RELATIONS INTERNATIONALES-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI XAVIER DRIANCOURT- « L’ENIGME ALGERIENNE.
CHRONIQUES D’UNE AMBASSADE A ALGER. »
L’énigme
algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger. Essai de Xavier Driencourt, Editions
Frantz Fanon, Alger2022 , 251 pages, 1000 dinars
A deux
reprises, il a donc été
un témoin et un acteur de la relation, « compliquée »
dit-il , franco-algérienne . Cette relation, s’interroge-t-il , « serait-telle une « histoire sans fin ,
en ce sens que les mêmes problèmes, les mêmes questions sans réponses, les
mêmes demandes sont toujours et encore
l’agenda diplomatique franco-algérien ».
L’auteur,
cette fois-ci , peu diplomate, certainement délivré
de son obligation de réserve ou lesté d’un « bon à dire », n’y est
pas allé de main morte, abordant beaucoup d’aspects, et vidant tout son sac.
Tout y passe : Comment l’Algérie (« qui prend plaisir à jouer de la
stratégie de la tension alors que le président Macron affiche sa bonne volonté
» ) voit la France, le « système » , les décideurs, la mémoire et l’histoire (l’insistance venant, bien sûr des
Algériens) , la presse et les journalistes, l’Eglise d’Algérie, une
« Eglise algérienne », l’Islam et les islamistes, l’anniversaire de
l’indépendance, l’influence française, la langue et la culture française ,
les relations économiques, le problème du visa pour la France ( « La
seule chose qui intéressera les Algériens, ce seront toujours et uniquement les
visas »....le « coeur du réacteur de
la relation bilatérale »)....et , bien sûr, l’incontournable Hirak.
On ne peut
pas dire qu’il a tout fait (et dit) , à travers son
recueil de souvenirs de ses deux passages à Alger pour qu’il y ait, soixante
ans après l’indépendance , la
construction d’une « relation normale » et un « partenariat d’exception ».....
comme si ceux-ci pouvait, en ce nouveau Monde, exister.Pour lui,
en effet, désormais, c’est à l’Algérie (qui « manie de manière très
politique la « question française » ) et « pas seulement à la
France » à « (leur) donner de la substance et de la chair ».
Raison invoquée ! Des « intérêts à défendre....et
une opinion publique ». Oubliant que l’Algérie les a ...aussi....en
plus d’une douloureuse histoire de cent trente deux
années d’occupation coloniale française ...une occupation impossible à oublier
.
Une
révélation : En
2001, l’Elysée avait travaillé sur un projet de lettre du président Sarkozy
évoquant les « regrets » de la France (p144)
Une affirmation récoltée dans on ne sait quel réseau
social ou rencontre : « Ajourd’hui, paradoxe suprême,
nombreux sont ceux qui regrettent le régime de Bouteflika malgré la corruption
et ses défauts » (p121)
Des
erreurs concernant
la presse étrangère....qui obligatoirement ,et cela se
pratique dans tous les pays du monde, dits démocratiques ou non, doit être
« accréditée » , la carte professionnelle de leur pays suffisant. Ce
qui n‘est pas le cas pour les journalistes algériens. Quant au quotidien public
« El Moudjahid » (créé en juin1965), traité de « Pravda »
de l’ex-Urss, il
n’a rien à voir avec El Moudjahid, l’hebdo historique du Fln/Aln alors géré par le Gpra.
L’Auteur :. .Sciences Po’ et Ena
(Paris). Diplomate et haut fonctionnaire
français (Ancien collaborateur
d’Alain Juppé, Consul général à Sydney,ambassadeur
en Malaisie , directeur général de l’administration, chef de l’inspection
générale des Affaires étrangères). Ambassadeur de France à Alger de 2008
à 2012 (Sous Sarkozy)
et de 2017 à 2020 (sous Macron).
Extraits : « Il faut , dans ce pays
(l’Algérie) un ou deux ans pour comprendre le mode de fonctionnement du
« système ».Il arrive que certains, parmi mes collègues, quittent
même Alger sans avoir très bien compris ce pays, ni les ressorts de la politique
intérieure, ni la complexité de la relation avec la France » (p13),
« Au Maghreb, seul l’ambassadeur à Alger est « haut
représentant » (p19), « Les autorités algériennes savent aussi
comment parler à nos politiques, dérouler le tapis rouge quand il le faut ,
les froisser ou les humilier lorsque cela est nécessaire » (p73),
« Du côté français, nous sommes toujours sur cette ligne de crête, entre
la reconnaissance et la repentance.Reconnaître
l’histoire n’est pas se repentir ou présenter des excuses (....). La piège est bien là, aller au-delà de la reconnaissance,
c’est inévitablement frôler la repentance » (pp 140-141),
Avis :Un livre « fourre-tout » (le
propre d’un recueil de « chroniques ») écrit par un diplomate qui
semble en vouloir aussi bien à sa hiérarchie « métropolitaine », qui
ne l’a pas assez écouté et suivi, qu’aux Algériens qui ont « raté »
leur Hirak
Citations : « L’Algérie, pour la France,
mais aussi pour un diplomate, c’est autant de la diplomatie que de la politique
intérieure française (.....).C’est le seul pays (du Maghreb) où l’ambassadeur
doit non seulement réflechir à l’avenir, mais aussi
gérer le passé » (p59), « La France, pour l’Algérie, c’est donc à la
fois la référence, le modèle, le point d’entrée sur le monde, mais aussi le
bouc émissaire , le repoussoir, l’adversaire » (p84), « Le
« système », ce n’est ni une structure, ni une organsiation,
c’est plutôt un mode de fonctionnement du pouvoir » (p122) , « Chacun
a la mémoire de son histoire « (p134), « Les politiques n’aiment pas
trop aborder les sujets qui fâchent et préfèrent les choses agréables à
dire » (p235)