HISTOIRE-
PERSONNALITES- GUERROUDJ JACQUELINE
Née en 1919 à Rouen (Seine-Inférieure) ; institutrice près de Tlemcen de
1948 à 1955 ; communiste ; agent de liaison des commandos d’Alger en 1956 ;
emprisonnée, condamnée à mort en 1957 comme son mari Abdelkader Guerroudj.
Née dans la bourgeoisie de Rouen, Jacqueline Netter avait épousé un
professeur de philosophie Pierre Minne qui avait enseigné au Sénégal, et le
suivit quand il est nommé à Tlemcen en 1947-1948 au collège De Slane ; il était très surveillé car il doublait son
enseignement en créant des Cercles de philosophie marxiste. Danièle Minne* qui
fut recherchée à Alger comme une des jeunes filles transportant des bombes,
était leur fille et devint au maquis par son mariage : Djamila Amrane. Le couple Minne se sépara après son arrivée en
Algérie, et Jacqueline prit un poste d’institutrice.
Elle fut nommée à Négrier (Chétouane) près de
Tlemcen et découvrir et la misère des populations paysannes et la
discrimination coloniale qui privait d’école la plupart des enfants algériens ;
elle donna raison aux communistes ; son directeur d’école était Ahmed Triqui* venant du Maroc et solide militant. Sur le village règnait le maître du grand domaine colonial un Dollfuss de
la famille et du groupe textile Dollfuss Mieg et
Compagnie (DMC comme les bobines de fil). Quand l’institutrice s’opposa à lui
en défendant un élève algérien qui méritait de poursuivre des études, « il a
donné l’ordre de lâcher les chiens contre moi si je m’aventurais dans son
domaine », écrit elle dans son témoignage : Des
douars et des prisons, op.cit. (cf.Sources)
; aussi il la fit muter dans une des écoles de douar de la commune d’Aïn Fezza.
La voici plus encore en milieu communiste auprès des groupes paysans du PCA
et d’Abdelkader Guerroudj qu’elle épousa. L’expulsion
d’avril 1955 sur la France fut ensuite cassée et remplacée par une interdiction
de séjour en Oranie ; elle se retrouva à Alger au début de 1956 quand
Abdelkader Guerroudj en clandestinité, prit part à la
direction des commandos du grand Alger. Elle devint alors l’agent de liaison de
Yahia Briki* et Mohammed Arezki Bennaceur*
(dit Tewfik) travaillant à la fois pour le PCA et
pour le FLN. Puis elle porta les couffins contenant des armes et des bombes ;
c’est elle qui apporta les deux bombes à Fernand Iveton*
qui n’en prit qu’une qu’il cacha dans le vestiaire de l’usine à gaz en
attendant de la placer pour un attentat symbolique. La police trouva dans le
vestiaire les indications de minuterie de la 2e bombe. Aussi la police se mit
en chasse ; arrêté (14 novembre 1956), pour couper les pistes, alors que
Jacqueline était brune, F. Iveton parla d’une femme
blonde ou rousse ; la traque se mit en recherche de Raymonde Peschard*, une autre communiste très fichée.
Arrêtée et inculpée une première fois, mise en liberté provisoire,
Jacqueline Guerroudj fut emprisonnée quionze kjours après son mari en
janvier 1957. Elle fut, avec lui, condamnée à mort au procès des « Combattants
de la libération » en décembre 1957 ainsi que Abderrahmane Taleb qui fut
exécuté. En France, une double campagne se déroula en leur faveur ; Simone de
Beauvoir* et Jean-Paul Sartre* patronnaient le comité « Les Guerroudj
et Taleb-Abderrahmane ne doivent pas mourir », puis le sort de Jacqueline Guerroudj fut lié à celui des autres femmes condamnées à
mort : Djamila Bouhired et Djamila Bouazza et les filles mineures : Baya Hocine et Djohar Akrour. Jacqueline Guerroudj
connut les quartiers des condamnés à mort à Alger de la prison de Barberousse (Serkadji) à la centrale de Maison-Carrée (El Harrach) puis
fut transférée en France, à Fontenay-Le-Comte puis à La petite Roquette à Paris
et à la prison de Pau ; les séjours furent marqués de grèves de la faim avant
la grâce du 8 mars 1962 pour les deux Djamila et Jacqueline Guerroudj,
en prélude des Accords d’Evian.
À l’indépendance, faite citoyenne algérienne, elle devint bibliothécaire à
la Faculté de droit d’Alger ; membre du FLN, elle quitta le parti unique après
le coup d’État militaire de juin 1965. Mère de cinq enfants et grand mère de douze petits-enfants
sous horizon divers, elle demeurait retraitée à Alger au début des années 2000.
Son divorce d’avec d’Abdelkader Guerroudj fut
prononcé par le tribunal d’instance d’Alger le 22 mars 1969.