HISTOIRE- PERSONNALITES- MONIQUE HERVO (MILITANTE CAUSE NATIONALE/FRANCE)
Monique Hervo, infatigable militante
anticolonialiste et fervente défenseuse de la cause nationale, vient de tirer
sa révérence , en France, mardi 21 mars
2023, à l'âge de 95 ans, laissant derrière elle l'image indélébile de la
première femme française sortie manifester, depuis le bidonville La Folie de
Nanterre, avec des milliers d'Algériens un certain 17 octobre 1961.
Dans un documentaire-portrait "Monique H, Nanterre 1961", réalisé
par Mehdi Lallaoui, Monique Hervo, telle une mémoire ambulante, se rappelait des moindres
gestes et faits de ces familles algériennes dont elle a fini par partager le
militantisme, au point de faire partie des milliers de personnes sorties le 17
octobre 1961 manifester contre le couvre-feu discriminatoire qui leur a été
imposé par Maurice Papon, alors préfet de police de Paris.
Racontant comment elle s’est retrouvée de "ce côté-là", Monique,
qui travaillait au service civil international – un chantier de jeunes qui
retapaient des taudis - disait se souvenir de cette année 1959 lorsqu’elle fut
alertée, avec un groupe de jeunes, pour intervenir dans un bidonville à
Nanterre suite à un incendie.
"C'est là que j’ai eu mon premier contact avec la population
algérienne, alors que, jeune parisienne à l’époque, j’ignorais l’existence même
de tels baraquements à la périphérie de la capitale française",
témoignait-elle, ajoutant qu’elle avait depuis choisi de rester auprès de ces
marginalisés qui l’avaient reçue "à bras ouverts".
Pour la militante humaniste, son engagement avec la population algérienne
"n’a rien de similaire, comme parfois rapporté, avec celui d’un porteur de
valises". "C’était un partage avec une population que je voulais
visible et pas clandestin", précise-t-elle.
De son action, elle se rappelle avoir été le "facilitateur"
auprès d’immigrés algériens qui avaient du mal à faire venir leurs familles en
France.
"Je leur confectionnais de faux papiers de travail, justificatifs
qu’ils présentaient pour faire venir épouses et enfants, souvent parqués dans
des camps de regroupement familial", confiait Monique.
Même si elle affirme que son combat était "apolitique", elle
admet avoir été approchée par le FLN. "J’étais sollicitée notamment après
les massacres d’octobre 1961. Le FLN me demandait, avec d’autres filles
engagées, à aller rassurer les femmes du bidonville dont les époux ou frères
ont été interpellés suite à la marche qui a été réprimée dans le sang", a
témoigné la militante.
Elle se rappelle avoir vu ce jour du 17 octobre 1961 le bidonville de la
Folie se vider. Son témoignage concernant cette séquence de sa vie de militante
est repris dans le film de Panijel, Octobre
noir, sorti enfin en salle en 2011. "C’était la panique générale. Les
casques bleus commençaient à tirer sur les marcheurs à leur arrivée au pont de
Neuilly.
Ceux-ci se sont dispersés et ont tenté un retour vers le bidonville par
Puteaux", relate Monique, qui se rappelle d’un bidonville qui avait au
soir pris les allures d’un "hôpital de campagne".
"Blessés par milliers, tabassés ou torturés, ceux qui ont eu la chance
d’être relâchés rentraient directement au bidonville, évitant l’hôpital
départemental de crainte d’être mis en taule", témoigne-t-elle, se
rappelant avoir vu des milliers de personnes portant des traces de sévices.
La militante et écrivaine s'est vue octroyer la nationalité algérienne en
2018 en hommage à son combat pour la cause nationale.
Auparavant, en novembre 2012, elle a été distinguée à Nanterre (Hauts-de-seine) par le consulat d'Algérie, aux côtés d'une
autre militante anticolonialiste, Jacqueline Fraysse. Des attestations de
reconnaissance de leurs "nobles actions envers l’Algérie" et des
médailles honorifiques leur ont été remises, lors d’une cérémonie célébrant la
double fête du 1er novembre et du cinquantenaire de l`indépendance de l’Algérie.
Emue, la militante engagée Monique Hervo s’est
dit "vraiment reconnaissante à l’Algérie qui a été toujours son pays et
qui le restera profondément" (elle a acquis la nationalité algérienne et
s’est convertie à l’Islam) . "Je ne sais pas trop
quoi vous dire, mais, pour moi, c’est quelque chose qui reste capital dans ma
vie et que je n’oublierai jamais", avait-elle lâché, les larmes aux yeux.
Elle a été inhumée, selon sa volonté, un cimetière d’Al Alia (Alger)