COMMUNICATION- ETUDES ET ANALYSES- ECOLE DE
JOURNALISME D’ALGER (1964-1990)/ETUDE CHLOÉ NEJMA RONDELEUX (II /II)
Source: Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/anneemaghreb/10765
ISSN : 2109-9405
Éditeur
CNRS Éditions
Chloé Nejma Rondeleux, « L’École de journalisme d’Alger (1964-1990) : les défis d’une
formation
professionnelle », L’Année du Maghreb [En
ligne], 27 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/10765
Compte tenu du lien étroit des médias avec le pouvoir, le journaliste algérien évolue donc dans un environnement de travail contraignant,
qu’il dépende du ministère de l’Information au
sein des médias gouvernementaux
– l’agence de presse Algérie Presse Service (APS), la Radiodiffusion
télévision algérienne (RTA)
et les principaux quotidiens
du pays dont El Moudjahid –
ou du FLN au sein des médias
du parti, composés de deux hebdomadaires
dont Révolution
Africaine et de quelques publications d’organisations
des masses de faible diffusion. Le coup
d’État du 19 juin 1965 du
colonel Houari Boumediène
renforce encore davantage ce système de monopole étatique sur les médias qui se poursuit sous la présidence
de Chadli Bendjedid
(1979-1992).
Le soulèvement d’Octobre 1988 ouvre la brèche menant à la fin du monopole
du secteur public sur la presse
écrite, grâce à l’autorisation de création de journaux privés à partir de 1991 . Débute alors une
nouvelle période, caractérisée
par une augmentation significative du nombre de journaux et donc de journalistes (Ancer, 2001,
p. 79). Depuis l’indépendance, ce nombre était
resté relativement faible avec un effectif estimé à 1 500 journalistes
en 19887 , pour une
population d’environ 24 millions
d’habitants (ONS, 2011). À cette date, l’accès aux médias parmi la population algérienne est plus étendu que
vingt ans auparavant, grâce à la baisse du taux d’analphabétisme passé de 85 % en 1962
à moins de 50 % (chez les plus de 10 ans) et à l’augmentation des
infrastructures audiovisuelles assurant désormais une couverture nationale de la télévision et de la radio (Brahimi, 1989, p.
222). La pénétration des médias
dans la société algérienne se heurte néanmoins à deux obstacles : pour la presse
écrite, une offre relativement pauvre avec 30 exemplaires pour 1
000 habitants (quand la norme
de l’Unesco s’établit à
100 exemplaires pour 1 000 habitants), cumulée à des difficultés de
distribution sur
l’ensemble du territoire national (RSF, 1989, p. 30) ; pour les médias audiovisuels,
l’utilisation de l’arabe classique
et du français qui exclut une grande partie
de la
population maîtrisant uniquement l’arabe dialectal et
le tamazight (Mostefaoui, 1988, p. 60).
La tension manifeste au sein
des médias, entre souci de professionnalisation
et volonté de
contrôle politique, se retrouve
à l’échelle de l’École de journalisme d’Alger, seul établissement universitaire en Algérie à enseigner le journalisme et plus largement
les sciences de l’information et de la
communication. Les changements d’identité successifs de l’institution
représentent certainement une des manifestations les plus visibles de cette dualité. En 1975, l’ENSJ devient l’Institut des sciences politiques et de l’information (ISPI), suite à sa
fusion avec l’Institut des sciences politiques, avant de retrouver son
autonomie en 1983 et d’être
renommé l’Institut des sciences
de l’information et de la communication
(ISIC) . Ces modifications et leurs
conséquences témoignent des
multiples visages de l’Institut , soumis à la tutelle de l’Université
d’Alger et donc de son recteur , dirigé par
des directeurs aux parcours
variés et composé d’une équipe enseignante
ainsi que d’étudiants
aux profils divers. Tous ces acteurs possèdent
des visions différentes, parfois antagoniques, de la finalité de
la formation dispensée. En s’appuyant principalement sur des sources internes à l’institution, cet article privilégie les points de vue
des protagonistes de l’École
de journalisme. Ce choix
repose, d’une part, sur la volonté de proposer une histoire plus sociale qu’institutionnelle, laquelle est déjà présente dans
l’historiographie (Brahimi, 1980 ; Kirat, 1987 ; Chaouche-Ramdane,
1989 ; ʻAzzi, 1990) et, d’autre part, sur celle de dépasser l’indisponibilité des
archives officielles de l’Institut et plus largement de l’État, en valorisant
à la fois des sources accessibles
(thèses d’anciens élèves, revues académiques, autobiographies)
et de nouveaux corpus (entretiens et
documents personnels). Les archives du professeur Brahim Brahimi, qui
fit toute sa carrière à l’École de journalisme, sont composées
principalement de documents administratifs. Ils
constituent des sources inédites
précieuses par l’éclairage qu’ils
apportent sur la vie interne de l’École.
À travers l’analyse du projet initial, il s’agira de montrer comment cet Institut de
journalisme témoigne à la fois des
transformations de l’enseignement supérieur