AGRICULTURE- ETUDES ET ANALYSES - RAPPORT USDA,
PRODUCTION CEREALIERE ALGERIE 2022/2023
Dans un récent rapport consacré
aux céréales en
Algérie, le département américain de l’Agriculture (USDA)
prévoit une amélioration de la production durant la campagne 2022/2023. Ces
prévisions se basent sur l’analyse des dernières pluies et de données
satellites sur l’état de la végétation. Ce type de rapport est coutumier et
permet aux exportateurs américains d’appréhender les tendances futures du
marché algérien des céréales, d’autant que l’Algérie est l’un des plus gros
importateurs au monde. Pour la prochaine campagne, l’USDA « maintient
ses prévisions des superficies ensemencées de blé et d’orge, tout en augmentant
les prévisions de rendement » et note les bonnes conditions dans
lesquelles se sont déroulées les opérations de récolte et de stockage.Il est estimé une future
récolte de 3,3 millions de tonnes de blé et de 1,2 million de tonnes d’orge. Le
rapport note que malgré « une bonne récolte, l’Office algérien des
céréales (OAIC) continue d’acheter du blé sur le marché international ».
En 2023, l’USDA table sur des importations de l’ordre de 8,3 millions de tonnes
pour le blé et de 770 000 tonnes d’orge. Décryptage.
Des satellites pour observer l’état des cultures : Pour
prévoir cette fourchette de rendement, l’USDA utilise des images satellites qui
permettent de déterminer un indice de végétation. Par
comparaison à la moyenne des années précédentes, c’est la bonne tenue actuelle
de cet indice qui permet de pronostiquer le niveau des récoltes à venir, même
s’il convient que ce sont les pluies du printemps 2023 qui seront déterminantes.
Des techniques de semis permettraient une meilleure valorisation de cette
humidité du sol, mais leur emploi reste balbutiant en Algérie. Cet
indice permet au département américain de l’Agriculture de prévoir une
augmentation de 38 % de la production céréalière en Algérie avec des rendements
qui devraient progresser de 15 quintaux par hectare contre 12 quintaux durant
la campagne écoulée.
Stagnation des surfaces en blé : Concernant
les deux précédentes campagnes, le rapport remarque une stagnation des surfaces
céréalières malgré l’objectif affiché du précédent ministre de l’Agriculture,
Abdelhamid Hemdani, de les porter à 3,5 millions
d’hectares. L’explication avancée porte sur les
effets liés à la pandémie du Covid-19. Mais c’est oublier que l’annonce du
relèvement des prix à la production est intervenue à la mi-janvier 2022 après
la période des semis. Un relèvement des prix dont le dernier
remontait à 2008. Aussi, cette année, avec l’arrivée précoce des pluies, le
bénéfice des nouveaux prix ainsi que le soutien au prix des semences et des
engrais, une augmentation des surfaces semées est probable. Concernant
les surfaces irriguées, l’USDA émet des doutes quant à l’objectif de l’Algérie
« d’augmenter les terres irriguées à 2 millions d’hectares d’ici 2020 »
ajoutant qu’« il n’y a eu aucune confirmation quant à
savoir si le gouvernement a atteint ce but ».
Délaisser la charrue pour semer plus d’hectares : La
stagnation des surfaces céréalières s’explique également par la persistance de
la pratique de la jachère en Algérie. Sa persistance est liée au manque de
fourrages et de matériel. Les services agricoles et les agriculteurs en sont
encore aux vieilles techniques du dry-farming avec labour alors que dans les
plaines céréalières canadiennes et australiennes le non-labour est la norme. Le labour
y est remplacé par l’utilisation d’outils à dents moins gourmands en puissance
de traction et permettant de réduire de 75 % les besoins en carburant. Des
techniques qui permettent également de multiplier par 6 la vitesse des
chantiers de semis.
Un hectare sur trois consacré au mouton : Avec un
million d’hectares, le récapitulatif des chiffres relevés par l’USDA montre la
place importante consacrée à la culture de l’orge en Algérie. Le
rapport prévoit « une superficie récoltée en blé pour la campagne de
commercialisation 2022/23 d’un peu plus de 2 millions d’hectares et une récolte
d’orge sur une superficie d’un peu plus d’un million d’hectares ». L’orge
est indispensable à l’élevage du mouton, elle représente cependant autant
d’hectares retirés à la production de blé. Aux surfaces cultivées viennent
s’ajouter les importations d’orge opérées par l’Algérie pour subvenir à ses
besoins en ce produit. Nombreux sont les éleveurs de moutons
qui, en absence de fourrages verts, tentent de compenser le manque d’azote des
rations en gavant d’orge les animaux à l’engraissement. Des
alternatives pourraient permettre de réduire les quantités utilisées :
généralisation de l’aplatissement des grains pour leur meilleure assimilation par
les animaux, traitement à l’urée pour une meilleure complémentation en azote,
utilisation de grains germés. Comme l’écrit l’agro-économiste
Omar Bessaoud, « la recherche agronomique a
été peu sollicitée dans la politique agricole« .
Les prévisions de l’USDA concernant les importations de
l’Algérie :En se
basant sur les prévisions de récolte future et la poursuite des pratiques
actuelles, l’USDA prévoit donc que l’Algérie importe 8,3 millions de tonnes de
blé et 770 000 tonnes d’orge. C’est sans compter la volonté des
pouvoirs publics d’aller vers une augmentation de la production locale encore
récemment réaffirmée avec le soutien de 20 % des prix des semences et de 50 %
du prix des engrais. L’USDA note également que l’Algérie
s’est engagée dans une diversification de ses sources d’apport. Aux
traditionnels partenaires, sont venus s’ajouter les blés d’Ukraine et de Russie
qui ont fait une percée de 4 % des importations du pays. La même
source prévoit une consommation de 11,5 millions de tonnes de blé pour 2022-2023
ce qui fait de l’Algérie un des plus gros consommateurs après l’Égypte, au
monde. Pourtant, des alternatives existent pour
réduire le poids des importations de blé tendre : incorporation à la farine
blanche de semoule de blé dur ou de son de blé riche en fibres, soutien du prix
du pain aux seuls ménages à faible revenu.
Céréales, pour la « modernisation des esprits« : Bien que
détaillé, le rapport de l’USDA ne prend pas assez en compte la récente volonté
des pouvoirs publics algériens de soutenir la production des céréales. Celle-ci
s’est encore illustrée par l’autorisation récente faite aux agriculteurs de
pouvoir importer du
matériel agricole. Mais à quelques exceptions près, force
est de constater que jusqu’à présent, les services agricoles ont largement
privilégié une politique de subventions aux dépens de l’amélioration des
techniques. L’occasion de mettre en application le principe de « modernisation
des esprits » récemment prônée par le président Abdelmadjid Tebboune.