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Enquête Fatma Oussedik- "Avoir un ami puissant...."

Date de création: 01-01-2023 18:35
Dernière mise à jour: 01-01-2023 18:35
Lu: 444 fois


POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ENQUÊTE FATMA OUSSEDIK- « AVOIR UN AMI PUISSANT.... »

« Avoir un ami puissant.... ».Enquête sur les familles urbaines , Alger-Oran- Annaba ». Essai de Fatma Oussedik. Koukou Editions, Algez/Cheraga 2022, 398 pages, 2 000 dinars

 Les réalités des familles algériennes contemporaines sont -il faut désormais l’admettre- diverses et complexes. Déjà, avec l’effraction coloniale, tout s’était trouvé bouleversé, la dépossession des terres accompagnée d’une dépossession des identités, entraînant (quand ce n’est pas l’élimination physique) l’éparpillement des populations et/ou leur exil.

Depuis l’indépendance du pays en 1962, la situation a évolué encore plus rapidement. L’Etat algérien post-colonial a inscrit son action- selon les chercheurs- dans une logique empruntant à la fois au jacobinisme et au bonapartisme de l’Etat français et à son organisation centralisatrice autour de la figure du Raïs, sur laquelle s’est construit le nationalisme arabe, « s’interdisant d’entendre les réalités diverses et complexes des familles algériennes ». Une nouvelle culture de la famille allait naître , enfantant en même temps, « un pouvoir qui s’épuise ». «Afin de maintenir un statu quo, la réponse apportée à chaque crise a été fondée sur un césarisme», souligne Fatma Oussedik.

L'ouvrage est une enquête sur les familles urbaines de trois grandes villes du pays. Alger, la capitale, Oran et Annaba.

Fatma Oussedik s'interroge, dans ce livre, sur les fondements des liens familiaux à partir de la question:
«comment, et avec quoi, fait-on famille en Algérie?».


Associant la recherche de traces à partir de documents, à d’ entretiens  de terrain, elle tente de répondre à cette interrogation à partir de l'analyse de trajectoires familiales. Ces entretiens ont aussi montré les points d'appui dont des familles ont pu, ou peuvent encore, bénéficier, dont « un ami puissant ».

Dans ses conclusions, elle présente  « les affiliations, les formes d’appartenance et de présentation de soi rencontrées ».Ainsi, on a :

-La Tribu....les personnes rencontrées ayant montré une organisation sociale à laquelle ils et elles se référaient en termes valorisants et qui renvoie à la Tribu comme espace d’inscription, sociale et économique

-Le Clan....car si la tribu et le « ‘arch sont apparus comme des traces, à présent, le terme auquel les sujets ont le plus souvent recours est le clan (« ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive »)....le premier étant celui d’Oujda

-L’Individu.....car, de plus en plus réduits à l’état d’individus, confrontés à des éloignements , voire à des conflits familiaux, les Algériennes et les Algériens sont contraints à penser et fabriquer leur destin  et à repenser un destin collectif, des formes nouvelles d’insertion sociale

-La Catégorie sociale.....la population s’étant, à présent, selon l‘auteure, structurée en mini-publics, en particulier autour d’organisations socio-professionnelles, « comme l’ont montré les cercles de relations sociales révélées par l’enquête »

 

L’Auteure :Née à Alger en 1949.Etudes de sociologie (Université d’Alger puis Université catholique de Louvain en Belgique pour obtenir son doctorat).Enseignante et chercheuse(Cread). Plusieurs travaux, ouvrages et articles publiés.

Sommaire :Avertissement/ Introduction/ Première partie : Transmission et ruptures. Le cadre général (Trois chapitres)/  Deuxième partie : Le souffle des ancêtres. Les récits familiaux (La mémoire de soi  - Quatre chapitres)/Troisième partie : « Avoir un ami puissant... » /Des noms et des lieux . L’analyse – Trois chapitres)/ Conclusions : Institution familiale et autorité (la tribu, le clan, l’individu, la catégorie sociale) /Annexe (Rapport du colonel Pelissier à Bugeaud)/ Bibliographie

 Extraits : « Ce peuple algérien existe ;il s’est maintenu, différent et semblable, à travers les siècles. Il occupe le plus grand pays d’Afrique. Comment peut-on être à la fois si grand et si fragile ? Comment marcher le long de cet abîme qui ouvre sur la dispersion ?L’estime de soi me semble la réponse à un tel questionnement » (p10), « Dans la conscience des populations, les territoires du Beylik étaient sans héritier et n’avait pas de propriétaires identifiables (....).C’est ainsi que la population, si attachée à la propreté des domiciles privés, se désintéresse de tout ce qui est espace public, qui appartient « au Beylik » (p78), « Un logement acquis, du fait de relations sociales ou familiales ou de la volonté d’un responsable politique, est une part de la rente pétrolière qui doit être transmise aux enfants » (p102), « La mémoire de chaque Algérien et de chaque Algérienne est toujours nourrie de références « en commun » : à la situation coloniale qui a prévalu durant le XIXè siècle et la première moitié du XXè siècle mais aussi du conflit entre Algériens qui a marqué l’histoire récente » (p127), « Si le lieu fait récit, c’est parce qu’il nous parle » (p181), « Auparavant, l’autorité dépendait de l’âge, du savoir, sur la famille. A présent, c’est le statut social, l’éducation, les revenus, l’exercice d’un rôle politique qui accordent une place d’organisateur de maître du jeu à une personne »  (p192), « L’administration française a passé plus de cinq (5) siècles afin de transcrire les noms de famille des Français afin de protéger leur filiation et leur personnalité, alors qu’elle n’a mis que 10 années pour les Algériens »(p 249), « Historiquement, les déplacements de population ont été le résultat , y compris après l’indépendance du pays, de décisions de pouvoirs autoritaires » (p275), « Le seul recours à la Guerre de libération dans la production du récit fondateur s’épuise à présent auprès des jeunes générations, mis à mal par les règlements de compte, mais aussi par sa dimension temporelle courte »   (p359)

Avis : Un ouvrage très, très  riche en informations.....et en références (historiques et scientifiques). Un titre et une couverture qui « accrochent ».....et un prix de vente élevé. Ouvrage très utile aux étudiants en sociologie urbaine et, aussi, en sociologie politique. Riche bibliographie

Citations : «  Les villes ne sont pas immobiles ; elles vivent y compris dans la conscience des sujets » (p17), « Qu’est-ce que la mémoire sinon une histoire racontée aux vivants et qui leur permet de vivre les temps présents ? » (p27) , « Les concepts ne prennent pas l‘avion (....)..Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une interrogation des termes qui nous ont offerts et que nous utilisons dans des contextes différents, qui sont ceux dans lesquels nous vivons et que nous sommes tenus de penser .Ou alors, ces concepts sont vides de sens, ce sont des « mots valises » (p 64), « Une mégalopole peut, malgré un nombre d’habitants important, ne pas atteindre obligatoirement le statut de métropole » (p 86), « Les lieux nous parlent et à partir d’eux s’inscrivent les récits .Ils tiennent lieu de récit et ils sont porteurs de notre histoire, de nos histoires » (p141), « Le rapport ambigu des Algériens et des Algériennes à la « harga » : une inquiétude et une délivrance » (p305), « Nous étions , en 1962, dans un univers qui nous apparaissait relativement clair :toutes et tous des Algériens définis par un récit nationaliste, par une morale sociale (......).Peu à peu , ce récit s’est fissuré. Nous sommes à présent chaouïas, kabyles, mozabites, algérois, islamistes, nationalistes, berbéristes.Davantage encore , aujourd’hui, nous sommes du Sud ou du Nord en nourrissant ces appartenances par des références politiques » (p354), « En Algérie, le contenant , la forme, a pris le pas sur le fond, ses contenus multiples. Et c’est ainsi que les approches de l’identité ont été posées sur la tête (p369),