Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Corruption Algérie/ Etude Ahcene Djaballah B.(III/IV)

Date de création: 15-04-2023 11:57
Dernière mise à jour: 15-04-2023 11:57
Lu: 331 fois


FINANCES- ETUDES ET ANALYSES- CORRUPTION ALGERIE/ETUDE AHCENE DJABALLAH B. (III/IV)

Le jeudi 27 décembre 1990, les membres de l'Assemblée populaire nationale adoptaient, par 91 voix contre 8 et 10 abstentions, le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur "la soi-disant affaire des 26 milliards de dollars" pour reprendre l'expression malheureuse, "utilisée" en français par les traducteurs du service presse de l'Apn, lors de la distribution du document, et ont décidé de la transmettre à la justice.

En six mois, 40 hauts responsables (de la police, de la gendarmerie, de la Sécurité militaire, de la Justice, de la Cour des comptes, de l'Inspection générale des finances, du gouvernement... et un seul wali, Merazi - Oran - qui se serait présenté volontairement, ont été auditionnés (le seul refus a été enregistré, par 3 fois, de la part du président du Conseil constitutionnel, ex-ministre de la Justice et ex-Secrétaire général de la Présidence de la République, Abdelmalek Benhabylès), 120 lettres de citoyens ont été étudiées (au mois d'août, le parlement avait invité "les Algériens détenteurs d'informations ou documents "en relation avec les révélations de A. Brahimi à les adresser aux commissions d'enquête), et des milliers de dossiers ont été traités (le plus brûlant aurait été celui de la construction en  préfabriqué destinée à la ville de Chlef après le séisme d'octobre 1980, et dont l'ex-wali avait été "expédié" dans une ambassade africaine, dès la fin de l'opération).

"... La commission a souligné que le chiffre de 26 milliards de dollars avancé par Monsieur Abdelhamid Brahimi a profondément atterré l'opinion publique d'autant qu'il était presque l'équivalent de la dette extérieure de l'Algérie dont les citoyens ne comprennent pas l'origine.

A l'écoute des multiples intervenants au cours de l'enquête, la commission estime que ce qui caractérise l'ensemble des thèses est l'absence de distinction précise entre la corruption au sens juridique du terme (art. 126 à 134 du code pénal) et les cas de détournement, de surcoûts, de réévaluation découlant de retards de réalisation et l'absence de maîtrise dans la gestion. En d'autres termes, estime la commission, et au-delà de la définition juridique de la corruption, les thèses avancées prennent pour base "les signes extérieurs de richesse non conformes aux revenus personnels". L'accent a été mis, les personnes interrogées, "sur une classe qui a exploité différentes positions   dans le pouvoir pour renforcer des privilèges" et qui se manifeste par des constructions somptuaires, l'acquisition de voitures de luxe, la multiplication des résidences et des voyages à l'étranger. Relevant la difficulté de qualifier la corruption "en raison des précautions prises par le corrupteur et le corrompu", la commission, indique le rapport, a pris en compte "les cas de mauvaise gestion et les comportements irrationnels qui relèvent d'arrière-pensées ne pouvant être expliquées que par de la corruption".

Certaines affaires évoquées au cours des auditions, remontant à plus de vingt ans, "ont été tranchées par justice et bénéficient par conséquent de l'autorité de la chose jugée", indique le rapport qui relève que la majorité des personnes auditionnées avaient une approche personnelle visant à se faire connaître et éviter l'oubli, à défendre les positions qu'ils avaient prises afin de lever le doute les entourant, à disculper leur gestion passée, à revenir de nouveau sur la scène en exploitant le nouveau contexte politique et même pour des mobiles de vengeance politique. Certaines des affaires citées, ajoute le rapport de la commission d'enquête, sont au niveau de la justice ou font l'objet  d'enquêtes judiciaires. La commission rappelle que la pratique des intermédiaires et l'octroi de commissions étaient des activités légales au regard du droit. Jusqu'à la promulgation de la loi 02/78 du 19 février 1978 portant sur le monopole sur le commerce extérieur. Ce monopole, indique le rapport, qui cite certains analystes, "a permis au monopole, à l'extérieur, et aux intermédiaires à l'intérieur, et même au niveau des structures officielles relevant des différentes sociétés nationales à prendre un aspect organisé et à faciliter la corruption des responsables".

La commission relève que les services chargés du contrôle ont indiqué "que tout dossier examiné et relevant une atteinte à l'économie nationale on une infraction de la loi comportant des preuves et des documents étaient transmis à la justice". Ces services, ajoute le rapport, demandent à Monsieur Brahimi à donner des preuves que des dossiers n'ont pas été transmis à la justice et affirment que ce responsable n'a jamais déposé de plainte ou transmis de dossiers au cours de la période où il exerçait des responsabilités.

La commission d'enquête note avec regret que cette affaire a porté atteinte à "la réputation du pays et a entaché sa crédibilité au niveau interne et externe" et souligne qu'il y a des "entreprises et des cadres et des travailleurs qui ont fait des efforts sincères et gigantesques" pour le bien du pays. Si la corruption, ajoute le rapport, a touché des individus, "on ne peut, en aucun cas, la généraliser avec cette simplicité et semer le doute dans l'esprit de tous les Algériens…"

La commission a cité un grand nombre de dossiers qui mériteraient une enquête approfondie en raison de la suspicion qui les entoure. Il s'agit de nombreux contrats conclus par des entreprises nationales, du dossier du préfabriqué en référence au programme mis en place après le séisme de Chlef, le dossier des céréales, du café, du sucre, des tomates, des épices, du dossier Bouygues, l'achat de 3 Airbus, le dossier de l'Institut Pasteur, l'Enafec, l'Enapharm, El Hamma, Sntf, textiles, silos de céréales, Cnan, Oncv, l'Université, et d'autres comme le cas d'annulation d'impôts et le dossier des biens vacants, dossiers derrière desquels les observateurs de la scène politique nationale depuis 1965 devinent aisément les personnalités ou les personnages impliqués ou soupçonnés… Le rapport de la commission d'enquête relève que les noms de personnes se rapportant à ces dossiers ne sont pas cités car les informations recueillies sont partielles et qu'il faut des enquêtes approfondies avant de porter des accusations.

Dans ses conclusions, la commission d'enquête relève que la loi 04/80 portant sur la fonction de contrôle de l'Apn est très restrictive et qu'elle a été élaborée dans le cadre d'un système ne connaissant pas la séparation des pouvoirs et où le gouvernement n'était pas responsable devant l'Assemblée. En outre, indique le rapport, le délai de 6 mois fixé par cette loi est très insuffisant et que la prescription sur les affaires est fixé à 10 ans, "alors que l'atteinte aux intérêts supérieurs du pays et la corruption n doivent pas connaître de prescription".

La commission estime, également, que la faiblesse de la prise en charge matérielle des fonctionnaires et des opérateurs facilite les déviations de ceux-ci face aux sollicitations des étrangers et des multinationales. Enfin, l'absence d'application du principe "d'où tiens-tu cela ?" a permis "à des éléments parasitaires à profiter de la faiblesse de la dissuasion et d'étaler leur richesse".

Après avoir souligné la nécessité d'approfondir l'étude des dossiers en recourant à des experts spécialisés, la commission a proposé de maintenir le dossier ouvert afin qu'il soit examiné par la future Assemblée ou de la transmettre à la justice..." (Aps).

Si pour l'affaire de la Cnc, les masques ne sont pas tombés, pour l'affaire des 26 milliards, le titre d'Alger Républicain est aussi catégorique : "La montagne et la souris : rien de bien spectaculaire dans le rapport..."

Pression ou impasse naturelle, s'interrogeait le journaliste dès le "chapô" de l'article. Les deux, certainement : sans doute se souvenait-il que, début octobre, le Président Chadli Bendjedid réagissait, pour la première fois, lors d'une émission télévisée, en qualifiant de "fantaisistes" et de "salonnards" les propos de A. Brahimi, et en ajoutant que son ancien Premier ministre "devait apporter des preuves". A Brahimi montait au créneau, deux semaines plus tard, démissionnant du Comité central du Fln, tout en maintenant ses révélations. Dans une interview au quotidien El Moudjahid, il affirmait sans ambages que "le Chef de l'Etat était au courant de tout". Il ajoutait même que le Premier ministre Mouloud Hamrouche avait déclaré, lors d'une session du Comité central du Fln, que "des dossiers sur la corruption existent bel et bien, mais qu'il n'en déterrerait aucun". Dans une interview publiée le 24 novembre 1991 par le Quotidien d'Algérie, il est  plus précis : les dossiers existent... et ils sont à la Présidence.

26 milliards de dollars selon Brahimi, 37 milliards selon un bureau d'études suisse, une cinquantaine selon le New-York Times, 2 milliards tout au plus selon Hamrouche, 1,5 selon Mahfoud Nahnah, le chiffre, en fait importe peu.

Surtout lorsqu'on sait que le peuple a surtout condamné, une première fois, par la très forte sanction négative du Fln, lors des élections locales du 12 Juin 1990, les faits eux-mêmes qui  n'avaient rien à voir avec la morale la plus élémentaire et, surtout, avec les principes de la politique socialiste ou de justice sociale tant prônée depuis près de 28 années. Les citoyens auraient voulu non des bilans mais une véritable enquête, avec des noms, non ceux des exécutants mais des commanditaires ce qui, objectivement, ne pouvait être fait par les tenants du pouvoir du moment, tant la corruption a éclaboussé, peu ou prou, tout le monde..., certains députés de l'Assemblée nationale y compris.