CULTURE-
PERSONNALITES- MOULOUD MAMMERI (Complément)
Avec une œuvre multidisciplinaire, centrée sur la
libération et l’affirmation de soi, Mouloud Mammeri est l'un des illustres
intellectuels algériens engagés dans le combat libérateur comme auteur, chercheur
et défenseur de la culture et du patrimoine algériens.
Témoin d'une étape historique difficile
de la vie du peuple algérien, Mammeri s'est engagé comme romancier et
dramaturge pour le recouvrement de l'identité et de la souveraineté nationales.
A travers le roman, il s'est exprimé
comme un citoyen préoccupé par la situation de ses concitoyens, représentés à
travers des personnages authentiques et des références nationales pour décrire
la situation difficile que vivaient les Algériens durant la colonisation.
Ses récits, empreints d'héritage
culturel et traditionnel ancestral, ont décrit avec un réalisme frappant une
société millénaire attachée à ses valeurs et coutumes autochtones, révoltée
contre un système colonial destructeur.
Ses romans "La colline
oubliée", "Le sommeil du juste" et "L'opium et le
bâton" et "Le foehn", pièce écrite en 1957 et joué à Alger en
1967, sont un témoignage réaliste du vécu des Algériens sous le joug colonial.
A partir de "La colline
oubliée", porté à l'écran par Abderrahmane Bouguermouh,
qui dépeint la vie difficile des habitants d'un village en Kabylie, en donnant
une existence littéraire à l'Algérien, longtemps marginalisé dans un contexte
colonial étouffant, l'auteur a adopté une démarche intellectuelle identique décrivant
une Algérie meurtrie par la colonisation dans "Le Sommeil du juste"
et "L'opium et le bâton", autre chef-d’œuvre adapté au cinéma en 1970
par Ahmed Rachedi.
L'engagement de Mammeri pour
l'indépendance nationale se traduit aussi à travers des articles de presse
publié dans "L'espoir Algérie", journal des libéraux où il décrit la
cruauté du colonialisme français. Très impliqué dans le combat libérateur, il a
contribué à la rédaction de "rapports accablants" sur le colonialisme
français durant la guerre de libération, adressés par le FLN (Front de
libération nationale) à l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations
Unies, a certifié Tassadit Yacine dans son ouvrage
"La face cachée de Mammeri", publié en 2021.
L'universitaire Afifa
Brerhi souligne que Mammeri compte parmi "les
écrivains algériens de la première génération qui ont témoigné du sort
misérable des populations autochtones et dénoncé les horreurs de la
colonisation".
Pionnier
dans la recherche en anthropologie, Mouloud Mammeri a œuvré, à travers ses
travaux et ouvrages consacrés essentiellement à la culture orale, à la
grammaire et la linguistique amazighe, et à la préservation d'un héritage
culturel en déperdition.
Ses nombreux travaux scientifiques,
considérés comme une référence "incontournable" dans la recherche et
l'enseignement de Tamazight, ont dégagé les bases linguistiques et syntaxiques
communes à cette langue nationale et officielle en Algérie. Mammeri était
également le premier universitaire à s'intéresser à la poésie kabyle ancienne
et à l'Ahellil du Gourara, un chant rituel ancestral
d'expression zénète (variante de Tamazight) propre à
la région du nord d'Adrar, auquel il consacre une recherche publiée en 1984.
Un de ses plus brillants étudiants,
Rachid Bellil, va reprendre le flambeau de la
recherche dans le Gourara pour aboutir en 2008 au classement de l'Ahelil sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité de
l'Unesco. "Les Isefra, poèmes de Si Mohand ou
M'hand", poète errant du XIXe siècle, et "Poèmes kabyles
anciens", où il redonne voix à une pléthore de poètes talentueux, sont
parmi ses ouvrages phares qui restituent une partie de la poésie de la région.
Dans la recherche linguistique, Mammeri
a publié le premier ouvrage algérien sur la grammaire de langue amazighe "Tajerrumt n'Tmazight" et
"Amawal" (dictionnaire,1980), premier
lexique en Tamazight qui puise dans toutes ses variantes nord-africaines. Avec
un long parcours scientifique, il a fondé une école algérienne d'anthropologie
qui a formé une génération de chercheurs et d’étudiants qui constituent
aujourd'hui le point focal de l'anthropologie africaine. Mouloud Mammeri a été
également fondateur et directeur du Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques
et ethnographiques (CRAPE), en plus de la revue "Awal",
première publication spécialisée dans la recherche sur la culture amazighe
créée en 1985.
Né le 28 décembre 1917 à Tizi Ouzou,
Mouloud Mammeri a légué une immense œuvre pluridisciplinaire notamment dans la littérature,
en plus de ses nombreuse nouvelles et ouvrages de traduction et de critique
littéraire.
Il décède, dans un accident de la
circulation le 26 février 1989 à l'âge de 72 ans.