RELATIONS INTERNATIONALES- MAROC- MAROC/CORRUPTION/
MAROCGATE
©Synthèse Aps, Dimanche 25 décembre 2022
Des cadeaux et des vacances dont le coût pouvait
atteindre 100.000 euros ont été offerts par le Maroc pour soudoyer des eurodéputés
en échange d'un soutien électoral au Parlement européen, selon de nouvelles
révélations concernant le "Marocgate", ce
retentissant scandale de corruption au sein de l'institution de l'Union
européenne (UE).
"L'équipe accusée d'avoir mis en
place le système de corruption au cœur de Bruxelles travaillait également à
l'obtention de votes" en faveur du Maroc, a indiqué le journal italien
"Il fatto quotidiano",
citant les services secrets belges en charge de l'enquête sur les pots-de-vin
au Parlement européen.
Un rapport de ces mêmes services
souligne que "le groupe -des eurodéputés impliqués dans l'affaire-
travaillait en échange d'un soutien électoral orchestré par les autorités
marocaines et de sommes d'argent considérables versées clandestinement, en
espèces, par le Maroc".
Selon les enquêteurs, l'ancien député
Antonio Panzeri, l'actuel député Andrea Cozzolino et leur conseiller Francesco Giorgi ont travaillé
pour la Dged (Direction générale des études et de la
documentation, c'est-à-dire les services secrets marocains), moyennant
rémunération dans le but d'influencer les décisions du Parlement européen en
faveur du Maroc, notamment sur la question du Sahara occidental.
Le groupe a opéré "avec une
discrétion qui va au-delà de la simple prudence, évitant d'apparaître trop
ouvertement pro-marocain au Parlement européen, utilisant un langage codé et
cachant de l'argent dans les appartements", notent les services secrets
bruxellois dans le rapport qui a déclenché l'enquête et qui a été révélé par
"Il fatto quotidiano".
En outre, le mandat d'extradition belge
à l'encontre de Maria Dolores Colleoni et Silvia Panzeri,
respectivement l'épouse et la fille de Panzeri,
désigne Abderrahim Atmoun, ambassadeur de Rabat en
Pologne, comme ayant fait des "cadeaux" dont Mme Panzeri
a "apparemment bénéficié". Ces mêmes documents mentionnent également
des vacances dont le coût peut atteindre "100.000 euros".
L'ambassadeur Atmoun
était président de la Commission interparlementaire Maroc-UE chargée de
l'économie, des relations bilatérales, des droits de l'Homme et de la lutte
contre le terrorisme, et c'est là qu'il a commencé à collaborer avec Panzeri, alors député européen et président de la Commission
des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, ainsi que membre
de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et l'Union du
Maghreb arabe.
Le journal italien a fait un lien
entre le "Marocgate" et le scandale
d'espionnage Pegasus, relevant que derrière l'implication du Maroc, il y a
surtout "l'accord euro-méditerranéen" entre l'UE et Rabat.
Ainsi, le quotidien indique que l'"Euroscandale" avait mis en évidence certaines
pratiques utilisées par les services secrets marocains pour des "actions
de persuasion" et le "contrôle" de certains députés européens
interceptés avec l'utilisation de Pegasus, ce logiciel espion développé par la
société sioniste NSO Group.
L'activiste sahraoui Mohamed Dihani a également expliqué au journal italien "Il Messaggero" que "le logiciel espion Pegasus a été
utilisé comme bras armé des services secrets marocains pour faire chanter
l'Europe et le reste du monde".
"Il fatto
quotidiano" souligne que le député européen Cozzolino, l'un des protagonistes du scandale -même s'il
n'est pas encore mis en examen-, était membre de la commission d'enquête
parlementaire portant précisément sur le logiciel espion sioniste.
Dans une interview accordée au quotidien
"Il Domani", Sophie in't
Veld, rapporteur de la commission d'enquête de l'UE sur l'utilisation de
Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents (Pega), a expliqué que la vice-présidente du Parlement
européen, Eva Kaili, inculpée dans le cadre de cette affaire, a tenté de
freiner l'enquête sur Pegasus lors du scandale des écoutes en Grèce.
La Grecque, qui a déjà perdu son poste
de vice-présidente, reste en détention provisoire.
En effet, la Chambre du Conseil de
Bruxelles, devant laquelle l'élue socialiste a comparu onze jours après son incarcération,
a refusé jeudi la demande d'un placement sous bracelet électronique et a
"prolongé la détention préventive d'un mois", a annoncé le Parquet
fédéral dans un communiqué.
Eva Kaili fait partie
d'un quatuor de suspects incarcérés après une inculpation pour
"appartenance à une organisation criminelle", "blanchiment
d'argent" et "corruption"
La liste des eurodéputés accusés d'avoir été
corrompus par le Maroc en contrepartie de services rendus ne cesse de
s'allonger, au moment où l'enquête déclenchée par le parquet fédéral belge
concernant ce retentissant scandale de corruption au sein du Parlement européen
suit toujours son cours, ont rapporté lundi des médias.
Cité dans un premier temps par les
enquêtes menées par la chaîne d'information française BFMTV et le Journal du
Dimanche (JDD), comme étant l'un des eurodéputés ayant bénéficié de cadeaux et
voyages payés par le Maroc, l'ancien maire d'Hellemmes, en France, Gilles
Pargneaux, vient d'être enfoncé par son ex-collègue portugaise au Parlement
européen, Ana Gomes (2004-2019) qui le taxe de "lobbyiste effronté du
Maroc".
"A-t-il déjà fait l'objet d'une
enquête ? Il devrait !", a-t-elle tweeté, en
référence à Gilles Pargneaux, les deux personnes ayant siégé au sein du même
groupe à Bruxelles.
Selon les conclusions de la chaîne
BFMTV, l'ex-eurodéputé français, qui était durant ses deux mandats (2009-2019)
à la tête du groupe d'amitié UE-Maroc, une structure informelle chargée de
tisser des liens entre l'Union européenne et le royaume, recevait "durant
ses visites régulières au Maroc des cadeaux", affirmant que "des
photos des cadeaux existent sur son compte Facebook".
Rappelant, dans ce contexte, que la
réception de cadeaux est une pratique encadrée au sein du Parlement européen,
selon un "code de conduite" adopté en 2011 interdisant aux eurodéputés d'accepter de la part des lobbies des
cadeaux matériels ou immatériels d'une valeur supérieure à 150 euros, BFMTV a
affirmé que l'ex-député français s'est engagé entièrement en faveur des thèses
marocaines.
Sahara occidental, Maroc-UE, Union
africaine, droits de l'Homme, détenus sahraouis de Gdeim
Izik, entre autres, "il n'y a pas un sujet pour
lequel l'eurodéputé ne mouille la chemise pour défendre haut et fort les thèses
de Rabat", a souligné le média français, en rapportant des écrits d'un
site d'information marocain de mai 2017.
"L'engagement de l'eurodéputé a été
reconnu par les autorités marocaines qui l'ont remercié par de multiples
distinctions", a, en outre, affirmé le média français.
Allant, dans le même sens, le sénateur
socialiste français du Nord, Patrick Kanner, qui a longtemps côtoyé Pargneaux
au sein de la fédération PS, a assuré que ce dernier "a toujours montré
son affection pour le Maroc et les autorités marocaines", lui qui est marié
à une Marocaine et a adopté des enfants marocains.
Dans une interview donnée à un site
d'information marocain en 2013, Gilles Pargneaux a déclaré que le Maroc devait
avoir "une présence accrue au Parlement européen". Une phrase qui
résonne étonnamment au vu des révélations actuelles à Bruxelles.
Après avoir quitté le Parlement européen
en 2019, il a fondé une ONG qu'il préside aujourd'hui. C'est "avec un
homme qui lui avait remis une décoration dans le passé", au Maroc, qu'il a
mis sur pieds cette fondation, a précisé l'enquête du JDD.
Si cette structure dit avoir "pour
vocation de renforcer et promouvoir un espace Europe-Méditerranée-Afrique
cohérent", des accusations sont portées contre elle sur sa véritable
fonction, note le média.
Il rappelle, à ce titre, que l'ONG
Western Sahara Resource Watch (WSRW), qui active à Bruxelles, parle notamment
de "lobbying" pour qualifier les activités de l'ONG incriminée.