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Roman Kaouther Adimi- "Au vent mauvais"

Date de création: 17-09-2022 19:35
Dernière mise à jour: 17-09-2022 19:35
Lu: 514 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN KAOUTHER ADIMI- « AU VENT MAUVAIS »

Au vent mauvais. Roman de Kaouther Adimi, Editions Barzakh, Alger 2022, 280 pages, 1 000 dinars

Il y a un village perdu quelque part en Algérie, El Zahra .

Nous sommes en 1922 et il  y a trois gamins : Tarek, Said et Leïla qui s’amusent et grandissent ensemble...les deux premiers frères de lait (tous deux nourris au sein de Safia, une nourrice).....mais les deux déjà secrètement amoureux de Leïla

Un peu plus tard , Tarek , orphelin très tôt, après avoir été  berger, un berger timide et discret ,  s’en ira participer (contre son gré comme beaucoup de jeunes Algériens mobilisés de force) à la 2ème guerre mondiale, Said  après des études universitaires ...à l’étranger (fils d’imam quelque peu nanti ) sera , lui aussi , mobilisé et Leïla sera mariée , contre son gré, à un   homme bien plus âgé qu’elle.

Démobilisé , Tarek va connaître la solitude et les difficultés de l’exil (dont le racisme) .De  retour au pays, il épousera (enfin !) Leila depuis un certain temps divorcée. Il rejoint, par la suite,  la lutte pour l’indépendance, puis participe , comme chauffeur, décorateur, acteur, etc ....., au  tournage de « La Bataille d’Alger »,sous la direction de G. Pontecorvo,  avant de re-partir travailler dans une usine, en région parisienne. Grâce à l’aide « téléphonique » de Pontecorvo,   il se retrouve gardien d’une magnifique villa à Rome, parsemée d’œuvres d’art incroyables.  Leïla, elle, connaît la vie des femmes rurales de cette époque. Cantonnée dans l’éducation des enfants et les tâches ménagères, elle décide d’apprendre à lire et à écrire. Mais la publication du premier roman de Saïd, devenu écrivain,  vient bouleverser la vie du couple. Son livre à succès décrit le village et ses habitants, dont Leila, sans changer les prénoms et les situations (« C’est un roman sur l’Algérie d’aujourd’hui.On y croise des personnages tous liés les uns aux autres. Ils sont nés dans le village d’El Zahar.....Leila, une jeune fille des plus ordinaires, Tarek, un berger rustre mais attachant et Safia qui fabrique des poteries.... ») .Tout est étalé dans la presse .Une sorte de « vol » littéraire  qui n’est apprécié par personne, les villageois et encore plus Leila (déjà ostracisée par ses voisins)  ,  s’estimant violés dans leur intimité. Tarek doit rentrer au plus vite, abandonnant son paradis artistique romain.  La famille quitte le village pour s’installer à Alger . Elle n’y reviendra  que plusieurs années après , ne se sentant plus en sécurité à la Casbah/ Alger, avec la montée du terrorisme islamiste et  une  guerre civile ne disant pas son nom.

En définitive, à travers les destins croisés de trois personnages, Kaouther Adimi dresse une grande fresque de l’Algérie, sur  plus  de sept décennies : l’occupation coloniale, mai 45, la guerre de libération nationale, le tournage de La Bataille d’Alger et le coup d’Etat du 19 juin 1965, le (Festival) Panaf 1969, les débuts de la décennie rouge, l’assassinat de Mohamed Boudiaf...Une belle histoire d’amour du fond d’Histoire !

L’Auteure : Née en 1986 à Alger. Etudes de littérature .Vit et travaille à Paris. Déjà auteur de quatre romans dont le remarquable « Nos richesses » (Prix Renaudot des Lycéens, Prix du Style  et Prix Beur Fm,  en 2017) et « Les Petits de Décembre (2019).

Table : L’écrivain/ 1.Tarek/ 2. Leïla/ Remerciements/ Sources

Extraits « Ce n’est pas parce qu’on a combattu pour la France et qu’on porte un uniforme français qu’on n’est pas des étrangers, hein ? Ah, les gens sont mauvais partout » (Un soldat arabe à la fin de  la 2ème guerre mondiale, p 51), « Rome est une ville bruyante qui grouille de monde, encore pire que Paris.Et lorsque la pluie s’abat sur la ville, elle me donne le sentiment qu’elle cherche à nous fracasser » (p 167), « A chaque fois qu’un événement grave se produit, la télévision algérienne suspend tous ses programmes pour diffuser pendant des heures des documentaires animaliers.C’est leur façon à eux, aux gens du gouvernement je veux dire, de gérer la crise »  (p 246)

Avis :Un rythme d’écriture très rapide. Affolant même . Certainement pour éviter tout « remplisssage » pratiqué par bien de nos romanciers. C’est ce qui donne à son « Histoire » de l’Algérie , à partir des années 20 et jusqu’au début des  années 90,  une grande épaisseur.

Citations « Ce n’est pas une mauvaise chose de mourir pour son pays » (Frantz Fanon cité, p 78), « Une minute suffit à faire basculer une vie. Une minute et tout ce qu’on a construit patiemment peut être détruit » (p 132), « Comme souvent lorsqu’on claque la porte le premier sentiment qui suit le bruit est le regret »  (p147), « Ce que vous  permet l’art, c’est d’avoir le sentiment d’être à la fois éternel et mortel, c’est quelque chose d’effrayant et de douloureux mais aussi un sentiment extraordinaire. Admirer une œuvre, c’est repouser la mort, c’est permettre à la vie de gagner. Posséder ce genre d’œuvres d’art,  c’est être béni des dieux » (p 161), « C’est donc ça être écrivain ? Couper, monter, imaginer des souvenirs et fouiller dedans ? Créer une histoire à partir de petits bouts ? Changer les dates, mélanger les événements ? Créer à partir de rien ? (p 201), « Une fille vous met face à vos contradictions, contrairement à une épouse qui veut bien feindre de ne pas les voir. Une fille ne vous pardonnera rien, n’accepte aucune faiblesse de la part d’un père, n’est jamais compréhensive » (p 270)