CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SALAH GUEMRICHE- « MOLIÈRE M’A TUER »
Molière
m’a tuer.L’Homme des
Accords déviants. Roman de Salah Guemriche.Editions Frantz Fanon, Alger 2022, 256 pages, 1000 dinars
Homme de
théâtre, Larbi est un Algérien réfugié en France. Il avait fui le pays suite à
une fetwa lancée contre ses adaptations en arabe de Tartuffe
et des Femmes savantes.
Le récit nous oprésente un personnage
intermittent courant d’emploi en contre-emploi, au gré des offres de l’Agence
Rôle-Emploi chargée des Intermittents de la Fiction. , il se retrouve enfermé
dans la peau d’un personnage obnubilé par la défense de la langue
française qui l’engage dans une croisade surréaliste contre ce qu’il appelle
les Accords déviants. Dans une défense éperdu (il s’y perdra en fin de parcours ) dans les usages de la langue française. Une
langue dont il domine tous les aspects , aussi bien
grammaticaux qu’historiques, ce qui ne
plaît guère aux intellectuels et éditeurs français de « souche » qui
chercheront à l’écarter de toutes les scènes et toutes les applications. La
presse le surnommera « Le Fou de Molière » , « Mejnoun Molière »,
devenu chasseur -vengeur , en solitaire masqué, armé d’un révolver
tirant des cartouches à blanc....mortelles lorsqu’elles sont proches de la
cible, de toutes les erreurs écrites ou
dites en français et de leurs auteurs . Il ne supportait plus que sa lecture
des pages des journaux et magazines fût altérée par des coquilles à la
pelle.... cause , estime-t-il, d’une culture
rétrograde. Il se suicidera.
Dans un improbable jeu de rôles, Larbi – devenu François – va traverser ce
« roman qui ne veut pas en être un » (sorte de « nouvelles emboîtées »...une « autre façon de dépasser la
linéarité ») , et s’incarner là où le lecteur ne l’attend pas, avant de se
désincarner littéralement.
L’Auteur : Né en mai 1946 à
Guelma. Etudes secondaires à Annaba. Université de Constantine. Diplômé en ethnologie et en Sciences de la communication et
de l’information de l’université Jussieu Paris 7. Ancien
journaliste, essayiste, romancier, vit en France depuis 1976, auteur de
plusieurs ouvrages (essais et romans) dont « L’homme de la première
phrase » (2000), le « Dictionnaire des mots français d’origine
arabe » (2007), « Abd er-Rahman
contre Charles Martel » (2011) ,
« Alger-le –Blanche, biographies d’une ville » (2012),),
« L’amour en bataille » (2013. Deux prix : Une
belle et tragique histoire d’amour entre un chef berbère, Munuz, gouverneur de Narbonne et
une princese chrétienne , Numérance-Ménine dite Lampégie, la fille d’Eudes , duc
d’Aquitaine , maître de Toulouse.),
« Aujourd’hui, Meurseault est
mort... » (2016), « Un été sans juillet... » (2017)....
Table
des matières : Note/
Prologue/Parties (4)/ Coda
Extraits : « Pour la littérature, comme pour notre présence au monde, les
temps changent :la linéarité romanesque a trouvé ses limites, et ne répond
plus à la complexité du monde, ni à celle de la pensée contemporaine,
non-linéaire, qui ne se contente plus d’être postmoderne mais se réclame, osons
la référence , de la déconstruction chère à Jacques
Dérida » (p 37), « Mine de rien, les youyous sont en voie de détrôner
l’applaudimètre.Les youyous comme facteurs
d’intégration, pourquoi pas ?.... Pour mesurer l’adhésion d’un public
à son artiste, je propose donc que l’on parle désormais ,
dans les dictionnaires , de youyoumètre » (p
116), « Kateb Yacine qualifia la langue française de « butin de
guerre ». Eh bien, pour d’autres écrivains francophones, ce serait plutôt
une conquête, la langue française : leur colonie, avec droit d’usufruit
(...) avec cet avantage inestimable : c’est qu’il n’y a pas d’Accords
d’Evian possible ! » (p 228)
Avis : Une histoire
déroutante où sont mêlés histoire, littérature, médias, politique, folie... et
une extraordinaire envie de réinventer l'art littéraire et la liberté de créer......Aussi,
la dénonciation du monde actuel de l’édition française .
Lecture un peu difficile car écriture originale , mais ne pas se décourager et aller jusqu’au bout !
Citations : « Dans le processus purement romanesque, il arrive un moment où
l’auteur devient lui-même l’otage de ses propres créatures » (p 49), »Qui , de l’auteur et du personnage, serait l’ombre
portée et qui serait l’ombre propre ? Oui, pour tout romancier, et je
pense encore à Albert Camus et forcément à Meurseault :
qui de l’auteur et du personnage est l’ombre portée et qui est l’ombre
propre ? » (pp 50-51), « La maison , ce
n’est pas seulement un endroit.C’est un sentiment.
Celui de se trouver à l’endroit le plus confortable de l’univers » (p
135), « Si pour le poète Lamartine, les « objest
inanimés » ont une âme, les mots, en plus d’une âme, ont une
mémoire » (p 182), « Il y a trois catérgories
d’auteurs : ceux qui font d’un personnage un larbin, ceux qui l’emploient comme
faire -valoir ; et ceux qui en font une incarnation .L’incarnation
d’une volonté ou d’un destin, qu’importe, car ceux-là seuls aiment leurs
personnages » (p 190)