En 2020, elle
remportait le César du meilleur espoir féminin,
depuis, Lyna Khoudri s’est imposée comme une valeur
sûre du cinéma français.
Son secret ? Un magnétisme à toute
épreuve et un «instinct» dans le choix de ses rôles.
Pour parler à l’actrice de 30 ans, il faut s’armer de patience et ne pas s’y méprendre: si son visage poupon et ses grands yeux en amande
donnent l’image d’une jeune femme pas tout à fait sortir de l’adolescence. Il n’en
est, en réalité, rien.
C’est une femme affirmée, parfois
tranchante, que la presse rencontre à Paris lors de la promotion
du film Houria de Mounia Meddour, en salles mercredi. Elle y campe une
ballerine algéroise dont le destin bascule après une agression par un islamiste
qui se dit repenti. Un film sombre, avec en toile de fond la situation de
l’Algérie contemporaine: manque de liberté et de
perspectives pour la jeunesse, carcan religieux... mais aussi et surtout la
blessure des années de terrorisme (1992-2000).
De la noirceur du film se dégage
pourtant une certaine lumière. Cette lumière, c’est Lyna Khoudri.
«Il était évident que le rôle était pour elle», confie
la réalisatrice à la presse , qui loue «une certaine présence à l’écran». Entre
la candeur et la force, l’actrice habite l’écran. Une présence saluée en 2017
par le prix de l’interprétation féminine dans la section Orizzonti
à la Mostra de Venise, pour son rôle dans Les
Bienheureux de Sofia Djama. Depuis, tout le monde se
l’arrache, jusqu’à l’Américain Wes Anderson qui lui a
confié un rôle dans «The French Dispatch» (2021), où
elle a côtoyé Léa Seydoux, Timothée Chalamet ou Tilda
Swinton. L’année 2023 ne fera pas exception. Elle est
à l’affiche du film Les trois mousquetaires, en salles en avril, aux côtés de
piliers du cinéma tricolore. Née en Algérie, d’un père journaliste et d’une
mère professeur de violon, Lyna Khoudri arrive en
France, enfant, alors que l’Algérie sombre dans le chaos de la décennie noire.
Elle grandit en banlieue parisienne, passe son bac puis intègre le Théâtre
national de Strasbourg, dont elle ne sort pas diplômé,
happée par le 7e art.
De son rôle d’orthophoniste dans Hors
normes d’Olivier Nakache et Éric Toledano à la jeune
femme rom qu’elle interprète dans Gagarine de Fanny Liatard
et Jérémy Trouilh, en passant par le témoin clé qui a
permis la capture d’Abdelhamid Abaaoud (chef
opérationnel des attentats du 13 novembre 2015) dans Novembre de Cédric
Jimenez, la comédienne cumule les rôles de personnages pivot. «J’ai besoin de rôles qui font avancer le récit, sinon je ne
vois pas l’intérêt», dit-elle d’une phrase qui tombe comme un couperet. «C’est très instinctif, poursuit-elle, il y a des fois où je
sais qu’il faut que j’y aille et, des fois, je ne peux pas dire que le rôle
n’est pas beau mais c’est juste que je me vois pas jouer ça».
Et de citer le cinéma de John Cassavetes
où «l’acteur est au centre». Quel avenir
s’imagine-t-elle ? «Ce que je veux, c’est faire des
choses que je n’ai jamais faites, qui vont me faire peur et où je vais me dire
‘‘tiens, comment je vais faire ça ?’’», affirme-t-elle. Comme en février,
lorsqu’elle monte seule sur la scène des Bouffes du Nord à Paris dans la peau
d’une jeune femme en colère, dans un texte écrit pour elle par Pascal Rambert. «J’aimais le texte, j’aimais le personnage, j’aimais ce que
ça défendait et j›aimais le challenge de rester une heure toute seule sur
scène», se remémore-t-elle. Si les sollicitations ne manquent pas, l’actrice
assure «avoir très envie de raconter d’où je viens». «A part Gagarine, tout ce que j’ai lu ou touché du doigt, ça
n’était pas au bon endroit. Pas au bon endroit parce qu’il y a encore une
espèce de fantasme autour de la banlieue et de l’homme et la femme
arabe».