi Ouzou.
À Alger aussi, on enregistre des actions de protestation à la même période
comme des marches et des sit-in.
Le 10 avril, la grève se généralise dans toute la région, mais c'est dans la
nuit du 19 au 20 avril que les hostilités atteignent un seuil maximal. Le 20
avril a été donc la journée la plus
«chaude» en matière de mouvement et de répression.
La grève et les mouvements se propagent et s'étendent jusqu'à la wilaya de
Béjaïa. Les militants les plus actifs, au nombre de 24, sont arrêtés. Parmi
eux, il y avait, entre autres, Mokrane Chemim, Djamel Zenati, Arezki
About, Said Khelil, Salah Boukrif, Ali Brahimi, etc. Des actions revendiquant alors
la libération de tous les détenus sont initiées tout au long des semaines
suivantes. Après environ deux mois de détention, les détenus sont libérés en
juin 1980, à la grande joie de la population qui leur a réservé un accueil
triomphal.