FINANCES- ENQUETES ET REPORTAGES-
MONNAIE/BANCARISATION 2022
© Reporters, Hakim Ould
Mohamed, jeudi 26 janvier 2023
La hausse de la monnaie en circulation
hors canal bancaire renseigne de l’ampleur inédite qu’a pris le secteur de
l’informel et témoigne de l’insuffisance des actions entreprises jusqu’ici pour
accélérer la bancarisation et l’inclusion financière. Ce montant astronomique,
qui en dit long sur le travail qui attend les banques sur le front de la
bancarisation et de l’inclusion financière, peut expliquer le coup de sang du
chef de l’Etat lors de la récente réunion gouvernement-wali.
La monnaie fiduciaire circulant hors
canal bancaire représente un tiers de la masse monétaire global à fin juin
2022. Avec une part de 33,15 % du total de la masse monétaire à fin juin 2022,
la circulation fiduciaire hors banques s’est accrue de 6,14 % à fin juin 2022,
par rapport à fin décembre 2021 atteignant, ainsi, 7.124,3 milliards de dinars
à fin juin 2022 contre 6.712,2 milliards de dinars à fin décembre 2021, lit-on
dans la note de conjoncture de la Banque d’Algérie pour le premier semestre
2022. Le montant donne des vertiges.
D’autant plus que sur l’ensemble de l’année 2021, la monnaie fiduciaire hors
canal bancaire s’est établie à 6712,3 milliards de dinars. Les quantités des
billets et de pièces de monnaie circulant hors canal bancaire évoluaient en
tendance haussière depuis 2017, passant de 4.716,9 milliards de dinars en 2017,
année durant laquelle la planche à billets a été adoptée comme moyen de financement
non conventionnel, à 4.926,8 milliards de dinars en 2018, avant de grimper à
5.437,6 en 2019, 6.138,3 en 2020 et 6.712,3 milliards de dinars en 2021. Entre
décembre 2021 et fin juin 2022, la masse de monnaie fiduciaire non bancarisée
s’est accrue de 412 milliards de dinars, peut-on lire dans les statistiques
fournies par la banque centrale, un montant qui en dit long sur le travail de
Titans qui attend les banques sur le front de la bancarisation et de
l’inclusion financière. La responsabilité des banques est engagée, lorsqu’on
sait que le nombre d’agences bancaires sur l’ensemble du territoire national,
toutes banques confondues, est de 1578 en 2020, selon les statistiques de la
banque centrale, ce qui signifie que l’effort du secteur bancaire en la matière
reste en deçà des attentes, ce qui peut justifier, en partie, le niveau
important de «désinclusion» financière dans le pays,
exprimé plus clairement par les données de la Banque d’Algérie sur les quantités
de billets et de pièces de monnaies en circulation hors canal bancaire.
Le nombre d’agences bancaires contraste de manière saisissante avec le nombre
des agences d’Algérie Poste opérationnels sur les 58 wilayas et qui s’élève à
3357 structures. Clairement, les banques, aussi bien publiques qu’à capitaux
privés doivent consentir des efforts supplémentaires en matière de
bancarisation et de proximité afin de pouvoir contribuer efficacement aux
efforts d’inclusion financière auxquels appelle sans cesse l’Exécutif.
Impact sur l’inflation
Il s’agit, entre autres efforts, d’augmenter le nombre d’agences et d’accélérer
dans les produits et services de la Finance islamique et numérique, en
concentrant les efforts de massification sur les régions à fort potentiel et
dont la couverture bancaire reste pour le moins insuffisante. La croissance de
la circulation fiduciaire n’a pas connu de répit ces dernières années. En 2022
encore, elle avait augmenté de 10,18% sur les neuf premiers mois de l’année,
faisant ressortir un volume plus élevé que ce qui a été recensé à fin juin du
même exercice. Les quantités de billets de banque et de monnaie non bancarisées
pèsent désormais plus d’un tiers dans la masse monétaire globale (M2) qui, elle
aussi, évoluait en tendance haussière durant le premier semestre du précédent exercice.
En effet, au premier semestre 2022, la masse monétaire au sens global (M2) a
connu un accroissement de 7,15 % par rapport à son niveau de décembre 2021,
s’établissant ainsi à 21.488,2 milliards de dinars contre 20.053,5 milliards de
dinars à fin 2021, lit-on dans la note de conjoncture de la Banque d’Algérie
pour le premier semestre 2022. Selon l’Institution, cette croissance résulte
principalement de la hausse de l’agrégat M1 qui a augmenté de 6,66% à fin juin
2022, passant ainsi de 13.590,3 milliards de dinars à fin 2021 à 14.495,3
milliards de dinars à fin juin 2022. M1 renvoie en partie à la monnaie
fiduciaire, dont la hausse a contribué grandement à l’augmentation de la masse
monétaire globale qui, elle-même, n’est pas sans conséquences sur l’inflation.
La hausse de la monnaie fiduciaire en circulation hors canal bancaire renseigne
en tout cas de l’ampleur inédite qu’a pris le secteur de l’informel et
témoigne, par la même, de l’insuffisance des actions entreprises jusqu’ici pour
accélérer la bancarisation et l’inclusion financière. Cela peut expliquer le
coup de sang du chef de l’Etat, jeudi, lors de la réunion gouvernement-wali,
appelant les détenteurs des fonds thésaurisés en dehors du circuit bancaire à
les déposer rapidement dans les banques. «Je lance un
dernier appel à ceux qui ont accumulé de l’argent dans leurs foyers pour qu’ils
le déposent dans les banques», a averti le chef de l’Etat, rappelant à ce
propos que l’Etat «a accordé de nombreuses garanties pour protéger le citoyen
et l’économie nationale», dont l’intégration de la finance islamique dans
l’activité des banques. Les banques étaient ensuite destinataires d’une
instruction du ministère des Finances, les invitant à déployer leurs moyens et
effectifs en vue de bancariser les fortunes évoluant dans les circuits
invisibles de l’économie.