POPULATION- DEMOGRAPHIE- POPULATION
MONDIALE 2022
© Afp, mardi 15 novembre 2022
Douze ans après avoir franchi le seuil des 7 milliards
d'habitants, la population mondiale a dépassé ce mardi 15 novembre 2022 les 8 milliards
d'habitants, selon l'ONU. Il faudra à peine un peu plus de temps, 15 ans, pour
gagner un milliard d'habitants supplémentaires, et atteindre les 9 milliards
d'habitants en 2037. L'ONU projette un « pic » à 10,4 milliards
dans les années 2080 et une stagnation jusqu'à la fin du siècle.
Une croissance sans précédent (la population mondiale
s'élevait à 2,5 milliards d'habitants en 1950) provenant par
« l'augmentation progressive de la durée de la vie grâce aux progrès
réalisés en termes de santé publique, de nutrition, d'hygiène personnelle et de
médecine », rappelle l'ONU. Cette croissance démographique, qui
s'accompagne d'une urbanisation croissante et majoritaire à l'échelle mondiale
depuis 2010, pose aussi de redoutables défis aux pays les plus pauvres, où elle
se concentre le plus.
La barre des 8 milliards est franchie en pleine
conférence mondiale sur le climat, la COP27, à Charm
el-Cheikh, qui souligne une fois de plus la difficulté des pays riches, les
plus responsables du réchauffement de la planète, et des pays pauvres, qui
réclament de l'aide pour y faire face, à s'entendre pour faire baisser de
manière plus ambitieuse les émissions de gaz à effet de serre provenant des
activités humaines. Or, rappelle l'ONU, « si la croissance démographique
amplifie l'impact environnemental du développement économique »,
« les pays où la consommation de ressources matérielles et les émissions
de gaz à effet de serre par habitant sont les plus élevées, sont généralement
ceux où le revenu par habitant est le plus élevé et non ceux où la population
augmente rapidement ».
« Notre
impact sur la planète est déterminé bien plus par nos comportements que par
notre nombre », résume pour l'AFP Jennifer Sciubba,
chercheuse en résidence au cercle de réflexion Wilson Center.
Et c'est bien dans les pays qui concentrent déjà une
forte pauvreté que la croissance démographique pose des défis majeurs.
« La persistance de niveaux de fécondité élevés,
à l'origine d'une croissance démographique rapide, est à la fois un symptôme et
une cause de la lenteur des progrès en matière de développement » écrit
l'ONU. Ainsi, l'Inde, pays de 1,4 milliard d'habitants, qui deviendra le plus
peuplé du monde en 2023, surpassant la Chine, devrait connaître ces prochaines
décennies une explosion de sa population urbaine avec des mégapoles déjà
surpeuplées et en manque d'infrastructures essentielles. A Bombay, 40% environ
de la population vit dans des bidonvilles, des zones de misère surpeuplées,
constituées de baraquements de fortune, pour la plupart dépourvues d'eau
courante, d'électricité et de sanitaires. Les chiffres mondiaux masquent une
immense diversité démographique. Ainsi, plus de la moitié de la croissance de la
population d'ici 2050 viendra de seulement 8 pays selon l'ONU:
République démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Inde, Nigeria, Pakistan,
Philippines et Tanzanie. Et à la fin du siècle, les trois villes les plus
peuplées au monde seront africaines : Lagos au Nigeria, Kinshasa en RD Congo et
Dar Es Salaam en Tanzanie.
Faut-il
faire moins d'enfants pour sauver la planète comme le préconisent certaines
associations écologiques ? Selon une enquête publiée en 2021 par The
Lancet, menée auprès de 10.000 personnes, dans
dix pays de tous les continents, 39% des jeunes de 16 à 25 ans « hésitent
à faire des enfants » car ils sont inquiets face au changement climatique.
L'idée a été relayée au Royaume-Uni en 2018 par les tenants d'une « grève
des naissances » (« birthstrike »), et
au Canada par des étudiants qui s'engageaient à ne pas avoir d'enfants tant que
le gouvernement n'agirait pas davantage contre le changement climatique. En
Allemagne, une autrice anti-nataliste, Verena Brunschweiger, a fait polémique en décrivant la parentalité
comme une démarche « égoïste ».
« Beaucoup de gens s'interrogent » mais le
phénomène reste difficile à quantifier, nuance le consultant français Emmanuel
Pont, auteur du récent livre « Faut-il arrêter de faire des enfants pour
sauver la planète? » (éditions
Payot). D'autant que l'environnement n'est pas la seule motivation de ceux qui
refusent de devenir parent et que certains finissent par changer
d'avis. Selon une étude publiée en 2014 par deux chercheurs australiens,
« même avec des politiques de l'enfant unique imposées partout dans le
monde et des événements entraînant une mortalité catastrophique, il y aurait
toujours probablement entre 5 et 10 milliards d'êtres humains en
2100 ».
En outre, au-delà de cette question de l'« inertie démographique », le lien entre
démographie et protection du climat ne fait pas consensus. Une étude publiée en
2017 par deux spécialistes nord-américains du changement climatique avait
conclu qu'avoir « un enfant de moins » était
beaucoup plus efficace en termes de bilan carbone que de renoncer à la voiture,
aux voyages en avion ou à la consommation de viande. Mais d'autres
scientifiques ont contesté ces résultats, au motif que les auteurs avaient
considéré que les générations futures auraient forcément un niveau de
consommation aussi néfaste pour l'environnement que leurs aînés. Or « nos
enfants ne sont pas condamnés à rouler en SUV et à s'envoler tous les weekends
pour Ibiza », ironise Emmanuel Pont. Pour autant, limiter la fécondité
pour lutter contre le réchauffement n'a « rien d'absurde », selon
lui... au même titre que faire isoler son logement ou limiter ses voyages en
avion.