Le cadre dans lequel la jeunesse a des possibilités de
manœuvrer dans la sphère sociale et politique est «assez
restreint, voire restrictif». C’est ce que souligne Khadidja
Boussaïd, sociologue qui a analysé les résultats
d’une étude intitulée Les jeunes en Algérie, menée par la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES).
Cette
étude présente un aperçu de la situation socioéconomique de la jeunesse en
Algérie, sur la base d’une analyse des données d’une enquête menée auprès de
1046 jeunes hommes et femmes en 2021, âgés entre 16 et 30 ans. Le constat de la
sociologue, également maître de recherche au Cread, à
l’Université d’Alger 2, sur les jeunes s’explique d’une part par «la limitation
de leurs libertés individuelles qui entame l’expression pure de leur identité,
et, de ce fait, l’accroissement de leur vulnérabilité relationnelle».
Par
ailleurs, et malgré leurs divers potentiels, il est constaté
«leur éviction de la sphère économique par leur faible intégration sur
le marché du travail dans des conditions décentes». L’étude portant globalement
sur «La jeunesse au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord : analyse de résultats» renforce, selon le rapport, l’idée du
positionnement des jeunes dialectiquement comme une catégorie
d’outsiders.
D’un
côté, ils sont socialisés dans des institutions de normalisation inclusives,
d’un autre côté, ils sont marginalisés matériellement par la non-accessibilité
aux ressources qui leur permettraient de s’autonomiser en tant qu’adultes. Au
niveau politique, la crise de confiance creuse le fossé entre les jeunes et les
autres générations. La jeunesse reste une catégorie vulnérabilisée qui cherche
des espaces d’expression au-delà des difficultés qu’elle rencontre dans sa
quotidienneté.
Ces
espaces peuvent être de l’ordre de l’informel, de la migration ou du repli
communautaire. «Ce que la jeunesse nous raconte dans
cette enquête, c’est avant tout ce qu’elle ne veut pas. Elle ne veut pas être
observée comme une catégorie exogène et mise à l’écart de la société. Elle ne
veut pas être infantilisée et maintenue dans des systèmes d’assistanat, soit
matériel ou relationnel», peut-on lire dans le
rapport.
Désir
de migrer
Cette
jeunesse ne veut non plus continuer à subir des inégalités multidimensionnelles
qui entravent concrètement l’affirmation de son identité comme «formation sociale capable d’agir comme une force de
changement». A une question sur les principes religieux, plus de 60% des jeunes
déclarent vivre en suivant les principes de la religion et 41% d’autres
estiment que la religion a un rôle à jouer dans la vie publique. Comme la
précédente étude de 2016, le désir de migration est intact.
Dans
l’ensemble, la moitié des jeunes enquêtés (51%) désirent immigrer et en termes
de destination, l’Europe reste un espace central du projet migratoire, suivie
par le Canada et les USA, puis par les pays du Golfe. La volonté d’émigrer est
aussi liée à la non-valorisation des potentiels créatifs et inventifs des
jeunes, et ce, dans divers domaines. 13% épargnent pour les
projets migratoire, alors que 43% pour cas de besoin. Pratiquement la
moitié des jeunes questionnés dépensent leur argent en l’habillement (48%)
suivi de la connexion internet avec 32%.
70%
des jeunes enquêtés disent avoir un contrat de travail et pourtant les données
chiffrées de l’étude révèlent que ces jeunes perçoivent en moyenne 11 000
DA par mois de la part de leur famille. D’ailleurs, il est constaté que
l’index de sécurité des jeunes le plus élevé est accompagné par le besoin de
famille assez fort. C’est-à-dire que ces jeunes ont besoin de famille pour
vivre heureux et se sentent mieux en sécurité (70%). 80% des enquêtés déclarent
vivre avec leurs parents sous le même toit.
A
noter aussi que 40% des jeunes estiment que la génération la plus âgée devrait
réduire ses demandes en faveur de la jeune génération, surtout que la plupart
des répondants appartiennent à la classe moyenne et ils déclarent
que leurs opportunités de carrière ont été substantiellement réduites en
raison de la pandémie de Covid-19.