HABITAT- VILLE- EL OUED (SOUF)
© R. Hammoudi, Horizons, lundi
29/8/2022
L e Souf est une région où s’établirent les tribus
Adouane et les Trods
qui ont joué un rôle dans la sédentarisation et l’arabisation progressive
des autochtones. Le meilleur endroit pour découvrir cette mémoire est le musée
inauguré le 17 janvier 1954. On trouve un autre, tout aussi modeste, à Djamaa.
Au centre-ville, on peut aussi visiter celui du Moudjahid. La région a été, peu
avant la guerre, un centre actif d’acheminement des armes de la Libye voisine. Beaucoup de celles qui ont servi dans l’Aurès le 1er
novembre 54 proviennent des réseaux se trouvant à El Oued qui fut une
zone d’implantation pour le PPA et les ouléma. La maison de la culture locale
porte d’ailleurs le nom de Lamine Lamoudi, un journaliste
bilingue qui sera assassiné à Alger en 1957. Né à El Oued en 1890, il
fut un des fondateurs de l’association des ouléma et
devint son secrétaire général. Sur des registres quelque peu jaunis, on
peut lire des dizaines d’impressions de Français, d’Allemands, de Danois
et de nationaux relevant la richesse mais surtout la modestie des lieux. Le
musée compte une salle où l’on peut
découvrir des facettes de la culture locale à travers les costumes, des
spécimens de la faune et de la flore, des pièces d’artisanat. Beaucoup de
coutumes ont disparu sous les coups de boutoir de la modernisation ou
subsistent chez de rares Bédouins. C’est le cas d’une danse propre à la
région. Le Nakh combinait des mouvements
chorégraphiques avec la tête qui penche frénétiquement à gauche et à droite,
les cheveux qui retombent sur le visage et la cérémonie du choix d’une fiancée.
A l’ère de la pizza et de la parabole, les modalités de rencontres,
d’organisation de mariages ont totalement changé. La datte, qui occupe une place
centrale, est à la base de plusieurs recettes et d’un jus fermenté connu sous
le nom de «Legmi» très
apprécié. La datte existe sous une cinquantaine de variétés. Blanche, elle est
appréciée au Sahel pour des mixtures avec le mil ou sous forme de pâtes. La
datte est aussi «baydh
hammam», œuf de pigeon, sich (sans noyau). DU TOUB AU
CIMENT L’artisanat soufi utilise les nervures de palmier pour fabriquer
chapeaux et plats. Tout une panoplie d’articles naguère d’usage quotidien est
menacée par l’agonie du tourisme et le made in China. C’est le cas des maisons
de toub qu’on quitte pour des bâtisses en ciment car
les gens peuvent se permettre des ventilateurs. Le mode de vie
traditionnel est englouti ou se réfugie dans des espaces plus restreints comme
chez ces vieux qui, le soir venu, s’étirent sur les places sablonneuses pour
jouer «La Kharbga», variété
de dominos avec de minuscules pierres. Les animaux disparaissent. La dernière
autruche, dont on peut voir trois gros œufs sous vitrine, a été tuée par Kaddour Ammar El Guennaoui en
1890. L’outarde, le fennec et la gazelle s’enfoncent dans le Sud profond. El
Oued séduit. On prête à Isabelle Eberhardt cet aveu :
«J’ai voulu conquérir ce pays et c’est lui qui m’a conquise». Il y a
d’abord cette architecture originale devenue signe distinctif de la région.
Dans les méandres d’El Achache, la Casbah locale, les
bâtisses en ciment avec étages ont fini par défigurer les lieux. Ce sont les
constructions relevant de l’Etat qui accorde de l’intérêt à une architecture
typique qui ont valu sa renommée à la ville des 1.000 coupoles. Les gens ont,
comme partout, besoin de davantage d’espaces, de garages pour leur commerces. Le ciment est aussi économique et
demande moins d’efforts que la terre.