COMMUNICATION- RADIO-
RADIO EL BAHDJA (ALGERIE)/HISTORIQUE
© 30ème anniversaire de Radio El Bahdja/ Texte de
Omar Zelig, membre du canal historique/Repris de face book, fin octobre 2022.
A l’occasion du trentième anniversaire de radio El Bahdja,
un journaliste d’El Watan, Mohamed Benzerga, localier à Blida, m’a contacté pour me poser
quelques questions, pour la première fois en trente ans… Comme El Watan, probablement en cours d’implosion, n’en a retenu que
l’hommage nécessaire à Mustapha Allah yerahmou, je
vous livre la totale de l’entretien …
Comment est venue l'idée de créer radio El Bahdja,
une radio purement musicale à ses débuts.Est-ce
la volonté d'un groupe de la 3 ou de la DG?
En 1978, la RTA avait lancé un programme de formation avec l’institut
national de l’audiovisuel Paris dont j’ai bénéficié et depuis 1980, je
travaillais à la chaîne 3 en tant que réalisateur concepteur de radio. À ce
titre, j’ai eu la charge de nombreuses émissions, notamment « gal ou gal »
présentée par le regretté Hamid Kechad et consacrée
au genre cha3bi, et j’avais pu constater qu’il y avait un auditoire friand de
musiques populaires et de programmes spécifiquement algériens. En 1992, j’ai eu
l’idée de proposer à la direction de la radio la création d’une chaîne musicale
en stéréo grâce à un émetteur que nous possédions et qui ne servait qu’en
doublon pour retransmettre les émissions des chaînes nationales en mono. Mr Lamine
Bechichi s’est immédiatement montré enthousiaste et a
soutenu ce projet, avec la mission de commencer la diffusion le cinq juillet
1992, pour le trentième anniversaire de la révolution et la fête de la
jeunesse. Malheureusement, l’année 1992 était aussi celle des grandes
incertitudes, et l’assassinat de Mohamed Boudiaf nous a contraints à reporter
l’inauguration à octobre. Je m’étais engagé à ce que la création de cette radio
ne soit pas une source de dépenses supplémentaires pour l’entreprise, essentiellement
basée sur la récupération de moyens humains et matériels existants au sein de
l’entreprise, ce qui fut fait, et dès le mois d’octobre El Bahdja
a été lancée avec succès pour Alger et sa région, dans la zone de diffusion de
l’émetteur Fm, comme un programme musical essentiellement algérien avec une
qualité de son jamais entendue sur la radio nationale, et qui avait pour
ambition de nous permettre de nous retrouver nous-mêmes dans une période
particulièrement anxiogène.
Une radio qui a eu beaucoup de succès là où elle était captée, soit juste
l'algérois, créant même des jaloux dans l'Oranie et le constantinois ? D'où
provient ce succès selon vous?
Je pense que le succès immédiat a été essentiellement dû au son stéréo, à
la qualité des programmes et aussi au fait qu’il n’y avait pas de blablas
superflus, juste la météo présentée par cheikh Ferhat découvert pour
l’occasion, des informations pratiques, el adhan dans
le mode andalou par cheikh el Bouleidi, parce que
pour une radio locale cela s’imposait et que cela correspondait aux vrais
rythmes de la vie, rien à voir avec el adhan diffusé
depuis sur les chaînes nationales et qui ne correspond pas aux horaires de
l’auditoire habitant en dehors d'alger… au début il
n’y avait même pas de journaux d’information, ce qui choquait un peu au sein de
la radio, et nous avons fini par diffuser le matin, le midi et le soir les
journaux des chaînes nationales.
El Bahdja c'était de la bonne humeur aux studios
et sur les ondes....et les années insécurités dans nos
rues. Comment avez-vous vécu cela ?
Le succès incroyable était aussi dû au fait que nous n’hésitions pas à
profiter de la liberté qui nous était laissée pour faire un mix avec les
musiques du monde, blues, rock ou chanson arabe, méditerranéennes avec un
certain éclectisme. Dès le premier jour nous avons diffusé aussi bien Amar Ezzahi que Matoub Lounes, cheb Hasni
ou Michael Jackson, Charles Aznavour ou Fayrouz,
Fadila Dziria ou Amalia Rodrigues…Après el Maghreb,
la programmation basculait dans le registre cha3bi /andalou, avec des archives,
des enregistrements inédits réalisés par nos soins dans des 3ress ou 9a3dates,
dans les associations, avec un enregistreur stéréo professionnel. Par ailleurs,
comme une bande son de la ville, nous faisions attention à être en phase avec
l’ambiance générale et à ne pas être en décalage avec l’état d’esprit du
moment, même s’il était dramatique, et il le fut hélas aussi. Nous avions
sélectionné des jeunes programmateurs et techniciens au sein de la radio, et
ils étaient très impliqués et investis dans la réussite de l’expérience. Nous
élaborions ces programmes dans le local qui nous avait été attribué, l’ancienne
cantine de la radio au dernier étage de l’immeuble du boulevard des martyrs,
que nous avions transformé en open space avant la
lettre, dans la bonne humeur et le travail collectif. C’était aussi une équipe
unie, et j’avais réussi à convaincre des amis professionnels de nous rejoindre
pour ce projet, Mustapha Zamouchi, Farid Toualbi, Zoubir Kettani, Bahaz Barkat, Samy Slimani et
quelques autres attirés par cette expérience…
Au début, vous étiez à Zabana, puis Bd des
Martyrs puis maintenant Kouba, c'est ça?
Au début boulevard des martyrs, ensuite Zabana,
maintenant je ne sais pas je suis retraité Une radio musicale qui devient une radio
locale et d'infos, est ce une bonne chose...ce
changement de vocation ? Cette radio musicale a sans doute été victime de son
trop grand succès, elle était vraiment écoutée partout, et ce projet qui
n’avait pratiquement rien coûté a fini par attirer les rancœurs, essentiellement
de ceux qui étaient prêts à faire dépenser des fortunes pour des programmes qui
n’intéressaient personne… l’arrivée de la publicité, qui n’existait pas au
moment de sa création, a sans doute influé sur la qualité des programmes, tant
il est vrai que la créativité s’accommode mal de la proximité des annonceurs…
toujours est il qu’après deux ans de bonheur
professionnel j’ai été contraint de m’exiler pour des raisons liées à la
situation sécuritaire du pays, et qu’à mon retour quatre ans plus tard la radio
avait été normalisée et el bahdja était devenue une
radio comme les autres, avec des émissions classiques, une rédaction, de la
parole conventionnelle pour finir par être transformée en une radio locale
comme dans toutes les wilaya… j’ai bien tenté de proposer la création d’une web
radio musicale avec le service des archives, cela m’a pas intéressé les
nouveaux responsables, on n’a pas toujours eu des Lamine Bechichi,
plus soucieux du plaisir des auditeurs que de flatter l’égo des pouvoirs…
Parlons du défunt Mustapha Zamouchi, comment il a
contribué à la création de cette radio?Qui
l'a contacté lui qui s'est éclipsé du paysage radiophonique pendant plusieurs
années ? Il paraît que c'est lui qui a proposé l'adhan
d'El Boulaidi sur cette station
Merci pour cette question, Mustapha était pour moi plus qu’un ami, un
frère. Je l’ai connu lors du stage de formation à l’INA, et c’est ensemble, à
l’étranger, que nous avons rêvé ce que nous ferions de retour au pays… nous
avons été affectés tous les deux à la chaîne 3 où nous avons commencé notre vie
professionnelle en réalisant un certain nombre d’émissions avant d’être,
toujours ensemble, convoqués pour le service national à l’EFOR, Blida… après le
service, il a préféré se diriger vers d’autres activités professionnelles, mais
nous sommes restés très proches, et c’est tout naturellement que je lui ai fait
appel au moment du lancement du projet El Bahdja, et
qu’il a accepté par pure amitié de revenir pour gérer la partie cha3bi-andalous
des programmes. Ce grand mélomane était lié avec le milieu musical de Blida,
très proche du regretté Rachid Nouni, il a fait avec
lui des enregistrements qui ont permis à la radio d’acquérir une certaine
crédibilité dans le milieu, Rachid Nouni, à l’instar
de Amar Ezzahi, n’étant pas un commerçant mais un
artiste désintéressé, donc estimé. C’est aussi lui qui avait fait
l’enregistrement du cheikh El Bouleidi dans le mode
andalou qui a donné à l’antenne un cachet particulier aux horaire d’El Adhan, lui aussi qui veillait à ce que les 9çaïd soient
respectés dans leur intégralité et ne soient jamais coupés avant la fin comme
cela se faisait sur les autres radios considérant le cha3bi comme “bouche
trou”, c’est avec lui que nous avons enregistré dans les associations, à Blida
avec Nedjma du regretté Mohamed Tobal,
à Alger, à Kolea, etc… ce sont grâce à ces
considérations éthiques autant que professionnelles que le milieu de la musique
nous a fait confiance, n’hésitant pas à nous confier des enregistrements rares,
ou à nous convier à des rencontres privées dans lesquelles nous étions
bienvenus pour enregistrer. Je reste inconsolable de la disparition brutale de
Mustapha et pense avec nostalgie à ces moments bénis passés ensemble.
Bref, un mot sur la célébration du trentenaire …
Trente ans plus tard, je ne peux que constater combien la petite radio de
service public née dans une période troublée pour essayer d’apporter un peu de
baume au cœur et aux oreilles des citoyens meurtris, qui fonctionnait avec une
quinzaine de personnes dévouées et fières de leur mission est devenue une
chaîne de radio comme les autres, pour le meilleur et pour le pire.