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Corruption Algérie/ Etude Ahcene Djaballah B.(II/IV)

Date de création: 15-04-2023 11:55
Dernière mise à jour: 15-04-2023 11:55
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FINANCES- ETUDES ET ANALYSES- CORRUPTION ALGERIE/ETUDE AHCENE DJABALLAH B. (II/IV)

"On en veut, aussi, explose Monsieur Ali Ouarab, à la Direction générale de la Cnc qui a cautionné la machination contre ce projet. Cet élu, et certains de ses complices, ont même fait savoir que le projet doit profiter à des entreprises spécialisées dans le montage des fermetures à glissière". Ce projet, installé dans la zone industrielle d'Es-Sénia, est conçu pour fabriquer des chaînes spirales et fermetures-éclair, auparavant entièrement importées pour un  coût global de 26 milliards de centimes.

Il est prévu une quantité de 7 millions 500 mille mètres linéaires sur une estimation globale de 36 milliards. Après la construction du site (bâtiment, infrastructure), le projet est déposé, en 1988, sur les bureaux de la Cnc pour accéder à une licence d'importation des équipements évalués 13.500.000 Da en devises : "A l'exception de Sitas et de Matex où je dispose d'actions, aucun dossier n'a été déposé avant mon projet". Mais, par lettre notifiée en date du 17 avril 1989, la Cnc a apposé son refus, alors que 8 mois plus tard, la société Brahmia a disposé de licences d'importations pour le même projet d'intégration. De ce fait, l'usine Kmd, qui emploie 250 travailleurs ayant aussi investi dans la formation, se trouve fermée. Pour le Secrétaire général, assistant du Dg, Monsieur Bettahar Rachid, il n'y a pas lieu de penser à des pratiques de favoritisme ou autres. L'explication réside dans la saturation du créneau et une large couverture des besoins nationaux. Dès lors, nous encourageons l'intégration des société existantes. "A l'évidence, sur la Cnc autant que sur l'affaire des 26 milliards, les commissions d'enquête instituées ont vraiment du pain sur la planche.

En auraient-elles jamais assez pour aller jusqu'au bout et redonner confiance, en nos institutions, sérieusement entamée par de telles pratiques, et gagnées par toutes sortes de remous.

L'enjeu est de taille. C'est la crédibilité et de restauration de l'autorité et de la morale de l'Etat qu'il s'agit. Ni plus, ni moins". Cet article peut être complété par un autre, celui-ci publié par le journal Jeune Afrique, en date du 15 avril 1990, sous le titre objectivement bien malveillant : "Algérie : les ripoux du socialisme".

Le journal cité, lui, remonte le temps : Après s'être référé aux déclarations de Abdelhamid Brahimi, son journaliste Hamza Kaïdi écrit notamment :

"Les révélations de Brahimi n'ont pas surpris grand monde en Algérie.

Car, on ne se fait guère d'illusions sur les tripatouillages sur les marchés d'Etat. Chacun sait que bien des fortunes bâties depuis l'indépendance, à l'ombre de la révolution socialiste, ont pour origine les pots-de-vin empochés de diverses manières, mais aussi les détournements de deniers et de biens publics.

L'étalage tapageur de richesses dans lequel se complaisent, en Algérie même, certains apparatchiks et leurs proches, les fortunes placées à l'étranger sous forme d'hôtels, de restaurants, de commerces divers et parfois même d'unités industrielles, en sont le meilleur témoignage". Kasdi Merbah a estimé, un jour, à 15 milliards de dollars l'argent détenu par les Algériens à l'étranger. Il avait d'ailleurs précisé que c'est avec l'augmentation du prix du pétrole au début des années 70 que la corruption a fait son apparition dans la société algérienne. Et, dans une interview accordée à Algérie-Actualité, n° 1419, 23-29 décembre 1992, il précisera, "qu'à partir de 1976-1977, la corruption est devenue une préoccupation importante, et au cours de 1978, une réflexion avait été engagée par Houari Boumediène sur la façon de combattre la corruption…".

"Bien avant Brahimi, sur ce sujet, un autre ministre avait provoqué quelques remous, certes limités, car l'information n'avait guère circulé. Alors qu'il détenait le portefeuille des finances dans le Gouvernement Boumediène, Mohamed Seddik Benyahia signalait, dans  un rapport interne, que ses services avaient dénombré plus de deux mille nouveaux milliardaires (en centimes) - 3550 en 1978 selon Liberté en date du 27 juillet 1992 - et ce, à une époque où le commerce extérieur, les grands outils de production et même les terres agricoles étaient détenus par l'Etat. Le seul moyen qui restait pour accumuler des richesses : la corruption.

"Des fortunes impressionnantes se sont constituées à l'époque. Celle de Messaoud Zeggar, ami de Boumediene et commissionnaire d'Etat, n'est sûrement pas l'une des moindres. Avant l'indépendance de l'Algérie, celui qu'on appelait, à l'époque, Rachid "Casa", résidait au Maroc, où il vivotait d'un petit commerce de légumes. Au milieu des années soixante dix, il acquiert une certaine réputation dans les milieux d'affaires internationaux".

Il ajoute :

"Peu avant cet incident, l'ex-numéro deux du régime, Kaïd Ahmed, passé dans l'opposition, avait dénoncé le Président Boumediène dans un tract où il affirmait que le Chef de l'Etat algérien avait placé plusieurs millions de dollars, sous son propre nom, dans une banque américaine. Il donnait le montant exact de l'un des versements et le numéro du compte. En 1989, le Colonel Ahmed Bencherif, ex-patron de la gendarmerie, a confirmé ces faits dans une interview accordée au journal, de l'ex-Président Ben Bella, Tribune d'Octobre.

Au cours des années quatre-vingt, le nombre des commissionnaires d'Etat se multiplie. Leurs hommes de paille, et eux-mêmes, sont connus du grand public, à Alger, et même dans l'intérieur du pays ou ils ne négligent d'ailleurs pas les placements, surtout immobiliers. Dans bien des localités, il n'est pas rare qu'un passant vous indique l'immeuble (de rapport) de telle ou telle personnalité.

Même de nos jours, la pratique de pots-de-vin est toujours en vigueur. Les responsables de sociétés étrangères, traitant avec l'Algérie, le confirment.

Plus grave, certaines opérations réalisées relèvent de la pure escroquerie. L'an passé (1988), une cargaison de sucre acquise par l'Algérie, et évaluée à plus de 20 millions de dollars s'est évanouie dans la nature. Comme par hasard, les précautions d'usage (lettre de crédit, assurances) n'avaient pas été prises.

Quelques semaines plus tard, un autre scandale éclatait. Des médicaments périmés achetés par tonnes avaient été entreposés dans les réserves des pharmacies d'Etat, sans aucun contrôle.

De tels détournements ne peuvent avoir lieu sans la tacite complicité de hauts-fonctionnaires. Curieusement, ces deux affaires connues du grand public, n'ont provoqué ni sanctions ni poursuites.

Sans prêter foi au chiffre avancé par Abdelhamid Brahimi, il est difficile de mettre en doute ses révélations. Mais, le silence du gouvernement ne cesse de surprendre.

Certes, une Commission parlementaire a été formée pour enquêter sur la question. Mais, parions qu'à l'instar de celles constituées pour d'autres affaires, elle n'aboutira pas à des résultats probants tant cela mettrait de puissants intérêts en cause. Ses filets retiendront quelque menu fretin et les gros requins passeront à travers les mailles".

Le journaliste de Jeune Afrique ne croyait pas si bien dire : l'enquête parlementaire sur la Chambre nationale de commerce a connu son épilogue le 25 décembre 1990. En effet, le rapport de la commission présenté devant les députés, puis soumis au débat, venait d'être approuvé à une très large majorité (moins deux voix contre, au cours d'un vote à main levée). Les députés ont adopté, par la suite, à l'unanimité, une résolution, à soumettre au gouvernement, lui demandant de saisir la justice pour ce dossier et ce, conformément au règlement intérieur de l'Apn.

Le quotidien privé, El Watan, titrait, le 26 décembre 1990 : "Les masques ne sont pas tombés" comme pour répondre au quotidien Fln, El Moudjahid qui, pour sa part, titrait : "les masques sont tombés".

Qu'a donc fourni la Commission, officiellement installée le 16 mai 1990 (2000 pages d'audition et 36 cassettes d'enregistrement en vidéo) : un rapport de 67 pages, sept annexes, une liste nominative de 5000 demandeurs de licences d'importation et les décisions de la Cnc les concernant… mais, aucune révélation fracassante et, surtout, aucun nom de hauts responsables comme l'attendait l'opinion publique chauffée à banc.

En dehors de certaines affaires citées dans le rapport (la Commission signale, entre autres, que, parmi les élus de la Chambre de commerce, 29 sur 91 ont bénéficié de 43 projets d'une valeur globale de 666 442 163 dinars. Elle note, à cet égard, que la valeur d'un projet en faveur des élus est de 15,5 millions de dinars, alors que la moyenne de l'ensemble des autres projets agréés est de 10 millions de dinars… et, globalement, 9 cas d'irrégularités sur 6000 dossiers traités), ce dernier fait l'impasse totale quant à l'identification des auteurs des délits (c'est un bilan et non une enquête, a conclu le député Ayad, ex-Vice-président de la commission d'enquête qui avait démissionné avec fracas, à cause de la méthode de travail alors choisie par la commission, et contre le manque de transparence). Peu de noms sont cités, hormis ceux de :

Soufi Tahar (ancien fonctionnaire de la Société algérienne d'assurances, devenu très gros industriel blidéen, "réunificateur" en décembre 1990 du Psd alors déchiré entre Adjerid et Hamidi Khodja, financier, et alors propriétaire (à 50 %, par le biais de son fils) du Nouvel Hebdo et, comme par hasard, traduit en justice en décembre 1990 pour une affaire de détournement d'Agi en devises (1 milliard 300 millions de centimes) et d'impayés de droits et taxes douanières, Tahar Lounis-Khodja, décédé fin janvier 1991 (Président de la Confédération générale des opérateurs économiques algériens, patron connu dans les milieux du bâtiment, grand perdant dans les élections des branches de la chambre de commerce en 1990 et qui, dit-on, voulait utiliser les secteurs de cette institution comme tremplin pour accéder à la présidence de la chambre de commerce... et grand ami de Kamel Belkacem depuis l'époque d'Algérie-Actualité), Omar Ramdane (homme d'affaires et Président de la Cnc en 1990), Kamel Belkacem (Directeur général du Nouvel Hebdo et ex-directeur d'Algérie-Actualité), le député Abdelkader Cherrar (de Boufarik, et délégué des auteurs de la proposition de loi qui a donné lieu à la constitution de la commission d'enquête parlementaire sur la Cnc...), les deux derniers cités par l'ancien président de la Chambre nationale de commerce, Masmoudi, comme les acteurs d'un complot tramé contre sa personne et contre le Cnc, et Ayad, député. Etrange tout de même!

L'Etat a alloué des crédits forts importants à la Cnc. Certes, une partie de cet argent a été bien utilisé, mais il est quasi-certain, au vu même des multiples irrégularités relevées par la commission (répartition des licences d'importation, de manière occulte, inégalité dans la base de répartition, surfacturation, acquisition de manière occulte, irrespect des procédures d'agrément des projets, etc...) qu'une partie importante a été "exploitée" par les gros "trabendistes" dont les "parrains" se trouvaient encore dans les rouages d'un système en place, système qui a largement profité des retombées du capitalisme d'Etat... ce qui a fait que la Commission n'est pas allée bien loin dans ses investigations, laissant ce soin ingrat, pour ne pas dire chargé de risques, soit à la justice soit à la prochaine Assemblée nationale. C'est à peu près la même démarche qui a été adoptée pour "l'affaire des 26 milliards de dollars".