HABITAT- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN KELTOUM STAALI- « LA VILLE AUX YEUX D’OR »
La ville
aux yeux d’or. Roman de Keltoum Staali.
Casbah Editions, Alger 2022 , 175 pages, 700
dinars
Elle
(Meryem) revient -après de longues années d’éloignement- à Alger, une ville où
elle y a vécu si peu mais une ville qui la possède .
Une ville
« bavarde mais secrète ».
Une ville
magique pleine d’envoûtements.
Une ville
embouteillée, envahie par la poussière chaude et les klaxons assourdissants et
furieux.
Alger, ville
blanche ? Plutôt ville grise.
« Quand
je suis à Alger », dit-elle, « je m’amuse à évoquer la France, en
cherchant bien au fond de mon cœur, un petit filet de nostalgie.En France, je fais l’inverse.J’aime
être ici et là-bas, là-bas et ici.Je voudrais être un
bateau pour aller sans cesse d’une rive à l’autre » . Partagée ?
Déchirée ?
Elle est
certes née en France ,mais Alger est la ville de sa
« renaissance ».
Cela va lui
permettre de renouer avec le passé, allant même jusqu‘à (se) fabriquer de
toutes pièces des personnages.
Ceci dit
avec un style qui, lui-même, déroute, en raison du mélange -maîtrisé sans être
recherché- littérature classique (n’est -elle pas prof’ de lettres ?)-écriture journalistique
L’Auteure : Née et grandi en France dans les années 60.
Etudes de lettres modernes. Journaliste en Algérie à la fin des années 80 (Révolution africaine,
Alger Réublicain) .Retour en France au début des
années 90. Plusieurs ouvrages : poésie, autobiographie, roman....Actuellement
professeure de lettres (en France)
Extraits : « Ville bavarde et pourtant
secrète, où chaque rue est un hommage discret à un sacrifié au nom vaguement familier.Dans chaque maison, une
blessure qui ne se ferme pas » (p13), « Le silence est notre maître souverain.Il nous enferme , nous emprisonne, nous donne
l’illusion de commander nos vies, mais il nous met à genoux et martyrise nos
cœurs » (p 65)
Avis :Un roman ?
Peut-être. Car, aucune histoire particulière, mais plutôt une réflexion sur la
vie, sur la mort, sur le pays , sur Alger, sur l’exil, sur la guerre, sur le
terrorisme, sur l’amour , sur la vie, sur la mort du petit frère, sur Darwich, sur le mimosa, sur Mazouna,
sur Nabile Farès (le seul personnage clairement
identifié), sur les langues .....Un peu de tout, de tout un peu .Un chassé-croisé de personnages et
d’événements, réels ou inventés.Une lecture un peu déprimante.Heureusement,
de la belle écriture en prose, presque poétique, chargée de nostalgie et
souvent de tristesse.
L ’avis de Nadjib
Stambouli (in Le Jour d’Algérie, avril 2021) : « L’auteur construit (et
souvent déconstruit en livrant les ficelles de la construction) son œuvre sur
un chassé-croisé entre fiction et réalité, entre inventions et vécu où le mot
et le verbe font office non pas de décor, mais de personnages principaux. Keltoum Staali trace le chemin,
étale des panneaux indicateurs, indique le trajet mais bifurque aussitôt,
laissant le lecteur non pas égaré, encore moins désemparé, mais curieux de ce
qui l’attend au prochain tournant, c’est-à-dire au prochain
paragraphe... »
Citations : « Chez nous, les Arabes, il
paraît que l’âge est un privilège, une chance pour les femmes.Délivrées de leurs attraits diaboliques, elles
peuvent partager l’espace de la rue en toute quiétude avec les hommes »
(p27), « J’ai quitté Alger parce que je n’en pouvais plus d’être une
femme » (p72), « Mon premier contact avec la langue française, à
trois ans, se résume à une gifle coloniale qui ne me fait pas pleurer (....).
La gifle ne détruit pas ma curiosité pour cette langue nouvelle et prometteuse.Au contraire, je me saisis de cette langue qui
remettra mon cœur à l’endroit »( p 85), « Il y a un dedans et un
dehors de la langue qui sont accessibles quand on est bilingue, même
imparfaitement »( p95), « Parler en arabe me renvoie à la fois à
ma condition de fille de mon père et en même temps, de manière paradoxale, me
met à égalité avec lui, car notre langue est aussi une langue d’adulte pour
parler de choses sérieuses et graves » (p101) , « Le thé à la
menthe se boit toujours brûlant.Il réveille la fête,
appelle la convivialité et pique l’esprit par sa petite pointe
d’exotisme » (p128)